6430-12 - Communautés ripicoles des torrents de Corse du Doronicion corsici

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

L’habitat est situé entre 1200 et 2000 m d’altitude, aux étages montagnard (supérieur principalement), cryo-oroméditerranéen et subalpin (exceptionnellement à la base de l’alpin).
Il se développe sous climat à « tonalité alpine » : hivers rigoureux (les températures moyennes annuelles de l’étage subalpin sont comprises entre 3 et 7°C, mais l’essentiel de la végétation est recouvert en hiver d’un manteau de neige protecteur) ; précipitations abondantes (moyennes annuelles variant de 1600 à 2000 mm, en particulier sous forme de neige de novembre à mai). La période sans précipitation est nette et courte à l’étage subalpin (15 juillet-15 août), mais la saison sèche estivale est quasiment inexistante pour les végétaux, en raison de la nébulosité fréquente, du faible ensoleillement des ubacs et de la fonte progressive de la neige.
Ces communautés rassemblent les groupements végétaux alticoles hygrophiles des cascades, des bords de torrents, de ruisselets ou de sources des montagnes de Corse.
Le substrat est toujours siliceux, humide et rocheux, rocailleux (gros blocs) ou terreux.

Variabilité

Les végétations ripicoles à Doronic corse varient en fonction des différentes conditions écologiques, de l’altitude et de la géographie.
Sur les bords des rochers suintants des cascades et des lits rocailleux des torrents montagnards et subalpins, on trouve :
- nettement en altitude (de 1600 à 2000 m), un groupement à Narthécium de Reverchon et Laiche des régions froides [Doronico corsici-Narthecietum reverchonii narthecietosum reverchonii] ;
- un groupement à Doronic corse, Narthécium de Reverchon et Calamagrostide corse [Doronico corsici-Narthecietum reverchonii calamagrostidetosum corsicae], qui succède au groupement précédent à plus basse altitude (il se développe entre 1300 et 1600 m), dans la moitié nord de la Corse ;
- un groupement à Doronic corse, Narthécium de Reverchon et Baldingéra faux-roseau de Rotgès [Doronico corsici-Narthecietum reverchonii typhoidetosum rotgesii] qui représente, entre 1200 et 1600 m d’altitude, l’homologue écologique du précédent dans la moitié sud de la Corse.
Sur les bords des sources ou des ruisselets où le substrat est argilo-limoneux, se développe localement, entre 1300 et 1800 m d’altitude, un groupement à Millepertuis corse et Myosotis de Soleirol [Hyperico corsici-Myosotietum soleirolii]. Il s’agit d’une formation de substitution, sur substrats terreux, des deux groupements précédents à Doronic corse et Narthécium de Reverchon.
De plus, très ponctuellement, sur le plateau du Coscione (au sud de l’île), on peut distinguer un groupement à Aconit corse (Aconitum napellus subsp. corsicum) formant de petites mégaphorbiaies (de quelques mètres carrés de superficie) localisées le long des ruisselets, en bordure des « pozzines » montagnardes (pelouses humides). Ce groupement est présent à l’étage montagnard supérieur et à la base du subalpin.

Physionomie, structure

Ces communautés sont constituées de plantes herbacées ripicoles, assez hydrophiles (mais jamais immergées) et pour la plupart de grande taille (les Doronic, Aconit et Baldingéra pouvant atteindre 120 cm de haut) ; ce sont principalement des hémicryptophytes, mais quelques géophytes et nanophanérophytes sont également présentes. Elles se remarquent par la présence d’espèces aux fleurs vivement colorées qui égayent les bords des torrents et les rochers suintants des cascades de toutes les montagnes de l’île. En particulier les grandes fleurs jaunes du Doronic corse, les hampes florales, également jaunes, du Narthécium de Reverchon, ou encore celles de l’Aconit corse, d’un bleu violacé intense, qui, localement, en bordure des ruisseaux, tranchent dans le paysage uniformément vert des pozzines du plateau du Coscione.
Le recouvrement de la strate herbacée est généralement faible (10 à 70% selon les groupements), probablement en raison du substrat rocheux ; celui de la strate arbustive, constituée parfois de seulement quelques individus d’Aulne odorant ou plus rarement de Bruyère à fleurs terminales, est peu dense.
Les surfaces couvertes par ces communautés sont peu importantes.

Espèces "indicatrices"

Le Doronicion corsici est constitué d’un ensemble floristique très pauvre en espèces, mais pourtant bien individualisé ; 7 des
8 taxons « caractéristiques » de l’alliance sont des endémiques.

Confusions possibles

Des confusions sont possibles avec les communautés corses à Linaire à feuilles d’hépatique, Cymbalaria hepaticifolia (Cymbalarion hepaticifoliae, habitat 6430-11). Les groupements du Doronicion corsici présentent des affinités floristiques avec ceux du Cymbalarion hepaticifoliae (présence de certaines espèces en commun), mais les deux alliances se différencient par leurs espèces caractéristiques respectives (par exemple le Doronic corse) et surtout sur le plan écologique : le Cymbalarion est un ensemble de végétation sciaphile réparti dans les étages subalpin et alpin inférieur, tandis que le Doronicion est exclusivement hygrophile et présent à l’étage subalpin, mais également à l’étage montagnard.

