ZNIEFF 310013688
Marais et prés de Lespinoy et marais de la Bassée

(n° régional : 01040002)

Commentaires généraux

La ZNIEFF des marais de la Bassée et Lespinoy appartient au système écologique de la basse vallée de la Canche. Elle s’étend au sud de la Canche sur les communes de Beaurainville (amont) et Lespinoy (aval).

A l’Est, le marais de la Bassée est la seule zone de prairies marécageuses d’une surface aussi vaste subsistant dans la vallée de la Canche. Ces vastes prairies sont parsemées de quelques arbustes, saules têtards et petites peupleraies, parfois linéaires. Quelques boisements naturels occupent les marges Est et Ouest. Des sources (le Clair Vignon), fonds et de nombreuses mares de différentes tailles émaillent la zone. Enfin, quelques pâtures abandonnées se transforment en mégaphorbiaies. Autrefois exploité pour la tourbe, ce marais communal est loué à des éleveurs pour le pâturage (bovins, équins). La chasse aux oiseaux d’eau y est aussi pratiquée (chasse à la botte et à la hutte) ainsi que la pêche (berges de la Canche et certaines mares).

A l’Ouest, la diversité des activités humaines se traduit par une plus grande hétérogénéité des espaces situés sur le territoire de Lespinoy. Au sud, le Marais est une prairie humide pâturée d’une quinzaine d’hectares avec quelques secteurs nettement marécageux aux abords des petits cours d’eau et des sources qui alimentent le Clair Vignon. Ce marais communal est bordé à l’Ouest par un boisement humide constitué d’une peupleraie et, au nord de celle-ci, d’une très belle aulnaie longuement inondable qui s’étend jusqu’aux abords du Clair Vignon. Malgré une eutrophisation sensible, la peupleraie recèle sous son couvert quelques saulaies fangeuses au potentiel écologique intéressant.

Au nord du Clair Vignon, une végétation naturelle de cariçaies, de mégaphorbiaies et de bosquets de saules cendrés recolonise une ancienne peupleraie coupée à blanc. Quelques cultures et prairies intercalées entre le Clair Vignon et le chemin rural marquent la séparation avec la partie septentrionale du marais.

Au nord du chemin, le secteur des Prés de la Place et des Prés de Lespinoy est une vaste zone ouverte constituée de prairies humides émaillées de fossés et de mares prairiales. Deux mares de chasse ont été aménagées aux deux extrémités de la zone. La plupart des prairies sont pâturées ou fauchées. Celles situées à l’Est semblent subir une pression plus importante. Bien que leur intérêt écologique intrinsèque s’en trouve amoindri, elles conservent un intérêt fonctionnel (connectivité) en tant que zone de passage pour la faune entre les marais de la Bassée et Lespinoy.

A l’Ouest, une étroite bande boisée parsemée de plans d’eau très artificialisés sépare les marais de Lespinoy des bois tourbeux de la commune voisine de Brimeux.

Les 7 habitats déterminants de ZNIEFF recensés dans les marais de la Bassée et Lespinoy reflètent la qualité et la diversité des milieux aquatiques et hygrophiles de ce site. Parmi les végétations strictement aquatiques, des groupements pionniers de Characées (CHARETEA FRAGILIS) colonisent les mares aux eaux claires de bonne qualité, tandis que les herbiers flottants à Lentille à trois lobes (Lemnion trisulcae), plutôt mésotrophiles, s’observent dans certaines mares et fossés aux eaux stagnantes. Dans les dépressions longuement inondables et sur les marges de certains plans d’eau, on observe des roselières à Carex pseudocyperus (Carici pseudocyperi-Rumicion hydrolapathi) et de très belles cariçaies à Laîche paniculée (Caricetum paniculatae) dont les grands touradons constituent un paysage caractéristique des marais tourbeux, en voie de raréfaction au niveau régional (Catteau, Duhamel et al., 2009). Les végétations prairiales s’illustrent au travers des prairies longuement inondables de l’Eleocharito palustris-Oenanthetum fistulosae et les mégaphorbiaies par des groupements du Thalictro flavi-Filipendulion ulmariae. Enfin, les aulnaies-saulaies marécageuses de l’Alnion glutinosae témoignent de l’intérêt écologique des boisements naturels qui se développent dans ces marais en l’absence d’intervention humaine. Ces aulnaies se déclinent sous des formes plus ou moins longuement inondables en fonction de la topographie. L’aulnaie à Cirse maraîcher (Cirsio oleracei-Alnetum glutinosae) a été observée sous diverses variations qui restent à caractériser.

