1170-13 - La roche infralittorale à algues photophiles (Méditerranée)

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Attention

Les unités marines des Cahiers d'Habitats ne sont plus utilisées suite à la publication de l'interprétation française des HIC marins (de Bettignies et al., 2021). L’interprétation française de l'unité HIC est disponible ici, ainsi que les correspondances avec la typologie nationale d'habitats benthiques (NatHab-Med).

Caractéristiques stationnelles

Cet habitat est situé dans l'étage infralittoral qui s'étend depuis la zone où les émersions ne sont plus qu'accidentelles jusqu'à la limite au-delà de laquelle les phanérogames marines et les algues photophiles ne peuvent plus survivre. Cette limite inférieure est conditionnée par la pénétration de la lumière, elle est donc extrêmement variable selon la topographie et la qualité de l'eau. Dans certaines zones d'eau très claire, elle peut descendre jusqu'à 35 à - 40 m, alors qu'elle est limitée à seulement quelques mètres dans les zones les plus turbides.
Tous les substrats rocheux de l'étage infralittoral où règnent des conditions de lumière suffisantes sont recouverts par des peuplements extrêmements riches et variés d'algues photophiles.

Variabilité

L'habitat héberge une biocénose d'une grande richesse et d'une extrême complexité.
On distingue trois horizons :
- un horizon supérieur (de 0 à - 1 m), où la lumière et l'énergie hydrodynamique sont fortes ;
- un horizon moyen (de 1 à - 15 m), où les facteurs lumière et hydrodynamisme sont fortement atténués ;
- un horizon profond (de 15 à - 40 m), où la lumière et l'hydrodynamisme sont extrêmement faibles.
À chacun de ces horizons correspondent des associations végétales avec des faciès bien caractéristiques, parmi ceux-ci les principaux sont :
- pour l'horizon supérieur :
- le faciès à Cystoseira amentacea var. stricta, en eau pure, mode agité, avec forte luminosité,
- le faciès à Cystoseira crinita, en eau pure, mode calme, avec forte luminosité,
- le faciès à Schottera nicaeensis, en eau pure, mode agité, avec lumière atténuée,
- le faciès à Stypocaulon scoparia, en eau pure, mode calme, avec forte luminosité,
- le faciès à Corallina elongata, en mode moyen, avec forte luminosité,
- le faciès à algues encroûtantes (Lithophyllum spp.), en milieu perturbé,
- le faciès à Mytilus galloprovincialis, dans les zones à fort apport organique ;
- pour l'horizon moyen : les faciès à hydraires Aglaophenia spp. et Eudendrium spp. dominants ;
- pour l'horizon inférieur :
- faciès à Cystoseira spinosa,
- faciès à gorgones Eunicella spp.
Ce dernier horizon comporte des espèces provenant du Coralligène (fiche : 1170-14).

Espèces "indicatrices"

L'habitat héberge de très nombreuses espèces.
Algues : Lithophyllum incrustans, Padina pavonica, Stypocaulon scoparia, Laurencia obtusa, Amphiroa rigida, Jania rubens, Cystoseira amentacea var. stricta, Codium bursa.
Cnidaires : Actinia equina, Anemonia sulcata, Eudendrium spp., Sertularella ellisi, Aglaophenia octodonta.
Mollusques : Acanthochitona fascicularis, Patella aspera, Vermetus triqueter, Mytilus galloprovincialis.
Polychètes : Amphiglena mediterranea, Branchiomma (Dasychone) lucullana, Hermodice carunculata, Lepidonotus clava, Lysidice ninetta, Perinereis cultrifera, Platynereis dumerilii, Polyophthalmus pictus, Syllis spp.
Crustacés : Balanus perforatus, Amphithoe ramondi, Dexamine spiniventris, Hyale spp., Acanthonyx lunulatus.
Echinodermes : Amphipholis squamata, Paracentrotus lividus.

Confusions possibles

La limite inférieure de l'habitat est parfois difficile à distinguer du Coralligène (fiche : 1170-14).

Correspondances

Typologie ZNIEFF-Mer (1994) : II.9.6, III.9.7
Typologie EUNIS (1999) : A3.2
Nomenclature phytosociologique : alliances : Cystoseirion crinitae Molinier 1958, avec 15 associations ; Sargassion hornschuchii Giaccone 1973, avec 4 associations ; Ulvion laetevirentis Berner 1931, avec 5 associations.

Dynamique

Cet habitat est certainement le plus riche et le plus diversifié de tous. Il est dominé par la végétation et sa dynamique est largement conditionnée par le cycle biologique des algues. Suivant les faciès, son maximum de développement se situe en hiver ou en été. Dans tous les cas, la plupart des algues ayant un cycle annuel, les thalles tombent ou sont arrachés, entraînant une partie des épiphytes et de la faune.
Les faciès correspondant à des conditions environnementales bien particulières, seules des modifications du tracé de la côte ou des altérations du milieu peuvent les faire évoluer.

Habitats associés ou en contact

Sur les côtes rocheuses, le contact supérieur se fait avec la biocénose de la roche médiolittorale inférieure (fiche : 1170-12) dans laquelle remontent certaines espèces, lorsque les conditions le permettent. Le contact inférieur s'effectue avec le Coralligène (fiche : 1170-14), avec parfois des échanges de populations au niveau de l'horizon inférieur.

Répartition géographique

Cet habitat est présent sur toutes les côtes rocheuses naturelles et sur les substrats solides artificiels des côtes de Méditerranée.

Valeur écologique et biologique

Cet habitat, extrêmement riche qualitativement et quantitativement, comprend plusieurs centaines d'espèces et sa production peut atteindre plusieurs kilogrammes par mètre carré. Le réseau trophique y est très complexe et ouvert sur les autres habitats par exportation d'organismes et de matériel organique. De nombreux poissons se nourrissent à partir des végétaux ou des animaux vivant dans cet habitat.

Tendances et menaces

Certains faciès sont très sensibles à la qualité des eaux, Cystoseira amentacea var. stricta est considérée comme un excellent indicateur de la qualité de l'eau et sa disparition est liée à l'accroissement de la pollution. L'habitat est également très sensible à la quantité de matières en suspension pour deux raisons fondamentales : les eaux turbides diminuent la photosynthèse et altèrent donc le peuplement algal, la sédimentation comble les microcavités entre les algues et élimine la petite faune cryptique. La biocénose est aussi fortement soumise à la pression d'espèces introduites plus ou moins invasives (Caulerpa taxifolia) qui peuvent l'altérer, voire la détruire.

Potentialités intrinsèques de production

La production propre de cet habitat est relativement faible, en Méditerranée, elle se limite à l'exploitation des moulières naturelles. Les élevages de Moules se font aussi, à ce niveau, sur des substrats artificiels.
L'habitat intervient directement dans l'alimentation d'un grand nombre de poissons, soit de façon directe, soit de manière indirecte par la dispersion de détritus végétaux et animaux dans les autres fonds.

Modes de gestion recommandés

Surveillance de la qualité des eaux littorales.
Limitation des aménagements côtiers.
Surveillance de la fréquentation touristique et éducation du public.
Suivi de l'évolution de Caulerpa taxifolia.

Axes de recherche

Cet habitat a fait l'objet d'importantes études, mais on connaît encore assez mal sa dynamique, ainsi que l'impact de certaines espèces introduites et des activités anthropiques.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

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