Les marais de Saint-Gond se situent au sud-ouest du département de la Marne, au pied de la Côte d'Ile de France, à une dizaine de kilomètres de Sézanne. Ils constituent une ZNIEFF I de près de 3 200 hectares qui occupe une grande partie de la vallée du Petit Morin et sont considérés comme l'une des tourbières alcalines les plus prestigieuses de la région. Les marais sont constitués par une variété de milieux, des plus humides (dans les zones basses tourbeuses hydromorphes) aux plus sèches (sur les zones légèrement plus hautes où affleurent la grève calcaire, appelées ici sécherons). On y rencontre les différents stades de la tourbière plate alcaline dont certains font partie de l'annexe I de la directive Habitats :
- le bas-marais alcalin à laîche de Davall (Caricion davallianae) est un des groupements les plus remarquables de Saint-Gond et renferme un bon nombre d'espèces végétales rares ou protégées. Il se développe dans quelques zones très humides et est représenté par une communauté à mousses brunes et petites laîches (laîche de Davall, laîche jaunâtre, laîche vulgaire), accompagnées par le marisque, le choin noirâtre, le jonc à tépales obtus, la grassette commune, la parnassie des marais, la linaigrette à larges feuilles, la pédiculaire des marais et par de nombreuses orchidées (orchis incarnat, orchis négligé, épipactis des marais, liparis de Loesel, orchis des marais, etc.)
- Localement (dans la commune de Reuves par exemple) se rencontre un groupement du Caricion lasiocarpae, relevant de la tourbière tremblante alcaline (habitat codé dans la typologie CORINE biotopes sous le numéro 545, non répertorié dans la base de données du logiciel utilisé ici et rangé sous le code 513), largement dominé par la laîche à fruit barbu accompagnée par les laîches raide et jaunâtre, le ményanthe trèfle d'eau, le gaillet des marais, la menthe aquatique et de nombreuses espèces protégées (germandrée des marais, grande douve, peucédan des marais, saule rampant...), ce qui confère à ce groupement une forte valeur patrimoniale, malgré sa faible représentation (1% de la surface totale de la ZNIEFF).
- la magnocariçaie et la cladiaie sont les deux habitats essentiels du marais (intérêt et superficie). La première est composée de touradons serrés de laîche paradoxale, laîche des rives, laîche hérissée, laîche paniculée, laîche vert-jaunâtre, laîche raide, etc. Entre les touradons se rencontrent l'écuelle d'eau, la renoncule petite douve, la gesse des marais, le jonc glauque, le peucédan des marais, le liparis de Loesel, la valériane officinale, le calamagrostis des marais, le marisque qui peut former par endroits un peuplement monospécifique, etc.
- la roselière est souvent située en mosaïque avec la cariçaie ou en marge de celle-ci ; il s'agit d'un peuplement dense et homogène de hauts hélophytes composé presque exclusivement de phragmite et de calamagrostis des marais, avec le cirse des marais, la salicaire, la lysimaque vulgaire, la gesse des marais, la laîche paradoxale, le saule rampant, le lycope d'Europe et le pigamon jaune.
- la mégaphorbiaie et la filipendulaie se rencontrent à la lisière des boisements, au niveau des layons de chasse ou colonisent les prairies abandonnées ; elles sont constituées par de hautes herbes où dominent la reine des prés et le cirse maraîcher. Ils sont accompagnés par l'euphorbe des marais, l'angélique sauvage, l'eupatoire chanvrine, l'ortie dioïque, le liseron des haies, le gaillet gratteron, le séneçon des marais, etc. Elle est parsemée, ainsi que la roselière et la cariçaie, d'arbustes (bourdaine, viorne obier) et de saulaies "en boule" (surtout saule cendré, plus rarement saule blanc, saule à oreillettes, saule fragile, saule pourpre, divers saules hybrides) avec quelques jeunes frênes, aulnes et bouleaux.
La forêt alluviale qui leur fait suite est représentée par la chênaie-frênaie à érables et l'aulnaie. Cette dernière a une strate arborescente presque exclusivement constituée d'aulne glutineux, plus rarement de bouleaux, avec pour la strate arbustive, le groseillier à maquereaux, la viorne obier, le cornouiller sanguin, le merisier, le fusain d'Europe et pour la strate herbacée la laîche des marais, la ronce bleue, la morelle douce-amère, l'iris jaune, la fougère femelle, la fougère mâle, le polystic spinuleux. Dans les zones moins inondées se développe l'aulnaie-frênaie dont la strate arborescente est constituée d'aulnes glutineux, de frênes et de quelques saules (saule blanc, saule cendré) avec, dans le tapis herbacé, une prédominance des grands carex et des fougères.
