ZNIEFF 310013696
Marais communal de Nempont-Saint-Firmin

(n° régional : 01060004)

Commentaires généraux

Le Marais communal de Nempont-Saint-Firmin s’étend sur la rive droite de l’Authie, à l’est du bourg de Nempont-Saint-Firmin. Il s’agit de l’extrémité occidentale du complexe marécageux de Roussent-Maintenay, un des plus remarquables sites tourbeux de la région Nord-Pas de Calais en dehors des marais arrière littoraux. Le marais est traversé d’est en ouest par le grand canal de dessèchement de la basse vallée de l’Authie qui, après un angle droit, traverse le fleuve et s’écoule parallèlement à celui-ci sur sa rive gauche, avant de le rejoindre quelques kilomètres en aval.

La partie méridionale du marais est composée essentiellement de prairies humides bordant l’Authie, puis d’un vaste bas-marais tourbeux ponctué de dépressions et dominé aujourd’hui par une végétation de cariçaies et de roselières. Quelques hectares ont été plantés en peupliers au sud-ouest et au sud-est près de l’Authie. Au nord du canal de dessèchement, plusieurs mares de chasse entourées de roselières occupent la plus grande partie du marais. La marge septentrionale du marais est partiellement boisée sous la forme de saulaies et d’aulnaies turficoles de faible étendue, mais d’un grand intérêt écologique.

Outre les mares de chasse, les milieux aquatiques sont représentés par des fossés, des chenaux ainsi que par le canal de dessèchement.

De nombreuses végétations hygrophiles à inondables occupent ce fond de vallée tourbeux relativement épargné par les aménagements. La végétation patrimoniale identifiée compte 7 végétations déterminantes de ZNIEFF. L’herbier aquatique enraciné de Characées (Charetea fragilis) occupe une mare peu aménagée aux eaux claires tandis que l’herbier flottant à Morène aquatique (Hydrocharition morsus-ranae) se développe dans les eaux oligo-mésotrophes des fossés environnants.

Les touradons de Laîche paniculée du Caricetum paniculatae (rare et en régression dans le Nord-Pas de Calais) occupent les marges d’étangs et de chenaux au nord du canal de dessèchement. On y observe aussi des mégaphorbiaies à Cirse maraîcher et Reine-des-prés (Groupement à Cirsium oleraceum et Filipendula ulmaria, végétation typique assez rare et en régression dans la région), ainsi que la remarquable roselière turficole à Fougère des marais et Phragmite commun (Thelypterido palustris - Phragmitetum australis), très rare et menacée d’extinction dans le Nord-Pas de Calais.

Les boisements turficoles naturels de l’Alnetea glutinosae se présentent sous la forme d’une étroite bande boisée au nord-est de la ZNIEFF, au pied du versant de la vallée. Ils se déclinent sous la forme du fourré à Saule cendré et Aulne glutineux (Alno glutinosae – Salicetum cinereae) et de l’aulnaie eutrophile à Cirse maraîcher (Cirsio oleracei – Alnetum glutinosae). Leur faible superficie et leur situation à l’interface entre deux zones perturbées - cultures et plantations de peupliers au nord, mares de chasse au sud - les soumettent à de fortes perturbations. L’eutrophisation du milieu entraîne le développement des plantes nitrophiles (orties, ronces) au détriment des herbacées turficoles caractéristiques, notamment la Fougère des marais Thelypteris palustris, protégée dans la région.

La flore patrimoniale recensée dans le marais de Nempont-Saint-Firmin compte 14 espèces déterminantes de ZNIEFF, dont 8 sont protégées au niveau régional. La diversité des herbacées turficoles oligotrophiles à mésotrophiles - plus de la moitié des espèces déterminantes - illustre la prédominance des bas-marais tourbeux. Parmi celles-ci, la Pédiculaire des marais (Pedicularis palustris), déjà observée lors de la création de la ZNIEFF dans les années 90, a encore été observée en 2010. Cette espèce très rare (RR) et menacée d’extinction (EN) est protégée dans le Nord-Pas de Calais. Le bas-marais tourbeux accueille aussi le Trèfle d’eau (Menyanthes trifoliata), la Laîche ampoulée (Carex rostrata) ainsi que le Jonc des chaisiers glauque (Schoenoplectus tabernaemontani), trois espèces rares (R) dans la région.

Plusieurs stations de Fougère des marais (Thelypteris palustris), rare (R) et protégée au niveau régional, se maintiennent dans certains secteurs de roselières et dans les saulaies longuement inondables au nord du canal de dessèchement.

