ZNIEFF 220320034
HAUTE ET MOYENNE VALLÉE DE LA SOMME ENTRE CROIX-FONSOMMES ET ABBEVILLE

(n° régional : 80VDS201)

Commentaires généraux

DESCRIPTION

Cette zone correspond à la grande vallée tourbeuse alcaline de la Somme, unique en Europe. L'éventail des habitats aquatiques, amphibies, hygrophiles à mésohygrophiles, est particulièrement développé dans le fond de vallée. L'ensemble de la vallée joue un rôle évident de corridor fluviatile, favorable aux flux migratoires de multiples espèces végétales et animales. De l’amont vers l’aval, se succèdent des influences subcontinentales à atlantiques, expliquant en partie l’extrême biodiversité observée. Sur le plan géomorphologique, la Somme présente ici un exemple typique et exemplaire de large vallée tourbeuse en "U" à faible pente.

Les versants en continuité caténale permettent d’accroître encore la diversité coenotique. Dans la zone de méandres, les versants offrent, par le jeu des concavités et des convexités, un ensemble diversifié et original d’éboulis, de pelouses, d'ourlets et de fourrés calcicoles, opposant les versants froids aux versants bien exposés, où se mêlent les caractères thermophiles et submontagnards.

--> Les différents tronçons du fond de vallée sont décrits ci-après :

* De Croix Fonsommes à Ham

Les sources de la Somme se situent au milieu du plateau agricole du Vermandois, à Croix-Fonsommes. Le fleuve s’écoule globalement dans la direction nord-ouest/sud-est. Deux principales zones s’individualisent : les marais d’Isle et d’Harly et les marais de Saint-Simon, qui représentent deux vastes zones marécageuses d’intérêt patrimonial élevé.

* De Voyennes à Corbie

La Somme s’écoule d’abord entre Voyennes et Péronne, selon un axe nord/sud, dans une vallée très peu méandrée, étroite et qui s’encaisse faiblement dans le plateau crayeux. A l’aval de Péronne, la Somme change brusquement de direction pour adopter une orientation globalement est-ouest. Cette portion de vallée se caractérise par un encaissement puissant du cours du fleuve dans sa vallée et par une succession de méandres très marqués. Cette géomorphologie est héritée de la fin de la période glaciaire, à une époque où l’action conjuguée des eaux et des alternances gel / dégel donnait au cours d'eau un pouvoir de creusement sans commune mesure avec ce que l’on observe aujourd’hui.

Les milieux et les paysages ont été fortement influencés par l’homme depuis l’époque romaine, période à partir de laquelle la construction de chaussées-barrages s’est développée. Ces digues, qui permettaient de franchir la vallée, retenaient également les eaux en amont. C’est grâce à ces retenues que les milieux aquatiques et amphibies ont acquis un tel développement.

Ce tronçon est touché par le manque d'entretien quasi-généralisé du fond de vallée, conduisant à la fermeture des milieux par boisement, par envasement et par disparition des dernières prairies tourbeuses. Le paysage, qui était autrefois façonné par l’extraction de la tourbe, à des fins de combustible domestique, et par la récolte des roseaux, était composé d’étangs, de tourberies et de marais fauchés et pâturés. Aujourd’hui, la vallée est constituée de tremblants, de roselières et de forêts alluviales (bois tourbeux à saules, aulnes et bouleaux). Cette dynamique s'accompagne localement un processus d’acidification de la tourbe basique et forme un complexe original d’habitats acidoclines à acidiphiles.

* De Corbie à Amiens

Ce tronçon comprend notamment les marais de Daours/Corbie, le marais de Blangy-Tronville, les marais de Glisy, de Camon et les hortillonages. Ce secteur correspond à un vaste ensemble marécageux, comprenant une mosaïque de biotopes tourbeux alcalins, à caractère subatlantique/subcontinental. Il présente une morphologie et des affinités biogéographiques intermédiaires entre la basse vallée élargie et sublinéaire et la moyenne vallée méandreuse. Il se compose de prairies humides, de roselières, de bas-marais tourbeux, de plans d'eau et de boisements humides.

* D’Amiens à Abbeville

Entre Amiens et Breilly, les très nombreux plans d'eau aux formes géométriques résultent de l'exploitation récente de granulats. Dans les espaces hors plans d'eau, quelques roselières, quelques mégaphorbiaies et des fragments de bas-marais tourbeux se partagent le territoire. Ce secteur présente de fortes potentialités, peu exprimées actuellement compte-tenu de l'utilisation du site.