Les tourbières boisées sont représentées de façon assez homogène au niveau de l'ensemble des marais et sont un des éléments paysagers importants de la ZNIEFF. La couverture arborescente est dominée par les deux espèces de bouleaux : bouleau verruqueux et bouleau pubescent. Le sous bois et la strate herbacée sont très variable et constitués d'espèces relictuelles des milieux colonisés par la boulaie (la molinie bleue, le calamagrostis commun et le phragmite étant les plus représentés).
Au niveau des zones de transition entre les sécherons et les zones mouillées se développe la moliniaie qui forme une bande discontinue tout autour des marais. Elle se caractérise par un peuplement herbacé dense et largement dominé par la molinie bleue, avec le saule rampant (assez bien représenté dans ce type de milieu), l'œillet superbe, la renoncule à segments étroits, le cirse anglais, la gentiane pulmonaire, l'œnanthe de Lachenal, l'ophioglosse vulgaire, l'inule à feuilles de saule, le lotier à gousses carrées, le silaüs des prés, le genêt des teinturiers, etc. De nombreux saules sont implantés au sein de ce groupement, ainsi que des bouleaux verruqueux de plus en plus envahissants.
Sur les sécherons proprement dits se rencontre la pelouse mésohygrophile sur calcaire, dont le flore est dominée par le brachypode penné et le brome érigé, mêlés à la brize intermédiaire, au fromental et à la laîche glauque. Elle présente de nombreuses orchidées (orchis grenouille, orchis moucheron, platanthère verdâtre, orchis militaire, etc.) et un cortège végétal très diversifié (gentiane germanique, chlorette perfoliée, campanule à feuilles rondes, oeillet superbe, lin purgatif, gaillet jaune, bugrane rampante, chardon roulant, serpolet commun...). Des fruticées à aubépines, églantiers, prunelliers et cornouillers envahissent la pelouse. Cà et là, on peut noter queques arbres (chêne pédonculé, merisier, saules).
La prairie de fauche, aujourd'hui très réduite, est caractérisée par la présence de nombreuses graminées fourragères (avoine élevée, houlque laineuse, pâturin commun, fléole des champs, ray-grass) et par l'achilée millefeuille, la knautie des champs, le crépis bisannuel, la sanguisorbe officinale, etc. Dans les zones plus humides apparaissent le pâturin des marais, le gaillet des fanges, le triglochin des marais, la renoncule âcre, le jonc glauque, etc.
Le réseau hydrographique est constitué par le Petit Morin alimenté d'une part par des ruisseaux naturels (ruisseau du Moulin, le Coubersault, le Bonon, ruisseau des Suisses, ru des Moulins) et d'autre part par de nombreux canaux artificiels et fossés de drainage. Il a été également répertorié deux sources et une résurgence. La végétation immergée de la rivière appartient au Ranunculion fluitantis ; elle est caractérisée par la présence du callitriche à crochet, de la renoncule flottante, de l'élodée du Canada, du butome en ombelle, du rubanier simple, de la sagittaire flèche d'eau, du potamot coloré, du potamot à feuilles flottantes, etc. Dans les mares et les étangs on peut observer des tapis de characées, des groupements à potamots et renoncules (potamot dense, potamot à feuilles perfoliées, potamot graminée, potamot à feuilles crépues, renoncule aquatique, renoncule à feuilles capillaires, etc.), des peuplements à lentille d'eau, des communautés flottantes à utriculaire (utriculaire commune et petite utriculaire). Sur les bords tourbeux des mares non aménagées, dans les anciennes fosses d'extraction de la tourbe et dans les fossés subsiste une végétation amphibie où se remarquent le flûteau fausse-renoncule (espèce très rare et très menacée), le samole de Valérand et le rubanier nain.
