Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
L’association du Typhetum minimae se cantonne aux étages collinéen et montagnard inférieur. Elle est liée aux berges et zones de divagation des rivières lentes et froides, présentant des alluvions calcaires humides, riches en matériaux fins : sables, limons (la couche sablo-limoneuse doit être au moins de 15 cm d’épaisseur pour permettre un bon développement de la Petite massette). Elle se rencontre plus rarement en bordure de bras morts et de certains étangs. Les portions de berges sur lesquelles s’installe cette association présentent toujours des pentes très faibles soumises à des inondations régulières lors des crues. Ces dernières peuvent participer au rajeunissement de l’habitat mais aussi entraîner sa destruction lors de crues exceptionnelles.
L’habitat correspond à un seul type de communauté : l’association à Petite massette [Typhetum minimae] ; sa variabilité n’est pas connue.
Il s’agit le plus souvent de formations discontinues, pauvres en espèces et de faible surface (quelques dizaines à quelques centaines de mètres carrés) mais formant des tapis herbacés de 30 à 80 cm de hauteur assez denses à très denses, grâce aux rhizomes de Typha minima. Une strate arbustive existe parfois avec diverses espèces de Saules (Salix spp.) et le Myricaire d’Allemagne. La strate muscinale est généralement très peu développée.
Dans sa forme typique, cet habitat ne présente pas de risque de confusion.
Cet habitat a un caractère pionnier évident. Il n’est pas pérenne puisqu’il est régulièrement rajeuni, détruit ou remodelé par les crues, avec une fréquence variable selon l’intensité du phénomène. Son développement dépend de zones de dépôts alluvionnaires. Les crues jouent vraisemblablement aussi un rôle important dans la dissémination des graines de Typha minima et des autres espèces présentes au sein de l’habitat. Une fois installé, cet habitat peut résister à des inondations prolongées. En l’absence de crues, des formations riveraines de Saules (Cor. 44.1) et des boisements riverains (Cor. 44.2 et 44.3) s’installent et se développent en lieu et place du Typhetum minimae.
Les stations de Typhetum minimae sont situées en bordure des habitats d’eaux courantes (Cor. 24.2 et 24.3, UE 3220, UE 3230, UE 3240 et UE 3250). Le long des berges, elles apparaissent ponctuellement au contact de diverses formations riveraines de Saules (Cor. 44.1, UE 92A0) et de boisements riverains qui lui succèdent dans la dynamique végétale (Cor. 44.2). L’association est parfois en contact également avec des ourlets hygrophiles envahis par des plantes exotiques envahissantes (Reynoutria spp., Solidago spp.).
La répartition précise du Typhetum minimae est mal connue. En l’absence de connaissances plus complètes, il est possible d’émettre l’hypothèse qu’à la présence de stations de Typha minima, plante dont l’aire de répartition est mieux connue, peut correspondre celle du Typhetum minimae.
À partir de cette hypothèse, en France, la présence du Typhetum minimae serait attestée uniquement dans l’est du pays, dans les grandes zones alluviales du Rhin et dans une grande partie du bassin versant du Rhône (sur les rivières Arc, Arve, Buëch, Durance, Isère…), et le Var. Dans toutes ces régions, l’habitat est vraisemblablement présent d’une manière très ponctuelle et disséminée. Son aire de répartition s’étend jusqu’en Asie occidentale et centrale.
La seule présence d’un habitat favorable au développement de Typha minima, plante rare et protégée au niveau national, constitue en soit un intérêt biologique majeur. À noter également la présence au sein du Typhetum minimae d’autres raretés comme certaines espèces de criquets spécialisés (Epacromius tergestinus…).
La présence du Typhetum minimae sur les berges d’une rivière témoigne d’un fonctionnement naturel du cours d’eau : en cas de crues, certaines zones vont être érodées et les matériaux transportés déposés plus en aval pour former de nouvelles rives sablonneuses. Ces processus d’érosion et de sédimentation au sein du lit d’une rivière contribuent à dissiper l’énergie d’une crue et à atténuer ainsi ses effets.
Compte tenu de l’extrême rareté de cet habitat, chacune des stations devrait être préservée quel que soit son état. Toutefois, l’état à privilégier est le stade dépourvu des ligneux qui envahissent l’habitat en l’absence de crues. Un début d’envahissement par les ligneux n’est pas forcément très gênant dans la mesure où l’habitat est régulièrement rajeuni par les crues qui permettent à la phase pionnière optimale de l’habitat de s’exprimer. Cela suppose toutefois un fonctionnement naturel de l’hydrosystème.
Le maintien de l’habitat dans un bon état de conservation est donc lié à un fonctionnement naturel du cours d’eau et doit s’envisager à l’échelle de ce cours d’eau et non de la station.
Les stations de Typhetum minimae sont en très forte régression. La régulation des cours d’eau qui altère le régime des crues et freine le rajeunissement de l’habitat et la création de nouvelles stations, les endiguements qui limitent les zones potentiellement favorables à l’habitat, les aménagements hydroélectriques qui ennoient les stations, les extractions de matériaux qui détruisent directement l’habitat, ont considérablement fait régresser le Typhetum minimae qui figure vraisemblablement parmi les habitats les plus rares et menacés de France et d’Europe de l’Ouest.
Aucune.
Le suivi des populations et des expériences de reconstitution d’habitat et de réintroduction de Typha minima pourrait s’envisager en tirant profit des expériences réalisées en Suisse.
Il serait également souhaitable de préciser la place de cet habitat au sein de la classification phytosociologique. S’il partage incontestablement avec le Caricion incurvae le caractère pionnier de ces bas-marais alcalins, il en semble relativement éloigné par sa position altitudinale et les espèces caractéristiques qui le composent.
Enfin, des inventaires faunistiques seraient souhaitables pour mieux connaître le rôle de cet habitat pour la faune et préciser la répartition des orthoptères inféodées au Typhetum minimae.
Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)