Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
Dans les Alpes, l’habitat se rencontre surtout à l’étage subalpin supérieur et à l’étage alpin inférieur, la moyenne altitudinale des stations se situant aux alentours de 2200 m. Toutefois, quelques stations ont été signalées à des altitudes nettement inférieures.
Il se développe sur des zones humides d’altitude soumises à des phénomènes de rajeunissement périodiques qui favorisent l’installation et le maintien de groupements végétaux à caractère pionnier plus ou moins marqué. Les phénomènes entraînant la déstabilisation du milieu peuvent être l’alluvionnement, le colluvionnement ou, moins fréquemment, la solifluxion ou la cryoturbation. Le degré d’évolution du sol et de la végétation est en relation directe avec l’importance et la périodicité de ces facteurs perturbateurs.
L’habitat se rencontre préférentiellement sur pentes faibles ou nulles, situées en fond de vallon glaciaire ou sur les replats ou petites dépressions ménagées sur les versants. Toutefois, certaines stations de versant peuvent s’installer en pleine pente à la faveur de sources ou de suintements.
Il peut se développer sur tous types de substrats, calcaires ou siliceux. Certains groupements présentent néanmoins des préférences plus ou moins marquées.
Les eaux qui l’alimentent sont froides et le plus souvent fortement oxygénées. Elles sont généralement douces à très douces : la quantité totale d’ions alcalino-terreux est en général inférieure à 1,5 mmol et ne dépasse qu’exceptionnellement 2 mmol, la moyenne se situant vers 1 mmol.
Cet habitat occupe différents types de biotopes caractérisés par une humidité plus ou moins marquée, permanente ou temporaire, du substrat. On peut principalement distinguer, selon la nature de l’alimentation en eau :
- des groupements sur alluvions et terrasses alluviales, alimentés par les cours d’eau ;
- des marais de pente, généralement alimentés par des sources ;
- des groupements installés sur les berges de mares ou de lacs.
Les différentes situations topographiques dans lesquelles ces biotopes s’insèrent déterminent les caractéristiques hydrologiques et la nature et l’importance des phénomènes géomorphologiques «perturbateurs» qui régénèrent le milieu et permettent ainsi le maintien de ces groupements pionniers. Elles influencent notamment directement le degré d’humidité du substrat et ses variations saisonnières, et conditionnent les possibilités de maturation pédologique et d’évolution de la couverture végétale.
La variabilité des facteurs écologiques actifs induit des variations de composition floristique qui permettent de distinguer plusieurs types de groupements végétaux se rattachant à cet habitat.
Variations floristiques et phytosociologiques :
Si les variantes décrites ci-après sont distinguées sur la base de leur composition floristique globale (liste de toutes les espèces présentes), les différences qu’elles présentent quant à l’abondance de l’une ou l’autre des espèces « caractéristiques » de l’habitat (cf. « Espèces indicatrices ») permet de les identifier assez facilement sur le terrain (à condition de savoir reconnaître ces dernières).
On peut ainsi distinguer sept types de groupements.
Type à Jonc arctique : le Jonc arctique, très abondant, forme des populations parfois denses dont le recouvrement dépasse fréquemment 25%.
Type à Laiche à deux couleurs : la Laiche à deux couleurs y forme des populations abondantes mais rarement très recouvrantes et les autres espèces caractéristiques de l’habitat (cf. « Espèces indicatrices »), quand elles l’accompagnent, ne présentent que de faibles effectifs. Il se développe préférentiellement sur les alluvions et présente les valeurs de recouvrement de la végétation les plus faibles de tous les types.
Type à Laiche maritime : floristiquement très proche du type précédent (auquel les phytosociologues le rattachent comme sous-association, cf. « Correspondances phytosociologiques »), il s’en distingue par l’abondance de la Laiche maritime, ainsi que par un recouvrement plus important de la strate muscinale (45% en moyenne contre 30%) ; la Laiche à deux couleurs peut également s’y trouver abondante.