Quelques espèces végétales aquatiques complètent la liste des espèces patrimoniales, en particulier l’Ache inondée (Helosciadium inundatum) et le Cresson à petites feuilles (Nasturtium microphyllum), respectivement très rare (RR) et rare (R) et toutes deux protégées dans le Nord-Pas de Calais. Dans certains fossés, la Morrène aquatique (Hydrocharis morsus-ranae), assez rare (AR) dans la région, étale ses petites feuilles circulaires accompagnées de petites fleurs blanches solitaires à la surface de l’eau.

Dix-huit espèces déterminantes de ZNIEFF ont été recensées dans le Marais communal de Nempont-Saint-Firmin. L’avifaune est assez diversifiée avec 11 espèces déterminantes. Les passereaux paludicoles inféodés aux roselières jeunes ou aux roselières âgées colonisées par les ligneux (saules arbustifs) sont bien représentés : la Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica), la Bouscarle de cetti (Cettia cetti) et le Phragmite des joncs (Acrocephalus schoenobaenus) sont des nicheurs probables ou avérés réguliers, parfois relativement nombreux. La Cisticole des joncs (Cisticola juncidis), nicheuse exceptionnelle dans la région, et la Locustelle luscinioïde (Locustella luscinioides), recensées en période nuptiale, sont aussi des nicheurs probables dans les habitats herbacés paludicoles.

Les roselières et cariçaies longuement inondées sont favorables à deux espèces de Rallidés déterminantes : le Râle d’eau (Rallus aquaticus) et la Marouette ponctuée (Porzana porzana). Cette dernière niche occasionnellement dans le marais : trois chanteurs ont été recensés en période nuptiale en 2001, dans un contexte d’inondation prolongée du marais (Michaël GUERVILLE, com. pers.). Les marais de la basse vallée de l’Authie sont le dernier bastion régional de cette espèce (MOUTON, 1996), assez rare dans le Nord-Pas de Calais et en danger au niveau régional et national (GODIN, 2003a). Enfin, les roselières du marais communal sont aussi un biotope favorable à la nidification du Busard des roseaux (Circus aeruginosus), observé régulièrement dans le marais et aux alentours pendant la période nuptiale en 2010.

L’Echasse blanche (Himantopus himantopus) est un nicheur occasionnel au niveau des mares, tandis que le Martin-pêcheur (Alcedo atthis) niche dans les berges de l’Authie.

Le statut de deux autres espèces d’oiseaux déterminantes observées dans le marais de Nempont-Saint-Firmin reste à préciser : la Cigogne blanche (Ciconia ciconia) trouve dans les prairies et bas-marais une zone de gagnage qui pourrait l’inciter à tenter de nicher aux alentours. Le Bihoreau gris (Nycticorax nycticorax) a été observé dans un bouquet de saules au bord d’une mare au cours de l’été 2010. Bien que le milieu semble propice à l’installation de ce petit héron, il pourrait s’agir d’un individu stationnant de manière temporaire au cours d’une migration postnuptiale. Ces observations témoignent de l’intérêt fonctionnel du marais pour ces deux espèces : en effet, la disponibilité en habitats de qualité conditionne la possibilité de leur nidification, jusqu’ici très rare ou exceptionnelle dans le Nord-Pas de Calais.

Six espèces d’insectes déterminantes ZNIEFF sont recensées dans le Marais communal de Nempont-Saint-Firmin. La qualité des milieux aquatiques et de leurs abords permettent l’accomplissement du cycle de vie des Odonates : trois espèces sont déterminantes ZNIEFF en 2010. La plus remarquable est l’Agrion délicat (Ceriagrion tenellum), rare (R) dans le Nord-Pas de Calais. Cette espèce préfère les eaux stagnantes plutôt acides et se rencontre autour des étangs et fossés des tourbières alcalines fluviogènes, biotopes rares dans la région (GODIN, 2003b).

Pour leur part, les prairies humides et les bas-marais hébergent des Orthoptères hygrophiles, dont 3 espèces sont déterminantes de ZNIEFF. On peut souligner la présence du Criquet ensanglanté (Stethophyma grossum), qui se cantonne dans la végétation herbacée des secteurs les plus humides du marais.

Enfin, le Triton alpestre (Ichtyosaura alpestris) a été observé dans les prairies qui bordent l’Authie.

Le Marais communal de Nempont-Saint-Firmin n’a pas subi de dégradations majeures liées à l’implantation de nouveaux aménagements lourds depuis la création de la ZNIEFF. Il a sans doute bénéficié de la volonté des acteurs locaux de maintenir ses principaux usages traditionnels : le pâturage et la fauche de platières à bécassines ont ainsi contribué à pérenniser les végétations herbacées hygrophiles (prairies, bas-marais et roselières) en contrecarrant l’extension des boisements qui auraient complètement modifié la physionomie du marais et supplanté la flore et les habitats héliophiles patrimoniaux.

