1140-3 - Estrans de sable fin (façade atlantique)

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Attention

Les unités marines des Cahiers d'Habitats ne sont plus utilisées suite à la publication de l'interprétation française des HIC marins (de Bettignies et al., 2021). L’interprétation française de l'unité HIC est disponible ici, ainsi que les correspondances avec la typologie nationale d'habitats benthiques (NatHab-Atl).

Caractéristiques stationnelles

Cet habitat se présente sous forme de vastes étendues sableuses de très faible pente où les houles déferlent (littoral "rectiligne" d'Aquitaine ou de Picardie). À l'opposé, lorsque ces estrans relient des pointes rocheuses et sont d'étendue plus restreinte (côte nord de Bretagne), la pente peut être plus accentuée (littoral "festonné").
L'estran passe par des alternances d'immersion et d'émersion en fonction du régime marégraphique. À basse mer, l'eau descend par gravité ("eau de gravité"), par contre "l'eau de rétention", adsorbée autour des grains de sable, peut être retenue. On assiste donc à une importante circulation interstitielle qui est beaucoup plus liée au profil de plage qu'au niveau même de la marée (il s'agit bien du médiolittoral). Ce profil, défini par les conditions hydrodynamiques, varie saisonnièrement. Sa pente traduit le mode d'exposition : battu ou abrité.
Il peut être brisé, et l'eau qui ruisselle sur la plage en continuité avec la nappe phréatique (située sous le cordon dunaire) définit la zone de résurgence, où la salinité est généralement inférieure.
Plus bas sur la plage (au niveau des basses mers de morte-eau) apparaît la zone de saturation qui, même à marée basse, garde son eau de gravité et son eau de rétention. Ces conditions, même en milieu intertidal, ne sont pas différentes de celles de l'étage infralittoral (UE : 1110).

Variabilité

Dans cette zone de rétention, la distribution des espèces est liée à la stabilité sédimentaire : des sables fins légèrement envasés (de 2 % à 5 %) et bien stabilisés aux sables moyens mobiles et bien drainés.

Espèces "indicatrices"

Les espèces se relaient le long d'un gradient d'hydrodynamisme à ce niveau croissant sans qu'il soit réellement possible de séparer de véritables communautés. Pour illustrer ce gradient, il est cependant possible de signaler les faciès les plus courants.
Les sables fins légèrement envasés à Cerastoderma edule (bivalve) et petites polychètes (Spio martinensis, Scoloplos armiger). En la présence d'Arenicola marina, ce faciès abrité peut être en continuité directe avec les sédiments envasés d'estuaires (peuplements à Macoma baltica). Il peut aussi être recouvert par des herbiers de Zostère naine (Zostera noltii). Ceux-ci hébergent des espèces marines telles Littorina littorea, Akera bullata, Bittium reticulatum (gastéropodes), Venerupis pullastra et Paphia (= Tapes) aurea (bivalves), etc., et le crabe Carcinus maenas. Les sables fins à amphipodes fouisseurs et Tellina tenuis des milieux semi-abrités. Les amphipodes fouisseurs (à marée basse) constituent l'essentiel du peuplement et appartiennent à de nombreuses espèces, essentiellement des genres Bathyporeia et Urothoe. Ces sables peu mobiles hébergent des populations abondantes de bivalves (Tellina tenuis et T. fabula). La présence des bivalves Donax trunculus et D. vittatus signale que l'on passe au mode battu (sables de déferlage).
Les sables moyens et grossiers du mode battu à amphipodes fouisseurs et Nephtys cirrosa. Ces sables sont très mobiles et fortement drainés, ce qui explique la quasi-absence de bivalves. Aux amphipodes du genre Bathyporeia se joignent les représentants des genres Pontocrates et Haustorius ainsi que l'isopode Eurydice pulchra. Trois polychètes tolèrent bien cette instabilité sédimentaire : Nerine cirratulus (= Scolelepis squamata), Nerine bonnieri, Nephtys cirrosa, auxquels se joint plus rarement le bivalve Mesodesma corneum.

Confusions possibles

Il n'y a pas de confusion possible.

Correspondances

Typologie ZNIEFF-Mer (1994) : II.3.3, II.3.1
Typologie Marine Biotopes (1996) : LMS Pcer, LMSAP Ang, LGS AEur, LGS Apsco
Typologie EUNIS (1999) : A2.2

Habitats associés ou en contact

A la partie supérieure : contact avec les sables de hauts de plage à Talitres (fiche : 1140-1).
A la partie inférieure : contact avec les sables infralittoraux (UE : 1110).
Dans des conditions d'hydrodynamisme décroissant : contact avec les estuaires (UE : 1130).

Répartition géographique

Partout sur le littoral Manche-Atlantique.

