Le Marais de la Fontaine appartient au système écologique de la basse vallée de l’Authie, entité naturelle marquant la frontière entre l’Artois et la Picardie. Situé en aval du village de Douriez, le marais s’étend sur la rive droite de l’Authie, dans le fond de la vallée, en contrebas du versant nord festonné de celle-ci.
Une grande partie du marais est occupée par des prairies humides, parfois marécageuses, parcourues de fossés de drainage. Au centre du marais, un linéaire de vieux saules têtards apporte une touche bocagère au paysage. La partie occidentale se singularise par la présence de deux vastes étangs tourbeux bordés de saulaies inondables (secteur intégré au site Natura 2000), tandis que quelques étangs plus petits se concentrent au pied du versant nord de la vallée (le Jonquet). La populiculture, peu étendue, concerne essentiellement deux petites parcelles aux extrémités est et ouest du marais et un alignement de peupliers le long de la berge de l’Authie au sud.
Le fonctionnement hydrologique particulier du marais se traduit par une nette spatialisation des habitats et espèces végétales turficoles aux abords du ruisseau des Fontaines, alors que les prairies bordant l’Authie sont moins hygrophiles. Déconnecté du fleuve, le marais est drainé d’Est en Ouest par ce petit cours d’eau qui prend sa source à l’est de la ZNIEFF, près du barrage de Douriez. Il serpente d’abord au pied du versant de la vallée où il reçoit maintenant les eaux de drainage des prairies qui le bordent (secteur Natura 2000), puis s’écarte vers le centre du marais où il est canalisé. A partir de cet endroit, il s’écoule parallèlement à l’Authie jusqu’à la limite occidentale de la ZNIEFF et au delà. Le ruisseau des Fontaines est la partie amont du grand canal de dessèchement qui draine les zones humides de la rive droite du fleuve entre Douriez et Nempont-Saint-Firmin.
Le Marais de la Fontaine héberge plusieurs habitats turficoles de grande valeur patrimoniale, illustrant différents stades d’évolution de ces milieux longuement inondables. Localisée en périphérie des plans d’eau non aménagés, la cariçaie à Laîche paniculée (Caricetum paniculatae) traduit l’atterrissement des étangs tourbeux. C’est un élément structurant caractéristique du paysage de certaines zones humides marécageuses de la région, principalement au niveau de marais tourbeux mésotrophes ayant déjà subi une certaine minéralisation des sols. Une autre végétation d’atterrissement est également présente avec la roselière turficole à Fougère des marais (Thelypterido palustris - Phragmitetum australis,) qui se maintient en bordure d’étangs chassés. La présence du fourré à Saule cendré et Aulne glutineux (Alno glutinosae - Salicetum cinereae), sur les marges des grands étangs au nord-ouest du marais, illustre l’évolution naturelle de la végétation qui voit la colonisation de cette cariçaie par les ligneux. Localement, dans les secteurs les plus boisés, l’Aulnaie turficole à Fougère des marais (Groupement à Alnus glutinosa et Thelypteris palustris) s’est également développée. Ces trois habitats, rares et en régression dans le Nord-Pas de Calais, sont très sensibles aux travaux d’aménagement des marais tourbeux et en particulier de ceux des berges des étangs qui visent à faciliter leur exploitation pour la pêche ou la chasse.
Au total, au moins huit végétations déterminantes de ZNIEFF ont été recensées dans le Marais de la Fontaine, deux ayant été détruites suite à des travaux de drainage !