L’amélioration des connaissances à permis de noter 25 espèces floristiques déterminantes de ZNIEFF dont 10 protégées dans la région Nord/Pas-de-Calais. Près de la moitié sont des espèces caractéristiques de prairies et bas-marais tourbeux. Nous citerons notamment la Pédiculaire des marais (Pedicularis palustris) et le Troscart des marais (Triglochin palustre), protégés au niveau régional. La Pédiculaire des marais, très rare et menacée d’extinction dans le Nord/Pas-de-Calais, a été revue en 2006 et 2010 dans le marais de la Bassée où elle n’avait pas été revue depuis 1988 (observation de F.Duhamel) (CSN 59/62, 2004). Le Troscart des marais et la Laîche à bec (Carex rostrata), tous deux rares au niveau régional, sont présents dans les marais de la Bassée et de Lespinoy, tout comme la Véronique à écusson (Veronica scutellata) et le Jonc à tépales obtus (Juncus subnodulosus), protégés dans le Nord/Pas-de-Calais.

Les hydrophytes occupent une place importante dans la liste des espèces patrimoniales des marais de La Bassée et Lespinoy (8 espèces déterminantes ZNIEFF identifiées). Parmi celles-ci, le Nymphéa blanc (Nymphaea alba) et les renoncules aquatiques [Ranunculus s.g. Batrachium : trois espèces dont la Renoncule divariquée (Ranunculus circinatus), rare au niveau régional)] se distinguent visuellement par leurs floraisons blanches à la surface de certains plans d’eau ou fossés.

Le Scirpe des bois (Scirpus sylvaticus), protégé au niveau régional, montre pour sa part une certaine tolérance aux variations du milieu : il a été observé dans des prairies du marais de la Bassée, dans des mégaphorbiaies (les Prés de Lespinoy) où il est abondant et localement sous la peupleraie à l’ouest du Marais de Lespinoy.

La faune patrimoniale des marais de la Bassée et Lespinoy compte 19 espèces déterminantes de ZNIEFF.

Chez les insectes, sept espèces d’Odonates sont déterminantes dont l’Aeschne affine (Aeschna affinis), l’Agrion nain (Ischnura pumilio) et la Libellule fauve (Libellula fulva), toutes trois assez rares au niveau régional. Le Criquet ensanglanté (Stethophyma grossum) et le Conocéphale des roseaux (Conocephalus dorsalis) illustrent l’intérêt des pâtures extensives très humides des marais de la Bassée et Lespinoy pour les Orthoptères.

La zone abrite également des Amphibiens déterminants de ZNIEFF : le Triton crêté (Triturus cristatus) et une belle population de Rainette arboricole (Hyla arborea). Dans le Nord Pas-de-Calais, cette espèce est essentiellement localisée à la bande littorale avec quelques rares stations à l’intérieur des terres (GODIN, 2003). Le complexe des marais de la Bassée et Lespinoy héberge le plus important noyau de population de Rainette arboricole de la vallée de la Canche entre Hesdin et Montreuil-sur-Mer (FACON et al., 2008). Les modalités de déplacement de l’espèce mises en évidence par divers travaux scientifiques sont compatibles avec la possibilité d’échanges entre les populations réparties sur les marais de la Bassée et Lespinoy. Chez Hyla arborea, les facteurs améliorant la connectivité entre les habitats facilitent la circulation des individus (voir notamment VOS, 1999) qui assure le brassage génétique des populations. Une espèce de Reptile déterminante de ZNIEFF a été observée dans le marais de Lespinoy : la Couleuvre à collier (Natrix natrix).

Chez les oiseaux, la Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica) et la Marouette ponctuée (Porzana porzana) sont à remarquer dans le marais de la Bassée, tandis que le Phragmite des joncs (Acrocephalus schoenobaenus) et la Bouscarle de Cetti (Cettia cetti) sont des nicheurs potentiels plus largement répartis sur l’ensemble de la ZNIEFF. La Bécassine des marais (Gallinago gallinago) est une nicheuse « possible » dans le marais de la Bassée (2 individus observés à 2 reprises mi-mai 2010). En tout, six espèces d’oiseaux déterminantes de ZNIEFF ont été recensées.