Dynamique

Les groupements à Doronic corse sont considérés comme des formations pionnières permanentes liées aux bords rocheux des torrents des montagnes ; cependant, lorsque le recouvrement devient plus important et le sol plus épais (par accumulation de matériaux détritiques), il peut y avoir évolution vers le groupement à Millepertuis corse et Myosotis de Soleirol. Et inversement, ce dernier, qui est un groupement permanent des rives terreuses et graveleuses des ruisselets et torrents montagnards, peut évoluer, s’il y a érosion des berges, vers des formations à Doronic corse de substrats rocheux.

Habitats associés ou en contact

Aux étages montagnard ou subalpin, les communautés à Doronic corse peuvent être associées ou en contact avec :
- les forêts galeries d’Aulnes supraméditerranéennes et montagnardes à Gentiane à feuilles d’asclépiade et Fougère femelle (Athyrio filicis-feminae-Gentianetum asclepiadae, UE 92A0) ;
- les forêts de Pin laricio, Pinus nigra subsp. laricio (Galio-Pinetum laricii, UE 9530*) ;
- les broussailles corses d’Aulne odorant, Alnus alnobetula subsp. suaveolens (Alnetum suaveolentis, Cor. 31.612).
Très localement, sur le plateau du Coscione (dans le massif de l’Incudine), les petites mégaphorbiaies à Millepertuis corse,
Myosotis de Soleirol ou Aconit corse se développent en bordure des « pozzi » ou trous d’eau des pozzines (pelouses humides des montagnes corses, Cor. 36.372).

Répartition géographique

Cet habitat ne se rencontre qu’en Corse, de 1200 à 2000 m d’altitude environ, dans toutes les montagnes de la chaîne centrale, depuis les massifs du Cinto et du San Petrone au nord jusqu’à la montagne de Cagna au sud. Plus précisément :
- l’association à Doronicum corsicum et Narthecium reverchonii dans sa sous-association calamagrostidetosum est présente dans les massifs du Cinto, du Rotondo et dans la partie septentrionale du massif du Renoso ;
- au sud du col de Verde, c’est la sous-association typhoidetosum qui la remplace ;
- la sous-association narthecietosum est présente dans les massifs du Cinto, du Rotondo et du Renoso ;
- l’association à Millepertuis corse et Myosotis de Soleirol est présente depuis le massif du Cinto jusqu’au massif de l’Incudine ;
- le groupement à Aconit corse est localisé au plateau du Coscione (massif de l’Incudine) et à ses environs immédiats.

Valeur écologique et biologique

Cet habitat, endémique de Corse, abrite également de nombreuses plantes endémiques à l’île (cf. « Espèces indicatrices du type d’habitat »), parmi lesquelles plusieurs espèces sont très localisées, rares à l’échelle de la Corse ou protégées, comme :
- Ranunculus sylviae et Ranunculus elisae (endémiques corses, très rares, localisées au plateau du Coscione dans le groupement à Aconit corse) ;
- Myosotis soleirolii (espèce endémique de Corse et de Sardaigne et protégée au niveau national en France) ;
- l’Aconit corse (plante endémique de Corse et localisée au plateau du Coscione).
Ponctuellement, on peut également y trouver d’autres espèces végétales rares pour la Corse (c’est-à-dire présentes dans moins de dix localités dans l’île), comme : la Linaigrette des Alpes (Trichophorum alpinum) - espèce très rare : une seule population connue en Corse, dans le haut de la vallée d’Asco dans le massif du Cinto, poussant sur les bords d’un ruisseau à Narthécium de Réverchon -, la Grande fétuque (Festuca altissima), la Laiche pied-d’oiseau (Carex ornithopoda), le Millet étalé (Milium effusum), la Fougère mâle (Dryopteris filix-mas), le Rumex à feuilles de gouet (Rumex arifolius).

États de conservation

Privilégier tous les stades de l’habitat et en particulier les formations endémiques les plus localisées comme celles à Aconit corse.

Tendances et menaces

Aux étages subalpin et alpin, aucune menace ne semble peser sur cet habitat qui se trouve en grande partie dans des secteurs non modifiés (ou peu perturbés).
À l’étage montagnard, le groupement à Aconit corse, qui pousse en bordure des « pozzines », peut parfois souffrir de la présence des porcs estivant en nombre important (en libre parcours) sur le plateau du Coscione. En effet, même si l’Aconit corse n’est pas brouté, car toxique, ce groupement semble pouvoir être ponctuellement détruit par le piétinement et le retournement du sol par les porcs qui le labourent pour y faire des bauges.

Potentialités intrinsèques de production

Aucune.

Axes de recherche

Il serait intéressant d’inventorier les espèces animales (invertébrés et batraciens) vivant dans ce type d’habitat dont la composition faunistique est très mal connue. Ceci permettrait notamment de comprendre le rôle de ces milieux pour la faune montagnarde de l’île (en particulier pour les invertébrés).

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)