1170-14 - Le Coralligène (Méditerranée)

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Attention

Les unités marines des Cahiers d'Habitats ne sont plus utilisées suite à la publication de l'interprétation française des HIC marins (de Bettignies et al., 2021). L’interprétation française de l'unité HIC est disponible ici, ainsi que les correspondances avec la typologie nationale d'habitats benthiques (NatHab-Med).

Caractéristiques stationnelles

La distribution du Coralligène est soumise à une combinaison de facteurs biotiques et abiotiques dont les principaux sont la lumière, l'hydrodynamisme, la température, la salinité, le dépôt de sédiments et les interactions biologiques.
Le Coralligène se rencontre sur les parois rocheuses ou sur les roches où les algues calcaires peuvent constituer des constructions biogènes. Du fait de leur sensibilité à la lumière, ces algues voient leur extension limitée vers le haut par les forts éclairements et vers le bas par la quantité d'énergie lumineuse nécessaire à leur photosynthèse. Les profondeurs moyennes de cet habitat se situent entre 40 à - 90 m. Lorsque les eaux sont très claires, le Coralligène débute et s'arrête très profondément (de 60 à - 130 m). A l'inverse, lorsque les eaux sont turbides, on assiste à une remontée vers des profondeurs plus faibles (de 15/20 à - 40 m). L'ampleur des variations saisonnières de la température au niveau de cet habitat est variable. Si une certaine tolérance aux fluctuations de salinité a été observée, la sédimentation de particules fines se révèle, par contre, particulièrement néfaste.

Variabilité

Le Coralligène peut présenter divers types physionomiques. Sur nos côtes les deux formes les plus typiques sont :
- le Coralligène de paroi, qui recouvre les substrats rocheux au-delà des algues photophiles (fiche : 1170-12), avec un concrétionnement plus ou moins épais et une abondance de grands invertébrés dressés tels que les gorgones Paramuricea clavata, Eunicella spp., Lophogorgia sarmentosa ;
- le concrétionnement coralligène formant des massifs biogènes de plusieurs mètres d'épaisseur et pouvant couvrir de grandes surfaces, horizontales ou non. Les principales espèces sont des algues constructrices Corallinacées ou Peyssonneliacées. La structure de ces massifs est très anfractueuse avec de nombreuses microcavités d'une grande richesse.
Divers faciès ont été décrits, parmi lesquels on peut citer :
- le faciès à Cystoseira zosteroides ;
- le faciès à Cystoseira usneoides ;
- le faciès à Cystoseira dubia ;
- le faciès à Eunicella cavolinii ;
- le faciès à Paramuricea clavata ;
- le faciès à Lophogorgia sarmentosa.

Espèces "indicatrices"

La biodiversité de cet habitat est très élevée, les espèces les plus typiques sont citées ci-après.
Algues Corallinacées : Mesophyllum lichenoide, Lithophyllum frondosum, Pseudolithophyllum expansum, P. cabiochae ; algues Peyssonneliacées : Peyssonnelia rosa-marina, P. rubra ; algues molles Cystoseira usneoides, C. opuncioides, Halimeda tuna.
Eponges : Axinella polypoides, Spongia agaricina.
Cnidaires : Paramuricea clavata, Eunicella cavolinii, E. singularis, Lophogorgia sarmentosa, Alcyonium acaule, Gerardia savaglia, Parerythropodium corallioides.
Bryozoaires : Adeonella calveti, Hornera spp., Myriapora truncata, Pentopora fascialis, Smittina cervicornis, Schizomavella mamillata.
Polychètes : Amphitrite rubra, Bispira volutacornis, Eunice aphroditois, E. oerstedii, E. torquata, Haplosyllis spongicola, Glycera tesselata, Trypanosyllis zebra, Palola siciliensis.
Mollusques : Lithophaga lithophaga, Luria lurida, Triphora perversa, Muricopsis cristatus, Chlamys multistriatus, Pteria hirundo.
Sipunculides : Phascolosoma granulatum, Aspidosiphon spp.
Échinodermes : Astrospartus mediterraneus, Antedon mediterraneus, Centrostephanus longispinus, Echinus melo.
Crustacés : Palinurus elephas, Homarus gammarus, Lissa chiragra, Periclimenes scriptus.
Ascidies : Microcosmus sabatieri.
Poissons : le Barbier (Anthias anthias), le Labre mêlé (Labrus bimaculatus), la Rascasse rouge (Scorpoena scrofa), l'Acantholabre (Acantholabrus palloni), Lappanella fasciata.

Confusions possibles

Le passage à l'horizon inférieur de la roche infralittorale à algues photophiles (fiche : 1170-13) est parfois difficile à situer en raison de la remontée à ce niveau de nombreuses espèces coralligènes.
De même, le passage aux grottes semi-obscures (fiche : 8330-3) se révèle complexe à déterminer.