La flore patrimoniale du marais compte 13 espèces déterminantes de ZNIEFF, dont 8 bénéficient d’une protection dans le Nord-Pas de Calais. Les herbacées des prairies hygrophiles et bas-marais tourbeux sont les plus nombreuses avec 8 espèces ; parmi celles-ci, le Trèfle d’eau (Menyanthes trifoliata) et le Troscart des marais (Triglochin palustre), tous deux rares et protégés dans la région, ou encore la Dactylorhize négligée (Dactylorhiza praetermissa), une orchidée menacée au niveau régional par le drainage et l’intensification agricole en zone humide). Trois hydrophytes déterminantes de ZNIEFF révèlent la qualité de certains milieux aquatiques, en particulier l’Hottonie des marais (Hottonia palustris), une curieuse Primulacée protégée au niveau régional. Très localisée sur le site, sa présence dans les eaux est révélée par l’émergence de courtes hampes florales garnies de petites fleurs blanches au printemps. Deux autres espèces protégées dans le Nord-Pas de Calais s’implantent dans des milieux plus évolués : le Scirpe des bois (Scirpus sylvaticus), plutôt caractéristique des mégaphorbiaies, a été observé dans les prairies hygrophiles dans ce marais. Pour sa part, la Thélyptéride des marais (Thelypteris palustris) semble ici cantonnée aux aulnaies-saulaies en bordure des grands étangs tourbeux. Cette fougère strictement turficole, rare dans la région, peut aussi s’installer dans les roselières et les grandes cariçaies longuement inondables. De manière générale, l’aménagement des berges des plans d’eau, la baisse de qualité des eaux et l’assèchement des marais tourbeux lui sont fortement préjudiciables.
La faune patrimoniale recensée dans le Marais de la Fontaine compte 9 espèces déterminantes de ZNIEFF.
L’avifaune est représentée par 3 espèces. La Bouscarle de Cetti (Cettia cetti) fait entendre son chant dans les secteurs boisés du marais. Les populations régionales sédentaires de cette petite fauvette paludicole aux affinités plutôt méridionales peuvent être sérieusement affectées par les hivers rigoureux, à l’origine d’extinctions locales (GODIN, 2003a). De retour de migration au début du printemps, le Phragmite des joncs (Acrocephalus schoenobaenus) s’installe lui aussi dans les secteurs les plus humides du marais. Pour sa part, le Martin-pêcheur (Alcedo atthis) tire profit de la présence des étangs bordés de saules pour se nourrir et semble pouvoir nicher dans les berges de l’Authie au sud de la ZNIEFF. Cette espèce inscrite en annexe I de la Directive « Oiseaux » doit faire l’objet de mesures spéciales de conservation au niveau européen, particulièrement en ce qui concerne son habitat.
L’entomofaune regroupe 3 espèces d’Orthoptères et 3 espèces d’Odonates déterminantes. Il faut souligner la présence d’une population de l’Agrion délicat (Ceriagrion tenellum) aux abords du grand étang au sud du canal de dessèchement. Le milieu correspond aux exigences de cette petite libellule - rare dans le Nord-Pas de Calais - dont la répartition régionale suit celle des vallées tourbeuses, notamment celle de l’Authie (GODIN 2003b). Chez les Orthoptères, le Criquet ensanglanté (Stethophyma grossum) occupe les prairies et les abords des fossés dans les secteurs longuement inondés. Cette espèce montre une prédilection pour les endroits peu fréquentés par les troupeaux dans des pâtures très humides, avec une végétation herbacée (joncs, laîches…) bien développée toute l’année, y compris en été. Le Criquet ensanglanté est ainsi notablement absent des secteurs de prairies intensives à la végétation rase et ne semble pas non plus fréquenter les mégaphorbiaies et roselières. La Decticelle bariolée (Metrioptera roeselii) occupe une prairie tourbeuse à l’est du marais. Dans le Marais de la Fontaine comme dans la plupart des stations où elle a été observée au sud-ouest du Pas-de-Calais, la population de cette sauterelle, qui n’est pas strictement hygrophile, semble peu abondante.