Entre Breilly et Yzeux, le fond de vallée conserve un caractère plus naturel que le précédent secteur. Les plans d'eau trouvent leur origine dans l'exploitation ancienne de la tourbe.

Entre Hangest-sur-Somme et Fontaine-sur-Somme, le paysage comprend un ensemble d’étangs de grande superficie, résultant de l’extraction de matériaux alluvionnaires. Ces étangs sont entourés de végétations arbustives ou arborescentes, de plantations de peupliers, de mégaphorbiaies ainsi que de quelques fragments de prairies, de bas-marais et de roselières.

Entre Fontaine-sur-Somme et Pont-Rémy, le paysage est davantage vouée à une activité agricole : prairies de fauche relictuelles, mais néanmoins remarquables, et prairies mésophiles pâturées occupent le territoire.

Entre Eaucourt-sur-Somme et Abbeville, un complexe exceptionnel d’étangs, de roselières, de bas-marais tourbeux et de prairies humides tourbeuses prend place. Ce secteur accueille, en particulier, les dernières prairies à Fritillaire pintade*.

--> Les versants de la vallée de la Somme, entre Péronne et Abbeville, ainsi que les versants des vallées attenantes comprennent un réseau de pelouses calcicoles et de boisements. Les versants s'inscrivent dans les craies blanches du Turonien, du Coniacien, du Santonien et du Campanien inférieur.

Les principaux sites se succèdent de la manière suivante, d'amont en aval :

- les coteaux de Frise et d’Eclusier-Vaux ;

- le "Mont Clairon", intégrant les versants surplombant « la Tourbière » à Cappy et ceux développés le long de la "Vallée de l'Enfer" ;

- le coteau du "Gros Mont", surplombant le "Marais du Couchant" ;

- l'ensemble de coteaux situés sur la rive droite de la Somme, entre Etinehem et Chipilly ;

- les coteaux du « Bois des Célestins », comprenant les bois attenants et les coteaux surplombant l'« Etang du Brache » et le "Marais Gobet" ;

- les larris relictuels situés sur les versants des vallées sèches "Bois de Tilloy" et "le Martimont" ;

- le vallon d'« Ornival » situé à l'ouest de Sailly-le-Sec ;

- les larris relictuels situés sur le versant de la vallée sèche "Vallée du Bosquet Duval", à l'est de Vaux-sur-Somme,

- les coteaux de "la Terrière" et de "la Falaise", surplombant le marais de la Barette à Corbie ;

- les larris de "la Falaise", entre Daours et Corbie ;

- les larris de la vallée d’Acon ;

- les larris de Picquigny et de ses environs ;

- les larris entre Bourdon et Yzeux ;

- les larris d’Hangest-sur-Somme ;

- les larris entre l’Etoile et Long ;

- les larris entre Longpré-les-Corps-Saints et Liercourt ;

- les « Monts de Caubert. »

Certains larris sont colonisés par les Genévriers communs (Juniperus communis), ce qui témoigne de l'utilisation pastorale ancestrale des coteaux de la vallée de la Somme. Aujourd'hui, la végétation de certains larris est maintenue rase grâce à l'activité des Lapins de garenne. Certains facies pelousaires sont favorisés par ces activités cuniculigènes, notamment les banquettes à Hélianthème nummulaire (Helianthemum nummularium). Des éboulis crayeux s'observent également. L'évolution spontanée de la végétation vers le boisement est localement accélérée par des plantations diverses (pins, feuillus).

Un grand nombre de groupements végétaux s’expriment dans le fond et sur les versants de la vallée. On trouvera la liste des principaux groupements ci-après.

--> Les milieux aquatiques et amphibies sont très diversifiés. On notera la présence, dans les étangs et les fossés :

- des herbiers pionniers à Characées (Charetalia hispidae) ;

- des herbiers flottants du Lemnion gibbae (dont Lemno-Spirodeletum polyrhizae) ;

- des herbiers bryophytiques flottants du Riccio fluitantis-Lemnion trisulcae ;

- des herbiers flottants de l'Hydrocharition morsus-ranae (dont Lemno trisulcae-Utricularietum vulgaris) ;

- des herbiers du Scorpidio scorpioidis-Utricularion minoris (Sparganietum minimi) ;

- des herbiers à nénuphars du Nymphaeion albae (dont Myriophyllo verticillati-Nupharetum luteae) ;

- des herbiers submergés du Potametalia pectinati (Potamo berchtoldii-Najadetum marinae, Potametum colorati, groupement à Groenlandia densa, groupement à Myriophyllum verticillatum, groupement à Potamogeton pectinatus, à Elodea canadensis, à Ceratophyllum demersum ...) ;