De nombreuses espèces végétales rares ou protégées (43 espèces) sont présentes dans la ZNIEFF : quatre sont protégées au niveau national, il s'agit de l'œillet superbe (en très forte régression et ne se rencontrant plus actuellement pour la Champagne-Ardenne que dans le marais de Saint-Gond), de la renoncule grande douve, du liparis de Loesel (orchidée dont les stations de Champagne-Ardenne figurent parmi les dernières de tout le quart nord-est du pays) et du sisymbre couché (en très forte régression, la Champagne contenant le plus grand nombre actuels de localités françaises où la plante est encore présentes). Ces deux dernières espèces sont inscrites comme espèces prioritaires de la directive Habitats (annexes II et IV), elles font également partie de l'annexe I de la convention de Berne et figurent dans la liste prioritaire du livre rouge de la flore menacée en France (catégorie vulnérable). Une vingtaine d'espèces sont protégées au niveau régional, notamment la laîche à fruits barbus, le mouron délicat (proche ici de sa limite de répartition vers le nord-est), la linaigrette à larges feuilles (qui a presque disparu de la plaine française), l'orchis des marais (qui a subi une des régressions les plus spectaculaires de la Champagne-Ardenne), le rubanier nain (plus grosse population régionale), la laîche paradoxale, le saule rampant, l'orchis négligé, l'orchis de traunsteiner, la grassette commune (rare en plaine et en très forte régression régionale), la petite utriculaire, la renoncule à segments étroits (les marais de Saint-Gond sont la seule station connue pour cette espèce dans le département), etc. Ils sont pour la plupart inscrits sur la liste rouge des végétaux menacés de Champagne-Ardenne, avec 19 autres espèces représentées sur le site : oenanthe de Lachenal, orchis incarnat, orchis grenouille, potamot coloré, ményanthe trèfle d'eau, pédiculaire des marais, renoncule aquatique, renoncule des champs, samole de Valérand, utriculaire vulgaire, berle à larges feuilles, etc.
La faune est également d'une richesse exceptionnelle, les groupes les mieux inventoriés étant les mammifères, les amphibiens et certaines catégories d'insectes dont les odonates et les lépidoptères (près d'une centaine d'espèces différentes répertoriée).
Les Libellules et les papillons ont des populations très diversifiées au niveau des marais et possèdent une douzaine d'espèces rares appartenant aux listes rouges régionales ou bénéficiant d'une protection nationale.
Les zones tourbeuses, les micro-dépressions, les suintements, les fossés et les ruisseaux sont riches en Odonates : une demoiselle, l'agrion de Mercure et une libellule, la cordulie à corps fin sont protégées en France, inscrites sur la liste rouge régionale et figurent dans le livre rouge de la faune menacée en France (catégorie vulnérable). Les marais de Saint-Gond constituent un site majeur (au niveau régional) pour la cordulie à cors fin, inscrite aux annexes II et IV de la directive Habitats (espèces d'intérêts communautaire et prioritaire). On peut également observer dans les marais la libellule fauve, la grande aeschne, le leste sauvage (très rare dans la Marne où il ne se rencontre que dans quelques localités) et le leste dryade, inscrits tous les quatre sur la liste rouge régionale.
Une grande diversité de papillons existe au niveau des sécherons et des lisières forestières. On y remarque un papillon protégé sur le territoire national, le damier de la succise, inscrit à l'annexe II de la directive Habitats, dans le livre rouge et sur la liste rouge des Lépidoptères de Champagne-Ardenne, de même que le flambé, le nacré de la sanguisorbe et le damier noir. L'écaille chinée, classée en annexe II de la directive Habitats est commune sur le site.
Les sauterelles et les criquets sont également bien représentés dans les prairies et les pelouses, avec une sauterelle inscrite sur la liste rouge régionale des Orthoptères, le conocéphale de Latreille. Les araignées sont très abondantes à Saint-Gond, dont la plus commune est l'épeire diadème. L'épeire fasciée, considérée comme assez rare dans le nord de la France, est ici bien représentée.
Les marais de Saint-Gond constituent un des milieux les plus favorables pour les amphibiens dans le département (biotopes variés, sites de reproduction nombreux). On y rencontre le triton crêté (mares de Reuves et d'Oyes), le crapaud accoucheur, le sonneur à ventre jaune et la rainette arboricole (tourbière de Villevenard, mares d'Oyes et de Reuves), protégés en France depuis 1993, inscrits à l'annexe II ou IV de la directive Habitats, à l'annexe II de la convention de Berne, dans le livre rouge et sur la liste régionale. Ils sont accompagnés par le triton palmé, le triton ponctué, le crapaud commun (assez fréquent sur le site), la grenouille verte (extrêmement commune) et la grenouille agile. Cette dernière, en régression, est inscrite à l'annexe IV de la directive Habitats : observée en grand nombre à Saint-Gond, elle est en faible effectif dans le sud-ouest de la Marne et les marais sont un des sites majeurs du département pour cette espèce.