Valeur écologique et biologique

Habitat à forte valeur écologique et biologique étant donné le nombre et l'abondance des espèces concernées. La base de la chaîne trophique repose sur les multitudes de petits crustacés trouvant une nourriture abondante dans la mince couche d'eau à marée haute (phytoplancton, détritus...) et présentant un développement rapide. Les populations très abondantes de crustacés, polychètes et bivalves constituent une source de nourriture importante pour les poissons et les crustacés à marée haute et les oiseaux à marée basse. Parmi ces derniers, deux espèces sont très caractéristiques de cet habitat : le Bécasseau sanderling (Calidris alba) et le Gravelot à collier interrompu (Charadrius alexandrinus).

Tendances et menaces

Aujourd'hui, cet habitat est directement menacé par l'eutrophisation qui se manifeste de manière plus ou moins visible.
L'augmentation des apports de matières organiques sur le littoral, d'origine urbaine et agricole, peut se traduire sur ces estrans par une prolifération massive d'algues vertes (Monostroma, Ulva, Enteromorpha...). Ces milieux sont le plus souvent baignés d'eaux claires qui permettent aux algues de se développer une
fois détachées du fond. Leurs échouages, appelés "marées vertes", sont variables selon les années (pluviosité...) et selon les coefficients de marée. Apparues au début des années 70, elles sont de plus en plus abondantes et étalées dans le temps.
Ces dépôts d'algues en décomposition modifient le peuplement originel au bénéfice de polychètes opportunistes et au détriment des amphipodes. Il est possible de décrire des épisodes d'anoxie mortelle pour la faune accompagnés de dégagements ultérieurs d'hydrogène sulfuré (Ménesguen et al., 1997).
Au-delà de ces manifestations très voyantes de l'eutrophisation, les apports excédentaires de matière organique peuvent se traduire par une modification qualitative des peuplements beaucoup plus insidieuse, avec perte d'espèces sensibles au bénéfice d'espèces opportunistes (Glémarec et Hily, 1997).
Par ailleurs, l'habitat est exposé à d'autres types de menaces dont les plus immédiates sont présentées ci-après.
Ces estrans font l'objet d'une exploitation par la pêche à pied. Deux sont concernés : les coquillages - Coques et Donax (Olives de mer) - et les vers utilisés comme appâts pour la pêche à la ligne - Arénicoles, Gravettes (Nephtys), etc. La destruction des tubes et des galeries provoque une déstructuration de l'habitat et une modification des équilibres géochimiques.
Les estrans de sables fins sont aussi le lieu d'implantation d'importantes installations mytilicoles (bouchots). Leur maintien et leur développement peuvent être parfois source de conflits.
L'exploitation directe du sable à des fins d'amendements est autorisé dans certaines régions (cultures de carottes...).
Les loisirs sportifs (char à voile, cerf-volant...) constituent des menaces potentielles pour les oiseaux exploitant cet habitat.

Potentialités intrinsèques de production

Aire de nourrissage importante pour les juvéniles de poissons plats à marée haute.

Modes de gestion recommandés

Veiller à la compatibilité entre la préservation de l'habitat et les activités humaines (aquaculture, tourisme).
Mieux gérer les flux de contaminants venant des bassins-versants.
Organiser la circulation des véhicules sur ces zones.

Axes de recherche

L'ensemble des phénomènes décrits sous le nom d'eutrophisation mériterait d'être étudié de façon méthodique, d'autant plus que l'évolution des impacts directs des marées vertes demeure très mal connue.
Sur chaque site la capacité nutritive du milieu devrait être étudiée. On a en effet déterminé des seuils à partir desquels l'aquaculture induit pour elle-même et pour les autres activités des effets négatifs. De ce fait, il existe des schémas départementaux visant à limiter les quantités d'animaux en culture pour qu'elles soient en rapport avec la capacité nutritive du milieu.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliography

 Bensettiti F., Bioret F., Roland J. & Lacoste J.-P. (coord.) 2004. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 2 - Habitats côtiers. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 399 p. + cédérom. (Source)

DAUVIN J.C. (édit.), 1997 - Les biocénoses marines et littorales françaises des côtes Atlantique, Manche et Mer du Nord, synthèse, menaces et perspectives. Laboratoire de Biologie des Invertébrés Marins et malacologie - Service du Patrimoine naturel / IEGB / MNHN, Paris, 376 pp.

GLÉMAREC M. et HILY C., 1997 - Variabilité naturelle et perturbations anthropiques des écosystèmes sédimentaires - « De la tolérance à l’opportunisme ? ». In DAUVIN J.-C. (éd.), Les biocénoses marines et littorales françaises des côtes Atlantique, Manche et mer du Nord : 278-281.

HILY C. et GUILLAUD J.-F., 1997 - Les rejets urbains en mer. In DAUVIN J.-C. (éd.), Les biocénoses marines et littorales françaises des côtes Atlantique, Manche et mer du Nord : 206-211.

Ménesguen A., Piriou J.Y., Dion P., Auby I., 1997. Les "marées vertes", un exemple d'eutrophisation à macroalgues. in : "Les biocénoses marines et littorales françaises des côtes Atlantique, Manche et Mer du Nord. Synthèse, menaces et perspectives", J.C. Dauvin (ed), Lab. Biol. Invertébrés marins et Malacologie, Service du Patrimoine Naturel/IEGB/MNHN, Paris, 376 p, 212-218.