La baisse de la nappe phréatique liée à un drainage excessif reste la préoccupation majeure vis-à-vis de la conservation des qualités écologiques de ce site remarquable. Améliorer la gestion des niveaux d’eau de certains usagers pourrait avoir des effets localisés mais la résolution du problème au niveau de l’ensemble du marais dépend d’une réflexion concertée à l’échelle de toutes les communes concernées par le grand canal de dessèchement qui traverse le site de part en part. A noter que le dépôt des boues de curage sur les berges du grand canal de dessèchement se traduit par une rudéralisation prononcée de la végétation le long du canal.

Les activités cynégétiques montrent des impacts variés en fonction du mode de chasse. Au sud du canal de dessèchement, le maintien d’une végétation rase dans les zones de platières favorise des espèces végétales de grande valeur patrimoniale (Pédiculaire des marais…). Il est souhaitable d’avoir recours à la fauche exportatrice de la végétation plutôt qu’au brûlis ou au girobroyage avec abandon des produits sur place afin de maintenir un niveau trophique du substrat compatible avec les exigences de ces espèces. En ce qui concerne les mares de chasse et leurs abords, les mêmes préconisations s’appliquent aux layons pratiqués dans les roselières pour éviter l’eutrophisation de la végétation (notamment dans les remarquables roselières à Fougère des marais). L’exportation des rémanents de ligneux hors du site devrait aussi être systématique pour limiter l’eutrophisation des aulnaies/saulaies inondables au nord-est du marais.

L’eutrophisation de l’eau dans les mares de chasse peut induire une pollution trophique des eaux des milieux environnants par les rejets. L’introduction d’espèces non indigènes (bambous…) et une rudéralisation manifeste aux abords de certains plans d’eau est un autre aspect défavorable de cette activité. Un des étangs de chasse se distingue néanmoins par une gestion douce positive sur le plan écologique et paysager : tracé sinueux et profil du plan d’eau, conservation des bosquets de saules, roselières, magnocariçaies et mégaphorbiaies sur les berges et aux alentours, qualité de l’eau (herbiers de Characées). La qualité du milieu s’illustre à cet endroit par la concentration de plusieurs espèces végétales et animales ainsi que d’habitats de grande valeur patrimoniale dans la région.

Au niveau des prairies tourbeuses, le maintien d’un pâturage extensif sans fertilisation ni drainage supplémentaire est souhaitable. Dans ce secteur et sur toute la marge septentrionale du marais, le lessivage des terres cultivées du versant nord de la vallée contribue vraisemblablement à l’eutrophisation et à la banalisation de la végétation, notamment des boisements turficoles de grande valeur patrimoniale.

Enfin, le paysage contrasté qui associe les zones humides du marais au fond de la vallée aux vastes cultures qui couvrent son versant septentrional à l’est du bourg de Nempont-Saint-Firmin confère à l’ensemble du secteur un caractère rural prononcé. La perspective paysagère dominée par l’horizontalité des modes d’occupation du sol qu’aucun élément artificiel significatif (urbanisation, hangars agricoles) ne vient altérer est remarquable et mérite d’être préservée. La contigüité du marais et des champs permet au Busard des roseaux de disposer d’un vaste territoire de chasse peu perturbé.

Commentaires sur la délimitation

La ZNIEFF du marais communal de Nempont-Saint-Firmin occupe le fond de la vallée de l’Authie sur la rive droite du fleuve. Son périmètre prend appui au nord sur le pied du versant de la vallée. Le cours de l’Authie en constitue la limite méridionale. A l’est, la limite de la ZNIEFF coïncide avec les limites cadastrales des communes voisines de Roussent (Pas-de-Calais) et Nampont-Saint-Martin (Somme). A l’ouest, le territoire de la ZNIEFF s’achève au niveau de la ferme d’Abihem (enclave de la commune de Lépine). Une légère extension a été réalisée au sud-ouest de la ZNIEFF initiale pour intégrer les prairies qui bordent l’Authie (présence de quelques espèces déterminantes : Triton alpestre et 2 espèces végétales aquatiques dans un fossé à l’entrée occidentale du marais). Le périmètre a aussi été légèrement rectifié à la marge pour améliorer sa cohérence écologique et administrative. La ZNIEFF du Marais communal de Nempont-Saint-Firmin est contigüe à celle des Marais de Roussent et Maintenay en amont (ZNIEFF n° 106-07), dont elle ne peut être dissociée en terme de fonctionnement écologique.