- des herbiers du Ranunculion aquatilis (Hottonietum palustris, groupement à Callitriche obtusangula ...) ;

- des herbiers du Ranunculion fluitantis (Sparganio emersi-Potametum pectinati, groupement à Sagittaria sagittifolia ...) ;

- des herbiers d'atterrissement de l’Hippuridetum vulgaris ;

- des banquettes amphibies du Glycerio-Sparganion ;

- des végétations amphibies des bords de mares de l’Oenanthion aquaticae ;

- des groupements amphibies oligo-mésotrophes de l’Hydrocotylo vulgaris-Baldellion ranunculoidis ;

- des végétations pionnières des rives tourbeuses du Cyperion flavescenti-fusci (Cyperetum flavescenti-fusci) ;

- des végétations des dépressions peu profondes du Rorippo amphibiae-Oenanthetum aquaticae ;

- du gazon subcontinental de l’Eleocharietum acicularis.

--> Les végétations terrestres du fond de vallée comprennent :

- des roselières tourbeuses du Thelypterido palustris-Phragmitetum et du Lathyro palustris-Lysimachietum ;

- des roselières du Phragmition australis (dont Solano dulcamarae-Phragmitetum) ;

- des roselières du Scirpo lacustris-Phragmitetum ;

- des cladiaies turficoles ;

- des mégaphorbiaies turficoles du Thalictro flavi-Filipendulion ulmariae ;

- des mégaphorbiaies eutrophes du Calystegion sepium ;

- des cariçaies rivulaires du Caricetum elatae, du Caricetum ripario-acutiformis, du Caricetum paniculatae et du Caricetum pseudocyperi ;

- des cariçaies tourbeuses du Caricion rostratae ;

- des cariçaies continentales du Cicuto virosae-Caricetum pseudocyperi ;

- des bas-marais tourbeux alcalins de l'Hydrocotylo-Schoenion (Hydrocotylo vulgaris-Juncetum subnodulosi) ;

- des bas-marais tourbeux alcalins du Junco subnodulosi-Caricion lasiocarpae ;

- des prairies hygrophiles du Mentho aquaticae-Juncion inflexi (Pulicario dysentericae-Juncetum inflexi) ;

- des prés inondés de l’Oenanthion fistulosae (Eleocharo palustris-Oenanthetum fistulosae) ;

- des prairies oligotrophes du Molinion (Selino carvifoliae-Juncetum subnodulosi) ;

- des prés de fauche subhygrophiles du Colchico autumnalis-Arrhenatherion elatioris ;

- des prés de fauche mésophiles du Centaureo jaceae-Arrhenatherion elatioris ;

- des prairies mésophiles du Lolio-Cynosurion cristati ;

- des aulnaies-frênaies de l'Alno-Padion (Filipendulo ulmariae-Alnetum glutinosae) ;

- des boulaies à Sphaignes du Dryopterido cristatae-Betuletum pubescentis, habitats acidophiles ombrogènes ;

- des boisements du Ribo nigri-Alnetum glutinosae dans les parties tourbeuses ;

- des aulnaies humides à grandes laîches ;

- de l’Alno-Salicetum cinereae pour les fourrés rivulaires ;

- de l’Irido pseudacori-Alnetum sur les sols minéraux et eutrophes ;

- des ourlets eutrophes de l'Aegopodion podagrariae.

--> Les groupements végétaux représentés sur les coteaux calcaires sont les suivants :

- des pelouses calcicoles rases de l'Avenulo pratensis-Festucetum lemanii subass. polygaletosum calcarae ;

- des pelouses marnicoles de l’Avenulo pratensis-Festucetum lemanii subass. blackstonietosum perfoliatae ;

- des pelouses calcicoles rases thermophiles de l'Avenulo pratensis-Festucetum lemanii subass. seselietosum montani ;

- des pelouses calcicoles rases présentant des affinités submontagnardes de l'Avenulo pratensis-Festucetum lemanii subass. anthericetosum ramosi ;

- des pelouses de l'Avenulo pratensis-Festucetum lemanii var. submontagnarde à Seseli libanotis ;

- des facies cuniculigènes à Hélianthème nummulaire (Helianthemum nummularium) et à Epipactis brun rouge (Epipactis atrorubens) ;

- des éboulis crayeux à Epervière tachetée (Hieracium maculatum) et à Laitue vivace (Lactuca perennis) du Leontodontion hyoseroidis, uniquement représentés sur le coteau de Frise/Eclusier-Vaux ;