Enfin, les petites roselières recèlent le Vertigo de Desmoulins Vertigo moulinsiana, un Mollusque déterminant de ZNIEFF dans le Nord Pas-de-Calais. Cette espèce est aussi considérée comme patrimoniale au niveau européen (inscription en annexe II de la Directive « Habitats-Faune-Flore »).

Contrairement à d’autres marais de la basse vallée de la Canche, les marais de la Bassée et Lespinoy ont été relativement épargnés par la prolifération des aménagements touristiques privatifs et les plantations de peupliers qui ont dénaturé des centaines d’hectares de zones humides dans certaines communes voisines. Le Marais de la Bassée, le Marais et les Prés de Lespinoy restent de vastes zones ouvertes consacrées prioritairement au pastoralisme. Cette activité pratiquée de longue date a permis le maintien d’une faune et d’une flore remarquables, caractéristiques des prairies humides et bas-marais, mais aussi la conservation d’un paysage rural de qualité sur une étendue significative. Toutefois, la pression de pâturage inadaptée se traduit par endroits par le développement de mégaphorbiaies au détriment des milieux prairiaux abandonnés, tandis que la fertilisation, les traitements phytosanitaires et une charge excessive en bovins induisent un piétinement du sol et une rudéralisation de la végétation préjudiciables à la qualité du milieu dans d’autres secteurs (la Petite Warenne, les Prés de Lespinoy).

La densité des mares de chasse est modérée dans les prairies et bas-marais mais leur gestion et celle des espaces environnants n’est pas adaptée aux enjeux de conservation des qualités écologiques du milieu : le traitement phytosanitaire des mares, des fonds et de leurs abords, le dépôt des boues de curage des mares et fossés sur les berges ou aux alentours, l’abandon sur place des produits de fauche (platières, layons dans les mégaphorbiaies) induisent rudéralisation et banalisation de la végétation qu’illustre le développement des espèces nitrophiles.

Les plantations de peupliers représentent une superficie limitée sur l’ensemble du site, les principales étant concentrées à l’ouest du Marais de Lespinoy. Par ailleurs, l’extension des cultures et l’intensification des prairies entre le marais de Lespinoy et les Prés de Lespinoy est à éviter afin de maintenir la connectivité entre les prairies humides et bas-marais à l’intérieur de la ZNIEFF.

Les marais de la Bassée et Lespinoy sont déconnectés de la Canche (berges endiguées) et leur submersion par les crues du fleuve est exceptionnelle. L’inondabilité des prairies, bas-marais et boisements est assurée principalement par les précipitations et les remontées de nappe. Son maintien nécessite une gestion appropriée des sorties d’eau (ruisseau du Clair Vignon, fossés, drains dans le marais de la Bassée) et une limitation du drainage.

(Certaines activités périphériques pourraient entraîner des pollutions accidentelles (station d’épuration de Beaurainville) ou insidieuses (camping implanté sur une ancienne décharge à l’est du Marais de Lespinoy, stockage de ferraille et déchets divers au sud du marais de la Bassée). Dans ce même secteur (la Petite Warenne), une partie du marais a été remblayée.) Enfin, des actes de vandalisme sont notés occasionnellement dans le marais de la Bassée : dépôt de déchets, circulation de quads (la Petite Warenne).

Commentaires sur la délimitation

La ZNIEFF des marais de la Bassée et Lespinoy se situe sur la rive gauche de la Canche qui en constitue la limite septentrionale. Elle est délimitée à l’Est par les espaces cultivés et urbanisés de la Warenne à Beaurainville, à l’Ouest par la limite communale entre Lespinoy et Brimeux. Au Sud, le tracé de la ZNIEFF suit la limite des marais au sens strict et exclut des cultures et des espaces artificialisés (camping, hameau). La ZNIEFF couvre les lieux-dits Le Marais de la Bassée à Beaurainville, Le Marais, les Prés de Lespinoy et les Prés de la Place à Lespinoy.

Le périmètre de la ZNIEFF de première génération était limité au marais de la Bassée. L’intérêt écologique des zones humides de Lespinoy, en aval de celui-ci, a été mis en évidence récemment (BELET et al., 2008). L’option d’une extension de la ZNIEFF initiale a été choisie pour tenir compte de la présence de la Rainette arboricole (Hyla arborea) à la fois dans le marais de la Bassée et dans les marais voisins de Lespinoy. L’extension de la ZNIEFF souligne la nécessité de préserver les continuités écologiques entre les milieux fréquentés par cet amphibien sur l’ensemble de la zone.