Type à Laiche à petite arête : la Laiche à petite arête y forme des populations abondantes, parfois très denses, elle est souvent accompagnée de la Laiche de Davall dont les effectifs sont nettement plus importants que pour les autres types. Les deux types suivants, qui en sont floristiquement très proches, en sont considérés comme des sous-types (cf. « Correspondances phytosociologiques »).
Type à Trichophore nain : c’est l’abondance du Trichophore nain qui le distingue du type précédent dont il est floristiquement très proche. Comme le type suivant, avec qui il partage cette caractéristique, il affectionne plus particulièrement les terrasses alluviales très peu affectées par l’alluvionnement et la strate herbacée y présente les valeurs de recouvrement les plus élevées (de l’ordre de 90% en moyenne).
Type à Cobrésia simple : outre l’abondance du Trichophore nain, ce type est caractérisé par celle de la Cobrésia simple qui atteint là ses effectifs les plus importants. Il présente les mêmes caractéristiques écologiques que le type précédent hormis sa prédilection pour les substrats calcaires et une préférence plus marquée pour les sols hydromorphes organiques.
Type à Laiche rouge-noirâtre : il est caractérisé par la présence de la Laiche rouge-noirâtre qui semble lui être strictement inféodée. Du fait de la grande rareté de cette espèce dans les Alpes, ce type est le plus rarement rencontré. La Laiche rouge-noirâtre forme des populations dont le recouvrement reste faible même dans les stations où ses effectifs sont les plus importants. Le recouvrement de la strate herbacée est faible et le sol habituellement gorgé d’eau.
Variations géographiques :
En relation avec les aires de répartition des espèces caractéris- tiques, qui ne couvrent pas les Alpes du sud pour quatre d’entre elles, la répartition des types cités ci-dessus présente des différences régionales.
Ainsi les types à Laiche maritime, à Laiche rouge-noirâtre et à Cobrésia sont absents des Alpes du sud (Alpes maritimes et Haute-Ubaye), de même que ces espèces. Le type à Jonc arctique, rare dans les Alpes du nord (en Vanoise), semble relativement plus fréquent ailleurs (Queyras et Alpes maritimes).
Variations selon le degré d’humidité :
Pour l’habitat en général, et notamment les types à Laiche à deux couleurs et Laiche maritime de même que celui à Laiche à petite arête, le biotope présente une forte variabilité quant au degré d’humidité du sol qui varie, selon les stations et la saison, de faiblement humide à gorgé d’eau.
Cependant certains types se rencontrent plus fréquemment que d’autres :
- sur sols faiblement humides : c’est le cas pour les types à Trichophore nain et Cobrésia (de l’ordre de 20% des relevés) ;
- sur sols gorgés d’eau, pour les types à Jonc arctique ou à Laiche rouge-noirâtre (environ 2/3 des relevés).
Variations selon le recouvrement de la strate herbacée :
Le recouvrement de la strate herbacée varie de 60% à 90% selon les stations, en relation étroite avec le degré de stabilité du milieu. Plus les « phénomènes déstabilisateurs » sont forts ou fréquents et moins le recouvrement de la strate herbacée est important.
C’est ainsi que les types à Laiche à deux couleurs, qui affectionnent plus particulièrement les alluvions régulièrement soumises aux crues printanières, ainsi que le type à Laiche rouge-noirâtre, présentent les valeurs de recouvrement herbacé les plus faibles.
À l’inverse, le type à Trichophore nain et celui à Cobrésia présentent les valeurs les plus élevées, ceci étant à mettre en relation avec leur préférence pour les terrasses alluviales très exceptionnellement soumises à l’alluvionnement. Cette stabilisation du milieu peut conduire à une évolution vers la pelouse alpine pour le premier, ou à une tourbière basse alcaline (Caricion davallianae) pour le second, selon les conditions hydriques.
Variations selon le type de sol :
Selon le biotope qu’il occupe, les conditions hydriques et la nature et l’importance des phénomènes géomorphologiques qui l’affectent, l’habitat se développe sur trois grands types de sols :
- sols alluviaux (gris ou brunifiés) ;
- sols hydromorphes minéraux au sein desquels on peut distinguer deux types : sol alluvial à gley et gley ;
- sols hydromorphes organiques : gley à hydromull ou tourbe mésotrophe.