- des éboulis crayeux du Resedo luteae-Chaenorhinetum minoris ;

- des pelouses "mobiles" à Seslérie bleuâtre (Sesleria caerulea), du Rumici acetosae-Seslerietum caeruleae, uniquement représentées sur le coteau de Frise/Eclusier-Vaux ;

- des ourlets calcicoles du Trifolion medii (Centaureo nemoralis-Origanetum vulgare), parfois sous facies de brachypodiaies denses ;

- des fourrés de recolonisation du Rubo-Prunetum mahaleb laburnetosum ;

- les fourrés à Genévriers communs (Juniperus communis) ;

- des prairies mésophiles calcicoles du Lolio-Cynosurion ;

- des bois de pente du Carpinion betuli ;

- les hêtraies thermophiles du Cephalanthero-Fagion, très localisées ;

- les hêtraies neutrophiles à Aspérule ;

- des plantations de conifères et bois de feuillus.

La ZNIEFF de type II "Haute et moyenne vallée de la Somme ; entre Croix-Fonsommes et Abbeville" contient les ZNIEFF de type I suivantes :

- haute vallée de la Somme, à Fonsommes ;

- marais d’Isle et d’Harly ;

- marais de Saint-Simon ;

- marais de la haute vallée de la Somme, entre Voyennes et Cléry-sur-Somme ;

- marais de la vallée de la Cologne, aux environs de Doingt ;

- méandres et cours de la Somme, entre Cléry-sur-Somme et Bray-sur-Somme ;

- méandres et cours de la Somme, entre Bray-sur-Somme et Corbie ;

- marais et larris de Daours/Corbie ;

- marais de la vallée de la Somme, entre Daours et Amiens ;

- marais de la vallée de la Somme, entre Ailly-sur-Somme et Yzeux ;

- vallée d’Acon à La Chaussée-Tirancourt ;

- marais de la vallée de la Somme, entre Crouy-Saint-Pierre et Pont-Rémy ;

- marais de la vallée de la Somme, entre Eaucourt-sur-Somme et Abbeville ;

- réseau de coteaux de la vallée de la Somme, entre Curlu et Corbie ;

- larris de la vallée de la Somme, entre Dreuil-lès-Amiens et Crouy-Saint-Pierre ;

- larris de la vallée de la Somme, entre Bourdon et Yzeux ;

- larris d’Hangest-sur-Somme ;

- larris de la vallée de la Somme, entre Long et l’Etoile ;

- larris de la vallée de la Somme, entre Longpré-les-Corps-Saints et Liercourt ;

- larris de la vallée de Nielle, à Cocquerel ;

- larris des « Monts de Caubert » et cavités souterraines de Mareuil-Caubert et de Yonval.

INTERET DES MILIEUX

Ce corridor naturel unique en Europe offre un dégradé de conditions climatiques, depuis l’atlantique atténué jusqu’au subcontinental. La plupart des habitats présentent un intérêt exceptionnel pour la Picardie et accueillent de très nombreuses espèces remarquables. Cette zone présente un intérêt de niveau européen tant pour les groupements végétaux que pour la flore et la faune.

La vallée de la Somme présente un intérêt exceptionnel pour l’accueil d’oiseaux nicheurs rares et forme un couloir de passage apprécié des espèces migratrices.

Elle constitue une limite pour de nombreuses espèces thermophiles qu'on ne retrouve quasiment plus (ou en faible abondance) au nord, telles que la Globulaire (Globularia bisnagarica) et la Pulsatille commune (Pulsatilla vulgaris).

De nombreux milieux présents sont reconnus d’intérêt communautaire et inscrits, à ce titre, à la directive "Habitats" :

- des herbiers pionniers à Characées (Charetalia hispidae) ;

- des voiles de lentilles d’eau (Lemno-Spirodeletum polyrhizae) ;

- des herbiers aquatiques du Myriophyllo verticillati-Nupharetum luteae, présent uniquement, en Picardie, dans les grandes vallées tourbeuses ;

- des herbiers du Lemno trisulcae-Utricularietum vulgaris ;

- des herbiers du Potamo berchtoldii-Najadetum marinae ;

- des herbiers nageants de l’Hottonietum palustris ;

- des herbiers nageants de l’Hippuridetum vulgaris ;

- des herbiers nageants de l’Hydrocharietum morsus-ranae ;

- des herbiers des vasques tourbeuses du Potametum colorati ;

- des herbiers nageants du Sparganio emersi-Potametum interrupti ;

- la végétation pionnière de rives exondées du Cyperetum flavescenti-fusci ;