L'avifaune est particulièrement bien représentée sur la ZNIEFF : malgré une forte régression de l'intérêt du site depuis 1960 due à l'assèchement, c'est encore l'un des sites majeurs du département pour la diversité des oiseaux nicheurs, favorisée par la multiplicité des habitats qui leur sont offerts du fait de la juxtaposition de milieux humides (à végétation plus ou moins denses ou arbustive) et de milieux plus secs (avec une végétation rase à complètement boisée). Plusieurs espèces d'oiseaux sont inscrites sur les listes européenne (directive Oiseaux), nationale (livre rouge de la faune menacée en France) ou régionale (liste rouge des oiseaux de Champagne-Ardenne) : des rapaces (faucon hobereau, busard Saint-Martin et busard des roseaux), des oiseaux d'eau (râle d'eau, sarcelle d'hiver et sarcelle d'été), des espèces paludicoles (phragmite des joncs, bouscarle de Cetti, bécassine des marais), prairiales (tarier d'Europe, vanneau huppé), ou forestières (pigeon colombin), des pies-grièches grise, écorcheur et à tête rousse et le torcol fourmilier. Les espèces fréquentant le site pour s'y nourrir, s'y abriter ou encore s'y rassembler sont également très nombreuses ; les marais de Saint-Gond constituent également une halte migratoire pour un bon nombre d'espèces (tant du fait de leur grande superficie que de leur situation géographique) et un site privilégié pour l'hivernage de nombreux oiseaux. La richesse avifaunistique des marais a sensiblement régressé depuis les années soixante, avec la disparition d'espèces nicheuses remarquables (butor étoilé, râle des genêts, blongios nain, courlis cendré, hibou des marais, marouette poussin, marouette ponctuée, marouette de Baillon, busard cendré, locustelle luscinoïde, canard souchet, pic cendré, etc.).
De nombreux mammifères fréquentent également la zone : petits carnivores (putois, belette, fouine), chat sauvage, lièvre, lapin de garenne et de nombreux chevreuils et sangliers. C'est également le terrain de chasse d'une chauve-souris, le vespertilion à oreilles échancrées, inscrit à l'annexe II de la convention de Berne, aux annexes II et IV de la directive Habitats, dans le livre rouge et sur la liste rouge régionale.
Outre leurs intérêts faunistique et floristique, les marais de Saint-Gond constituent un attrait paysager certain, en contre-bas du vignoble et à l'amorce des vastes plaines uniformes de la Champagne crayeuse. C'est aussi un site archéologique majeur (âge du fer) La ZNIEFF fait partie des Zones d'Intérêt Communautaire pour les Oiseaux (Z. I. C. O. CA 03 : marais de Saint-Gond) et a été proposée dans le cadre de la directive Habitats. Une réserve naturelle volontaire a été créée à Reuves le 13/01/95 (sur 64 ha 32a 91 ca) ; celle-ci est gérée par le Conservatoire du Patrimoine Naturel de Champagne-Ardenne qui par ailleurs loue également une quarantaine d'hectares sur la commune d'Oyes. Le site est encore en assez bon état malgré les nombreuses atteintes dont il est l'objet et les menaces qui pèsent sur lui : assèchement, mise en culture (20% de la ZNIEFF), extraction de la tourbe, dégradation de la qualité de l'eau et de la nappe du Petit Morin (rejets d'industries agroalimentaires locales et intrants agricoles), populiculture, disparition des activités agricoles traditionnelles (fauche et pâturage). Le drainage constitue sur les marais de Saint-Gond une des menaces les plus importantes ; elle se traduit par une moindre inondation des secteurs sur tourbe qui induit un atterrissement (avec disparition des espèces des roselières et cariçaies, diminution de la faune paludicole) et une dynamique végétale plus forte (envahissement par les saules et autres ligneux).
Les contours de la ZNIEFF sont fonction de la zone marécageuse alluviale la plus riche.