Si la proportion de sols alluviaux semble relativement constante selon les types (puisqu’elle est comprise entre environ 40% et 60% des stations), c’est la différence de proportion entre sols hydromorphes minéraux et organiques qui permet de distinguer deux groupes :
- les types à Jonc arctique, Laiche à deux couleurs et Laiche maritime, marquant une préférence plus marquée pour les sols hydromorphes minéraux (de 39% à 53% des stations étudiées) ;
- les autres types présentant un pourcentage nettement plus élevé que les premiers (de 44% à 49%) de stations développées sur sols hydromorphes organiques.
En relation directe avec le type de sol, les facteurs pédologiques suivants, présentant de fortes variations d’un type à l’autre, jouent un rôle déterminant :
- le pourcentage d’éléments grossiers (dans les dix premiers centimètres du profil) ;
- le pourcentage de sable ;
- le pourcentage de matière organique ;
- la teneur en bases échangeables ;
- la teneur en fer.
De façon synthétique, il existe un gradient de maturation des sols entre :
- d’une part les types à Jonc arctique, à Laiche maritime et à Laiche à deux couleurs, qui se développent sur sols pauvres en matière organique, en bases échangeables et en fer ;
- d’autre part, les types à Laiche à petite arête, à Trichophore nain, à Cobrésia et à Laiche rouge-noirâtre qui préfèrent des sols moyennement riches.
Il s’agit de formations herbacées basses riches en petites Laiches et en mousses brunes, principalement accompagnées d’autres espèces de cypéracées, Joncs et Prêles.
Parmi celles-ci, la Prêle panachée, l’Éléocharis à cinq fleurs, le Jonc à trois glumes et le Jonc des Alpes, la Laiche capillaire et la Laiche des régions froides accompagnent le plus fréquemment l’une ou l’autre des huit espèces caractéristiques de cet habitat. Dans les stations où elles sont présentes, les espèces caractéristiques (indiquées ci-après), ainsi que la Prêle panachée et l’Éléocharis à cinq fleurs, forment souvent des populations abondantes qui permettent de distinguer les types mentionnés précédemment. Le recouvrement de la strate herbacée varie en moyenne de 60% à 90%, les types à Trichophore nain et Cobrésia simple présentant les valeurs les plus élevées.
Les mousses sont abondantes, avec un recouvrement compris, en moyenne, entre 30% et 35% selon les types, à l’exception des types à Laiche maritime et Laiche rouge-noirâtre qui présentent des recouvrements plus importants (45% et 57%).
Les espèces ligneuses sont essentiellement représentées par des Saules. Il s’agit d’une part d’espèces de Saules nains comme le Saule à réseau (le plus fréquent) et, d’autre part, de Saules arbustifs parmi lesquels le Saule fétide est le plus fréquemment représenté. Lorsqu’ils sont présents, les individus d’espèces arbustives ne dépassent jamais 50 cm. Leur faible développement ne laisse pas présager d’évolution vers une saulaie arbustive. Le recouvrement moyen des espèces ligneuses se situe aux alentours de 5% pour l’ensemble du massif alpin et atteint 10% pour le massif de la Vanoise.
Du point de vue physionomique, l’habitat présente une grande similitude avec d’autres types de bas-marais présents à la même altitude, notamment ceux du Caricion davallianae (UE 7230). Il s’en distingue essentiellement par la présence et l’abondance de l’une ou l’autre de ses huit espèces caractéristiques (sensu stricto, cf. « Espèces indicatrices »), le plus souvent associées. Par ailleurs, certaines espèces susceptibles d’être rencontrées dans ces deux types d’habitats sont plus souvent abondantes, voire dominantes, dans l’un que dans l’autre : c’est le cas, par exemple, pour la Laiche de Davall (Carex davalliana), la Laiche noire (Carex nigra) ou le Scirpe gazonnant (Trichophorum cespitosum) préférentiels du Caricion davallianae, alors qu’inversement la Prêle panachée et le Jonc à trois glumes affectionnent davantage notre habitat.