- le gazon subcontinental de l’Eleocharietum acicularis, très localisé ;

- les banquettes amphibies de l’Hydrocotylo vulgaris-Baldellion ranunculoidis ;

- les bas-marais tourbeux du Junco subnodulosi-Caricion lasiocarpae ;

- les bas-marais tourbeux alcalins de l’Hydrocotylo vulgaris-Juncetum subnodulosi ;

- les cladiaies turficoles, très localisées ;

- les roselières tourbeuses du Thelypterido palustris-Phragmitetum, dont les localités picardes sont les mieux conservées de France ;

- les roselières tourbeuses du Lathyro palustris-Lysimachietum vulgaris ;

- les mégaphorbiaies tourbeuses du Thalictro flavi-Filipendulion ulmariae ;

- les prairies tourbeuses du Selino carvifoliae-Juncetum subnodulosi ;

- les aulnaies-frênaies du Filipendulo ulmariae-Alnetum glutinosae ;

- les bétulaies à Sphaignes du Dryopterido cristatae-Betuletum pubescentis, très rare et en danger de disparition en Picardie ;

- les pelouses calcicoles relevant de l'Avenulo pratensis-Festucetum lemanii, groupement végétal rare et menacé en Picardie, du fait de la disparition de l'élevage ovin, lequel permettait d'entretenir ces milieux herbacés. Plusieurs sous-associations, témoignant de conditions variées, sont présentes dans la zone, parmi lesquelles la sous-association "blackstonietosum perfoliatae" (variation atlantique atténuée) et la sous-association "anthericetosum ramosi" (affinités submontagnardes) ;

- les éboulis crayeux du Rumici acetosae-Seslerietum caeruleae sont exceptionnels en Picardie et témoignent de conditions submontagnardes. Précisons que la position submontagnarde de la Seslérie, dans le nord de la France, est particulièrement originale par rapport au reste du territoire national, où elle est thermophile ;

- les éboulis crayeux hébergent le Sisymbre couché (Sisymbrium supinum*), inscrit à l'annexe II de la directive "Habitats" ;

- les fourrés à Genévriers communs (Juniperus communis) ;

- les hêtraies thermophiles du Cephalanthero-Fagion, très rare en Picardie et observées habituellement, pour le département de la Somme, au niveau de l'îlot thermophile Sud-Amiénois ;

- les hêtraies neutrophiles à Aspérule.

D’autres milieux ont un intérêt régional à national :

- les herbiers flottants du Sparganietum minimi, en grande régression en Picardie ;

- les roselières du Scirpo lacustris-Phragmitetum, qui accueillent une avifaune riche ;

- les cariçaies rivulaires du Caricetum elatae, du Caricetum ripario-acutiformis, du Caricetum paniculatae et du Caricetum pseudocyperi ;

- les cariçaies continentales du Cicuto virosae-Caricetum pseudocyperi, unité subcontinentale rarissime, qui est en limite occidentale de répartition ;

- les prairies de fauche mésophiles à mésohygrophiles oligotrophes du Colchico autumnalis-Arrhenatherion elatioris et du Centaureo jaceae-Arrhenatherion elatioris, exceptionnelles pour le département de la Somme ;

- les boisements humides du Ribo nigri-Alnetum glutinosae, rare et en régression en Picardie.

INTERET DES ESPECES

* Flore remarquable :

--> En fond de vallée, sont notés (nous ne citons ici que les espèces protégées) :

- la Renoncule langue (Ranunculus lingua*), rare en France ;

- le Peucédan des marais (Peucedanum palustre*), bien représenté dans cette zone ;

- le Potamot coloré (Potamogeton coloratus*), typique des gouilles tourbeuses aux eaux alcalines ;

- le Rubanier nain (Sparganium natans*), rare en Picardie ;

- le Ményanthe trèfle d'eau (Menyanthes trifoliata*), se développant sur les tremblants tourbeux ;

- l’Eleocharide pauciflore (Eleocharis quinqueflora*), espèce pionnière des tourbières basiclines ;

- la Linaigrette à feuilles étroites (Eriophorum angustifolium*), vulnérable en Picardie ;

- la Stellaire des marais (Stellaria palustris*), rare et vulnérable en Picardie ;

- le Dactylorhize négligé (Dactylorhiza praetermissa*), typique des prairies humides non amendées ;

- le Dactylorhize incarnat (Dactylorhiza incarnata*), rare et vulnérable en Picardie ;

- la Gesse des marais (Lathyrus palustris*), exceptionnelle en Picardie ;