Les principales activités humaines recensées dans le Marais de la Fontaine sont l’élevage bovin dans les prairies et la pêche de loisir dans les étangs et l’Authie. La chasse est pratiquée dans les terrains communaux et au niveau d’au moins un étang (chasse à la botte dans les prairies, présence d’une hutte sur un des étangs). Les craintes exprimées lors de la création de la ZNIEFF quant aux conséquences d’une éventuelle déprise agricole ne se sont pas concrétisées. Les prairies communales, louées pour l’élevage, sont toujours pâturées par des bovins. Il ne semble pas y avoir eu de création de nouveaux plans d’eau artificiels ni d’extension des plantations de peupliers mais le drainage d’une prairie longuement inondable est responsable de la disparition de deux végétations d’intérêt patrimonial majeur de ce site.
Par ailleurs, la configuration particulière du Marais de la Fontaine a pour conséquence une certaine fragilité des prairies et bas-marais patrimoniaux répartis aux abords du ruisseau. La conservation des communautés herbacées turficoles demande une adaptation de la gestion pastorale dans le marais, associant une limitation du drainage, voire sa suppression et un pâturage traditionnel extensif sans apport de fertilisants. Quelques secteurs peu ou pas fréquentés par le bétail aux abords du ruisseau de la Fontaine devraient faire l’objet d’une fauche exportatrice, voire d’opérations localisées d’étrépage visant à restaurer des milieux tourbeux pionniers.
Dans les prairies, les vieux saules têtards fournissent des habitats aux oiseaux cavernicoles (Rougequeue à front blanc, en déclin au niveau régional) et aux invertébrés inféodés aux arbres âgés. Leur conservation et leur entretien sont à préconiser (élagage).
Le maintien de la qualité des eaux du ruisseau des Fontaines (déjà altéré par les drainages passés) est nécessaire à la conservation des habitats et des espèces végétales aquatiques et turficoles au sein de la ZNIEFF. Cette qualité pourrait encore être sensiblement dégradée par les pollutions (infiltration des eaux usées) issues de la partie urbanisée du village qui occupe le versant de la vallée à l’aplomb de la source du cours d’eau. Plus à l’Ouest, l’absence de zone tampon entre le versant cultivé et partiellement urbanisé (mitage et camping à l’extrémité nord-ouest du marais) et le cours d’eau est à souligner. La densification de l’habitat diffus le long de la RD 119, sur le versant nord de la vallée, l’extension du camping ou encore des opérations de fertilisation ou des traitements phytosanitaires mal maîtrisés dans les cultures pourraient générer des pollutions néfastes à la qualité écologique de ce site.
A l’intérieur du marais, le souci de préservation des magnocariçaies et saulaies turficoles autour des grands étangs doit inciter à proscrire toute velléité d’intensification de leur aménagement (remodelage et artificialisation des berges, piétinement, modification du fonctionnement hydrologique). L’exploitation de la ressource piscicole doit tenir compte de l’objectif de maintien de la qualité des eaux et des herbiers aquatiques (risque de dystrophisation en cas d’empoissonnements excessifs). L’intérêt écologique des petits étangs privés au nord du cours d’eau est réduit du fait de leur artificialisation excessive (berges abruptes avec palplanches). La pollution des eaux des étangs pourrait s’étendre aux eaux du canal de dessèchement qui reçoit leurs eaux de vidange et contaminer ensuite les eaux des zones humides en aval du marais de la Fontaine.
A une échelle plus étendue, les milieux humides du marais de la Fontaine ne peuvent être dissociés, dans leur fonctionnement écologique, des espaces tourbeux similaires de la rive gauche (côté Somme) avec lesquels ils sont souvent en complémentarité.
La ZNIEFF du Marais de la Fontaine couvre l’ensemble des zones humides situées en aval du bourg de Douriez jusqu’à la limite communale avec Saulchoy. Elle est délimitée au sud par le cours de l’Authie, frontière naturelle avec le département de la Somme. Au nord, le tracé de la ZNIEFF s’appuie sur le bas du versant nord de la vallée. Quelques rectifications mineures ont été apportées au tracé de la ZNIEFF de première génération pour assurer sa cohérence écologique et administrative. Le périmètre a fait l’objet d’une légère extension à l’est afin d’incorporer la source et la partie amont du ruisseau des Fontaines.