L’existence de cet habitat est liée à un facteur déstabilisateur du milieu, qui peut être l’alluvionnement, le colluvionnement, la solifluxion, la cryoturbation ou l’érosion du substrat. Si ce facteur cesse d’agir ou s’atténue, ou que la végétation réussit à fixer et à stabiliser le sol, une évolution devient possible. Celle-ci se fait le plus souvent vers un bas-marais baso-neutrophile (Caricion davallianae), si le milieu reste humide. Les stations les plus sèches peuvent évoluer directement vers la pelouse, voire, plus rarement, vers des formations arbustives basses (à Saules...).
Dans les Alpes, les stations de cet habitat n’occupent généralement que quelques mètres carrés ou dizaines de mètres carrés d’un seul tenant. Sur les stations plus étendues, il forme des mosaïques avec les habitats des bas-marais ou pelouses dans lesquels ils s’insèrent.
Parmi les habitats les plus fréquemment en contact avec ces formations pionnières, et susceptibles de les « infiltrer », on trouve :
- les autres habitats de bas-marais présents aux étages alpin et subalpin, à savoir ceux du Caricion davallianae (UE 7230) et du Caricion fuscae (Cor. 54.421) ;
- les habitats de pelouses alpines environnantes, et notamment celles du Caricion ferrugineae (UE 6170), du Caricion curvulae (Cor. 36.34) et du Nardion strictae (UE 6230), ainsi que celles de l’Oxytropido-Elynion myosuroidis (UE 6170) ;
- les habitats de combe à neige (Salicetea herbaceae, Arabidion caeruleae, Cor. 36.11 et 36.12) ;
- les formations de sources (Montio fontanae-Cardaminetalia amarae, Cor. 54.1, UE 7220*) ;
- et, parfois, les formations riveraines sur bancs de graviers torrentiels (Epilobietum fleischeri, UE 3220).
L’habitat est présent du sud au nord des Alpes françaises, dans les secteurs suivants : haute vallée de la Tinée, hautes vallées du Var et du Verdon ; Haute-Ubaye ; Queyras : haute vallée du Guil ; haute vallée de la Durance - Écrins ; plateau d’Emparis ; haute vallée du Ferrand ; Vanoise : Haute-Maurienne et Haute- Tarentaise ; Haut-Arve - mont Blanc.
D’après l’étude de la répartition de l’habitat sur l’ensemble de l’arc alpin, réalisée par Bressoud en 1986, la Maurienne et la Tarentaise font partie des 11 régions alpines (sur un total de 44) qui possèdent le plus grand nombre de localités, soit chacune plus de 3% des localités répertoriées dans les Alpes (pour un total de 874 localités). Par ailleurs, seules 5 régions, dont, pour la France, la Maurienne et la Tarentaise, possèdent les huit espèces caractéristiques de l’habitat.
Les Pyrénées abritent quelques stations de deux des espèces caractéristiques de l’habitat (la Cobrésia simple et la Laiche à deux couleurs), mais la présence de l’habitat lui-même en ces sites serait à confirmer.
Exemples de sites avec l’habitat dans un bon état de conservation :
Une bonne partie des stations actuellement connues sont dans un bon état de conservation. Nous pouvons citer, à titre d’exemples non limitatifs :
- la station des Grands Creux dans la réserve naturelle de la Grande-Sassière (Savoie), qui abrite une des plus importantes populations françaises de Laiche rouge-noirâtre ;
- le complexe de stations du Vallon du Clou (Sainte-Foy-Tarentaise, Savoie) qui rassemble dans un même vallon six des huit espèces caractéristiques de l’habitat. Ce site, ne bénéficiant d’aucun statut de protection réglementaire, fait régulièrement l’objet de projets d’aménagements ;
- le site classé des Évettes (Bonneval-sur-Arc, Savoie) bel exemple de site où la mosaïque de milieux incluant l’habitat occupe une vaste superficie.
Ce groupement est « naturellement » très rare dans les Alpes et occupe le plus souvent des superficies très réduites, d’où une sensibilité accrue aux diverses menaces qui pèsent sur son devenir.