- la Pédiculaire des marais (Pedicularis palustris*), inféodée aux zones de tourbes oscillantes ;

- l'Eleocharide épingle (Eleocharis acicularis*), très rare en Picardie ;

- la Laîche arrondie (Carex diandra*), exceptionnelle en Picardie ;

- la Véronique à écussons (Veronica scutellata*), bien représentée en vallée de la Somme ;

- l'Utriculaire commune (Utricularia vulgaris*), espèce exceptionnelle et en danger en Picardie ;

- la Laîche filiforme (Carex lasiocarpa*), très rare et en danger en Picardie ;

- la Ciguë vireuse (Cicuta virosa*), caractéristique des cariçaies pionnières sur les vases exondées ;

- l’Ophioglosse commune (Ophioglossum vulgatum*), fougère prairiale particulièrement menacée ;

- la Fritillaire pintade (Fritillaria meleagris*), qui s’observe dans les environs d’Abbeville. Il s’agit de son unique secteur de présence pour toute la Picardie. Elle y forme des populations relictuelles, dispersées sur plusieurs micro-sites. Ces stations représentent un remarquable isolat de population.

- l’Ache rampante (Apium repens*), espèce inscrite à l’annexe II de la directive "Habitats" ;

- la Gentiane pneumonanthe (Gentiana pneumonanthe*), espèce des molinaies, exceptionnelle en Picardie ;

- la Berle à larges feuilles (Sium latifolium*), assez rare en Picardie ;

- l’Euphorbe des marais (Euphorbia palustris*), espèce typique des mégaphorbiaies tourbeuses ;

- le Mouron délicat (Anagallis tenella*), présent notamment sur les berges de certaines mares ;

- le Gymnocarpion du chêne (Gymnocarpium dryopteris*), exceptionnel et en danger en Picardie ;

- le Dryoptéride à crête (Dryopteris cristata*), dont les populations sont ici parmi les plus importantes de France.

D’autres espèces étaient également présentes par le passé, mais semblent avoir disparu aujourd’hui. C’est le cas du Potamot des Alpes (Potamogeton alpinus*), exceptionnel en Picardie ; du Luronium nageant (Luronium natans*), disparu de Picardie ; du Faux-nénuphar pelté (Nymphoides peltata*), présumé disparu de Picardie ; de la Pyrole à feuilles rondes (Pyrola rotundifolia*), très rare en Picardie, et du Gaillet boréal (Galium boreale*), espèce continentale en isolat d'aire sur le site.

Plusieurs espèces de Sphaignes de grand intérêt ont également été observées parmi lesquelles : Sphagnum capillifolium, Sphagnum fimbriatum, Sphagnum flexuosum, Sphagnum palustre, Sphagnum squarrosum, Sphagnum subnitens et Sphagnum papillosum var. laeve.

--> Les coteaux calcaires abritent également de nombreuses espèces d’intérêt patrimonial élevé :

- la Phalangère rameuse (Anthericum ramosum*), espèce rare en Picardie ;

- l'Orobanche élevée (Orobanche major*), espèce thermophile exceptionnelle en Picardie ;

- le Polygala chevelu (Polygala comosa*), espèce thermophile rare en Picardie ;

- la Seslérie bleuâtre (Sesleria caerulea*), graminée montagnarde exceptionnelle et vulnérable en Picardie ;

- l'Alisier de Fontainebleau (Sorbus latifolia*), arbuste thermophile ;

- l'Ophrys araignée (Ophrys sphegodes*), rare et en danger en Picardie ;

- le Sisymbre couché (Sisymbrium supinum*), espèce inscrite à l'annexe II de la directive "Habitats" de l'Union Européenne ;

- l'Herminion caché (Herminium monorchis*), espèce très rare en Picardie ;

- la Parnassie des marais (Parnassia palustris*), espèce typique des sols marneux.

De nombreuses autres espèces végétales remarquables ont également été notées sur la zone : le Séséli libanotide (Seseli libanotis), assez rare en Picardie ; l'Ophrys frelon (Ophrys fuciflora), très rare dans le département de la Somme ; l'Acéras homme-pendu (Aceras anthropophorum), rare en Picardie ; l'Orchis militaire (Orchis militaris) ; l'Ophrys mouche (Ophrys insectifera) ; l'Epipactis brun rouge (Epipactis atrorubens) ; la Digitale jaune (Digitalis lutea), assez rare en Picardie ; le Polygala d'Autriche (Polygala amarella), rare et vulnérable en Picardie,...