Correspondances

Typologie ZNIEFF-Mer (1994) : IV.6.5
Typologie EUNIS (1999) : A3.6
Nomenclature phytosociologique : alliance : Lithophyllion grandiusculi Giaccone 1965 ; associations : Lithophyllo-Halimedetum tunae Giaccone 1965, Rodriguezelletum stafforelli Augier et Boudouresque 1975, Phymatholitho-Lithothamnietum coralloides Giaccone 1965.

Dynamique

L'existence et l'évolution du Coralligène sont dominées par la dynamique bioconstruction/biodestruction. En effet, les algues Corallinacées et Peyssonneliacées, ainsi que certains invertébrés constructeurs ou à test calcaire, participent à la construction biogène de la formation, alors qu'un cortège d'espèces (éponges du genre Cliona, sipunculides, mollusques foreurs) corrodent et détruisent les constructions calcaires. Certains déséquilibres du milieu, tels que la pollution des eaux, peuvent diminuer considérablement l'activité constructrice de certains groupes et favoriser le développement des foreurs.

Habitats associés ou en contact

Dans sa partie supérieure, l'habitat est en contact avec les algues photophiles (fiche : 1170-13). Dans la zone riche en cavités surplombs et grottes, il est en contact avec les grottes semi-obscures (fiche : 8330-3).

Répartition géographique

Cet habitat est présent sur toutes les côtes rocheuses, lorsque la profondeur le permet. Les plus beaux tombants et massifs de Coralligène se trouvent dans les Bouches-du-Rhône, les îles d'Hyères et la côte ouest de la Corse.

Valeur écologique et biologique

Le Coralligène est considéré comme un carrefour écologique réunissant, grâce à son extrême hétérogénéité structurale, un nombre important de compartiments coenotiques allant de la biocénose des algues photophiles infralittorales aux vases bathyales. La croissance des algues calcaires, consolidées et compactées par des invertébrés constructeurs, a pour effet de façonner des anfractuosités qui, remodelées par les foreurs, vont constituer des réseaux cavitaires. Ceux-ci abritent une faune variée et riche ayant fréquemment des besoins et des relations très divers.
En raison de cette richesse et de cette grande diversité, on considère que le Coralligène est un des habitats ayant la plus haute valeur écologique de Méditerranée.

Tendances et menaces

Comme tous les habitats littoraux, le Coralligène subit les effets de la pollution, de la pêche et du tourisme sous-marin.
La pollution agit sur le Coralligène essentiellement par le biais de la qualité chimique de l'eau et de sa teneur en matière en suspension. Cette menace se traduit par une diminution de la richesse spécifique globale (de l'ordre de 45 %) et de la densité des individus (de l'ordre de 75%).
L'activité constructrice est ralentie alors que celle des foreurs est activée et les cavités sont colmatées par les sédiments.
La pêche non contrôlée a modifié la structure des peuplements avec la disparition de certaines espèces de crustacés (Langoustes, Homards, Cigales) et de poissons (Mérous, Corbs).
La multiplication des mouillages dans certaines zones peut entraîner des dommages de l'épibiose des roches. L'hyperfréquentation est susceptible d'avoir un effet négatif : arrachages volontaires ou non, prélèvements d'espèces, déplacements de rochers, dérangements de certaines grandes espèces.
L'envahissement par Caulerpa taxifolia peut être considéré comme un danger potentiel grave.

Potentialités intrinsèques de production

Les potentialités de production économique de cet habitat sont de deux ordres :
- production directe par la pêche des espèces de haute valeur économique : Langoustes, Mérous (en cas de cessation du moratoire pour cette espèce) ;
- production indirecte par la valeur esthétique de l'habitat pour le tourisme sous-marin.

Modes de gestion recommandés

Surveillance de la qualité des eaux littorales.
Gestion très stricte de la pêche et, en particulier, respect des moratoires adoptés pour certaines espèces comme le Mérou dont le but est d'assurer la reconstitution des populations quasiment détruites.
Maîtrise du tourisme sous-marin, en particulier de la plongée sous-marine, et éducation du public.
Certaines zones possédant des concrétionnements coralligènes de haute valeur esthétique doivent faire l'objet de protection par le classement en site protégé ou en réserve.
Surveillance de l'extension de Caulerpa taxifolia.

Axes de recherche

Les modalités de croissance du concrétionnement coralligène ainsi que la dynamique de son peuplement doivent faire l'objet de recherches très précises. L'action des différents facteurs naturels et anthropiques doit être étudiée. Le recensement des zones de haute valeur reste à achever.
Les mortalités massives de gorgones, corail et spongiaires, telles qu'en ont été observées au cours de l'été 1999, sont à étudier. Ce phénomène est à surveiller sous peine d'assister à la disparition de ces fonds à haute valeur écologique.
Il est impératif de poursuivre des recherches en ce qui concerne le développement de l'algue Caulerpa taxifolia et de son impact possible sur cet habitat.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

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