En plus de son intérêt intrinsèque, ce milieu abrite des espèces rares de très forte valeur patrimoniale. Ainsi, sur les 8 espèces caractéristiques de ce milieu, 6 espèces font partie du Livre rouge de la flore de France (tome 1 : « Espèces prioritaires ») et toutes sont protégées (dont 5 au niveau national). Ainsi, il n’est pas rare que cet habitat présente 3 ou 4 espèces du Livre rouge national au même endroit.
Si ce type d’habitat présente en soi un très fort intérêt patrimonial, la valeur de chaque « individu d’habitat » présent sur le terrain est plus ou moins élevée : il y a de « très belles stations » et des stations « plus pauvres », que cela résulte des caractéristiques écologiques stationnelles, plus ou moins favorables à l’habitat, ou de stades d’évolution différents. Les critères suivants peuvent être proposés pour évaluer l’intérêt de chaque station :
- la superficie de la station ou de la mosaïque de milieux dans laquelle l’habitat se trouve inclus ;
- le nombre d’espèces caractéristiques de l’habitat présentes sur la station, par rapport à celles présentes dans la région considérée (les 8 espèces caractéristiques sont présentes en Vanoise, 4 dans les Alpes-Maritimes) ;
- l’identité des espèces caractéristiques présentes, en accordant une valeur supérieure aux espèces les plus rares et les plus strictement inféodées à cet habitat (ex.: Carex atrofusca « supérieur » à Carex bicolor) ;
- l’importance quantitative des populations des espèces caractéristiques sur la station (pouvant varier de quelques pieds à plusieurs milliers d’individus).
Compte tenu de son caractère « prioritaire » pour la directive « Habitats », cet habitat rare sur l’ensemble de l’arc alpin devrait être préservé en chacune de ses stations actuelles, quel que soit l’état dans lequel il se trouve.
Cependant, dans certains cas nécessairement très limités, il peut se trouver nécessaire de hiérarchiser les stations afin d’établir des priorités de protection. Toutefois, cette hiérarchisation, si elle s’avérait nécessaire, ne devrait en aucun cas conduire à « l’abandon » d’un site abritant des stations « de moindre intérêt » au détriment de sites mieux positionnés. Tout au plus peut-on envisager une hiérarchisation interne à chaque site permettant de réaliser une sélection de stations à privilégier au sein d’un même site.
Avec cette réserve, il est possible d’évaluer l’intérêt de chaque station soit en fonction de ses caractéristiques propres, soit vis-à-vis de la faisabilité de son maintien. L’évaluation de l’intérêt propre à chaque station peut se faire sur la base des critères mentionnés dans le paragraphe « Valeur écologique et biologique ». L’application de ces critères pour établir les priorités de protection permet de garantir que les stations présentant la plus forte valeur patrimoniale seront conservées quel qu’en soit le prix.
En ce qui concerne les critères de faisabilité, les stations pour lesquelles les processus géomorphologiques responsables du maintien de « conditions déstabilisatrices » sont naturellement les plus actifs devraient être conservées en priorité.
Cet habitat, naturellement rare, semble régresser partout, quoiqu’inégalement, en France comme dans les autres pays de l’arc alpin. La destruction des stations, principalement occasionnée par les différents types d’aménagements humains affectant la haute montagne, ne semble pas compensée par la colonisation de nouveaux biotopes. L’isolement des stations et la taille souvent très réduite des populations d’espèces caractéristiques diminuent sans doute fortement leurs possibilités de coloniser de nouveaux biotopes favorables.
L’examen des causes connues de disparition des stations françaises mentionnées dans la bibliographie fait apparaître les phénomènes suivants :
- création de lacs de retenue et ouvrages hydroélectriques provoquant surtout la destruction par immersion ;
- aménagements touristiques en haute montagne : routes, aménagement des domaines skiables qui se traduisent soit par des destructions directes (terrassements, modelage du profil des pistes, constructions et équipements divers...) soit par le comblement ou l’assèchement des secteurs humides dont la présence nuit à la qualité de l’enneigement ;
- rectifications de cours d’eau et exploitation de gravières occasionnant des modifications du régime hydrologique (alimentation en eau des stations) et des phénomènes d’érosion-sédimentation.