* Avifaune remarquable :

Citons :

- le Butor étoilé (Botaurus stellaris), inscrit à la directive "Oiseaux", en situation critique en Europe, en France comme en Picardie ;

- le Blongios nain (Ixobrychus minutus), inscrit à la directive "Oiseaux", dont les populations picardes sont parmi les plus importantes de France ;

- le Bihoreau gris (Nycticorax nycticorax), exceptionnel en Picardie, qui a niché quelques années près de Péronne ;

- le Busard des roseaux (Circus aeruginosus), rapace inscrit à la directive "Oiseaux" ;

- la Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica), inscrite à la directive "Oiseaux", qui a colonisé la vallée à la fin des années 80 ;

- la Rousserolle turdoïde (Acrocephalus arundinaceus), inscrite sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de Picardie ;

- la Bouscarle de Cetti (Cettia cetti) et la Locustelle luscinioïde (Locustella luscinioides), passereaux paludicoles assez rares en Picardie ;

- la Marouette ponctuée (Porzana porzana), espèce en danger en France, inscrite à la directive "Oiseaux" ;

- la Pie-grièche grise (Lanius excubitor), en voie d’extinction en Picardie à la suite du boisement des grandes roselières et de la disparition des prairies ;

- la Pie-grièche écorcheur (Lanius collurio), espèce exceptionnelle dans le département de la Somme ;

- le Canard souchet (Anas clypeata), nicheur rare en Picardie ;

- la Sarcelle d'été (Anas querquedula), nicheur très rare en Picardie ;

- le Vanneau huppé (Vanellus vanellus), nicheur rare à l’intérieur des terres ;

- le Martin-pêcheur (Alcedo atthis), inscrit à la directive "Oiseaux" ;

- le Râle d'eau (Rallus aquaticus), assez rare en Picardie ;

- la Chevêche d’Athéna (Athene noctua), espèce en régression, typique des milieux bocagers ;

- l’Hypolaïs ictérine (Hippolais icterina), vulnérable en Picardie.

* Batrachofaune remarquable :

Citons :

- le Triton crêté (Triturus cristatus), inscrit à l'annexe II de la directive "Habitats" ;

- le Triton alpestre (Triturus alpestris), vulnérable au niveau national ;

- le Pélodyte ponctué (Pelodytes punctatus), très rare en Picardie et vulnérable en France ;

- la Rainette verte (Hyla arborea), vulnérable au niveau national.

* Herpétofaune remarquable:

Signalons la présence de la Vipère péliade (Vipera berus), rare en Picardie.

* Entomofaune remarquable :

Pour les odonates, signalons :

- la Cordulie à corps fin (Oxygastra curtisii*), exceptionnelle en Picardie, inscrite à l'annexe II de la directive "Habitats" ;

- la Cordulie à taches jaunes (Somatochlora flavomaculata), vulnérable en Europe ;

- le Sympétrum jaune d'or (Sympetrum flaveolum), odonate très rare en Picardie ;

- le Sympétrum noir (Sympetrum danae), très rare en Picardie ;

- l’Agrion scitulum (Coenagrion scitulum), odonate rare en Picardie ;

- l’Agrion délicat (Ceriagrion tenellum), typique des milieux tourbeux ;

- l’Orthétrum brun (Orthetrum brunneum), espèce très rare en Picardie.

Pour les lépidoptères, citons le Sphynx de l’Epilobe (Proserpinus proserpina*), dont la chenille se nourrit dans les mégaphorbiaies ; la Leucanie paillée (Mythimna straminea) ; la Leucanie du Roseau (Senta flammea) ; la Topaze (Diachrysia chryson) ; l'Herminie crible (Macrochilo cribrumalis); la Noctuelle des roselières (Arenostola phragmitidis). Le Cuivré des marais (Thersamolycaena dispar*), n’a pas été revu depuis les années soixante-dix. La régression des surfaces en prairie lui est fatal.

Plusieurs lépidoptères, en régression en Picardie et typiques des pelouses rases, ont été notés : le Fluoré (Colias australis), l'Argus bleu-nacré (Polyommatus coridon) et l'Azuré bleu-céleste (Polyommatus bellargus).

Pour les orthoptères, citons le Conocéphale des roseaux (Conocephalus dorsalis), espèce des prairies humides, peu abondante en Picardie.

* Ichtyofaune remarquable :

Citons :

- la Bouvière (Rhodeus sericeus), poisson inscrit à l’annexe II de la directive "Habitats" ;

- la Truite de mer (Salmo trutta trutta) ;

- la Truite de rivière (Salmo trutta fario) ;

- l'Anguille (Anguilla anguilla), en forte densité ;

- le Brochet (Esox lucius).

* Mammalofaune remarquable :

Citons :

- le Grand Rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum), inscrit à l'annexe II de la directive "Habitats" ;

- le Vespertilion à oreilles échancrées (Myotis emarginatus), vulnérable en France et inscrit à l'annexe II de la directive "Habitats" ;

- le Grand Murin (Myotis myotis), inscrit à l’annexe II de la directive "Habitats" ;

- la Pipistrelle de Nathusius (Pipistrellus nathusii), rare à très rare en Picardie ;

- la Musaraigne aquatique (Neomys fodiens), assez rare en Picardie.

FACTEURS INFLUENCANT L’EVOLUTION DE LA ZONE

- Les marais se caractérisent par un vieillissement quasi-généralisé, avec accélération de la dynamique à la fois arbustive et préforestière (boisement des roselières, apparition de mégaphorbiaies dans les prairies ...). Les espèces remarquables, inféodées aux milieux ouverts, en subissent les conséquences.

- Ces phénomènes de fermeture sont accélérés, soit par l'intervention humaine (plantations de peupliers) soit par la non-intervention (abandon des pratiques d'entretien des milieux ouverts telles que l'exploitation de la tourbe et la fauche des roseaux).

- Certains marais marquent une tendance à l'assèchement, qui s'explique par la réalisation de fossés à pouvoir drainant, les plantations de peupliers... Ceci entraîne la raréfaction, voire la disparition d'espèces hygrophiles remarquables.

- La qualité des eaux a conduit à une régression des espèces aquatiques inféodées aux eaux oligotrophes.

- Certains étangs ont tendance à s'envaser. Ce phénomène est provoqué en partie par les limons des plateaux, entraînés dans le cours d'eau par les pluies.

- Le développement des Habitations Légères de Loisirs (HLL) entraîne une dégradation tant paysagère qu'écologique des marais.

- Les opérations de curage des étangs se réalisent parfois aux dépens des milieux palustres rivulaires (dépôts des boues de curage sur les berges...).

- L’utilisation d’engrais et de produits phytosanitaires entraîne une dégradation de la végétation des prairies. Le pâturage mis en oeuvre dans les prairies humides mériterait d'être davantage adapté aux caractéristiques écologiques de la zone.

- Certaines pelouses calcicoles ont tendance à être envahies par les hautes herbes et les broussailles, du fait de l'absence d'entretien. Ceci entraîne le régression des espèces héliophiles remarquables. Notons que ce phénomène est en partie ralenti par l'activité des lapins.

- Certains larris, actuellement pâturés, mériteraient de bénéficier d'un pâturage davantage extensif.

- L'utilisation d'intrants sur les cultures du plateau est préjudiciable à la flore pelousaire oligotrophe à la suite du ruissellement des produits et de leur transport par le vent.

- Certaines parcelles, originellement en nature de larris, ont été transformées en cultures.

N.B. : les espèces dont le nom latin est suivi d’un astérisque sont légalement protégées.

Commentaires sur la délimitation

Cette zone s'étend depuis les sources de la Somme à Croix-Fonsommes jusque Abbeville. Le reste de la basse vallée de la Somme (d'Abbeville à la baie de Somme) est rattaché à la ZNIEFF de type II "Plaine maritime picarde".

Elle correspond à la vallée de la Somme depuis le fond de vallée jusqu'aux convexités sommitales. Elle comprend le cours de la Somme et son lit majeur (complexe d'étangs, de marais, de prairies humides ...), les versants plus ou moins pentus de la vallée (les coteaux calcaires s'observent dans la partie de la vallée de la Somme comprise entre Péronne et Abbeville) ainsi que quelques vallées attenantes (vallée d'Acon par exemple).

Depuis 2015, une entité de pelouse au sud de la commune de Sailly-Laurette (Vallée du Bois Reau) est intégrée à la ZNIEFF de type II par souci de cohérence avec le périmètre de la ZNIEFF de type I 220005005 qui intègre ces espaces de pelouses calcicoles.

Au sud-ouest de Picquigny, une extension prend en compte les espaces de pelouse classés en ZNIEFF I (220320019) au niveau de la Ferme de Tenfol.

Certains secteurs fortement anthropisés comme l'agglomération d'Amiens, les bassins de décantation de Vecquemont, les villes de Corbie, Peronne, Ham et Eppeville sont exclus de la zone.

L'ensemble de cette zone joue un rôle évident de corridor écologique et comprend une séquence remarquable d'habitats aquatiques et terrestres ainsi que des coteaux crayeux.