Jusqu’à présent, la disparition de cet habitat par suite de phénomènes naturels semble très rare (crue exceptionnelle de l’Arc).
À l’avenir, il est probable que ces activités humaines continueront à menacer la pérennité des stations, sauf peut-être la construction de gros ouvrages hydroélectriques qui auront tendance à être remplacés par des microcentrales tout autant préjudiciables.
Concernant les phénomènes naturels, cet habitat hérité des périodes glaciaires ne pourra que pâtir du réchauffement climatique annoncé, s’il s’avère effectif localement. Toutefois, les espèces constitutives de cet habitat paraissent pouvoir s’accommoder de conditions climatiques plus clémentes. La rapidité et l’ampleur du réchauffement, d’un côté, l’importance des populations et leur variabilité génétique conditionneront la capacité de ces espèces à s’adapter sur place. À défaut, cet habitat ne pourra se maintenir que par la colonisation de nouveaux biotopes (par exemple ceux libérés par le retrait des glaciers) situés à plus haute altitude, dans la mesure où des biotopes présentant les conditions hydrogéomorphologiques adéquates seront disponibles.
Nulles.
Compléter l’inventaire des stations existantes par la recherche des stations mentionnées dans la bibliographie et la réalisation de prospections complémentaires.
Réaliser un diagnostic phytosociologique de certaines stations déjà repérées comme abritant l’une des espèces caractéristiques de l’habitat de façon à valider leur rattachement à cet habitat.
C’est le cas notamment pour une bonne partie des stations du massif du Mercantour et les rares stations d’espèces pyrénéennes.
Élaborer un outil de diagnostic de terrain, sorte de « clé de détermination » à l’usage des gestionnaires non-spécialistes en phytosociologie, pour leur permettre d’identifier sans ambiguïté l’habitat sur le terrain à partir de quelques critères floristiques et écologiques. Notamment, il serait utile de préciser si la présence de telle ou telle des huit espèces caractéristiques est en soi un critère nécessaire et suffisant.
Compléter la caractérisation écologique des stations situées dans les Alpes sud-occidentales, peu étudiées par Bressoud et présentant une composition floristique appauvrie en espèces caractéristiques.
Si, comme il a été dit précédemment, la nature des menaces principales induit une gestion essentiellement défensive, toutefois, d’autres types d’activités humaines dont les impacts sont actuellement mal connus sont susceptibles d’affecter le devenir de cet habitat. Pour mieux évaluer la réalité de ces menaces et définir, le cas échéant, les mesures de gestion à mettre en oeuvre pour y faire face, les études suivantes devraient être entreprises :
- impact de l’activité pastorale, qui peut se traduire localement par une pression de pâturage/abroutissement importante, et, aux abords des points d’abreuvement du bétail, un piétinement et un apport de matière organique (par les déjections) conséquents ;
- impact d’une modification des caractéristiques chimiques de l’eau induite par les rejets des chalets d’alpage (pastoraux ou touristiques : refuges) ;
- impact de la fréquentation touristique. Celle-ci, qui peut être très importante à proximité de certains cours d’eau et « plans d’eau », induit également des phénomènes de piétinement susceptibles de modifier les termes de la concurrence végétale.
Pour ce qui concerne les aménagements non directement destructifs mais affectant les conditions d’alimentation hydrique des stations, il serait nécessaire de disposer de références permettant de mieux évaluer au préalable l’impact potentiel de ce type d’équipement : compte tenu des caractéristiques particulières du site, à partir de quelle importance (puissance de la microcentrale, niveau de débit réservé etc.) ce type d’équipement est-il susceptible de compromettre sérieusement la pérennité des stations présentes -
Enfin, s’agissant de communautés arctico-alpines considérées comme des reliques glaciaires, l’impact d’un éventuel « réchauffement climatique global » (s’il devait se traduire par un réchauffement local, au niveau du massif alpin) et des conséquences que cela implique en matière de stratégie de conservation serait à préciser.
Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)