ZNIEFF 310013705
Tourbière de Marchiennes

Située dans la vallée de la Scarpe, la tourbière de Marchiennes est une tourbière alcaline autrefois exploitée pour la tourbe. Cette exploitation ancienne a créé un paysage très original, avec une multitude de petits fossés disposés en « arêtes de poisson » de part et d’autre d’un fossé central plus large. Au fil du temps, des étangs correspondant à d'anciennes fosses de tourbage se sont rajoutés à cette trame aquatique d'origine, illustrant bien la complexité de l'histoire du site, aujourd'hui en partie recolonisés par de nombreuses végétations turficoles en mosaïque.
Avec la tourbière de Vred et en dehors des systèmes arrière-littoraux, la tourbière de Marchiennes est l’une des dernières tourbières alcalines du nord de la France.
Ainsi, sur quelques dizaines d’hectares se sont développées des végétations et une flore des plus remarquables et d’une grande originalité : vaste roselière turficole à Marisque ; herbiers aquatiques à potamots et nénuphars ; saulaies fangeuses, etc., celles-ci hébergeant des éléments exceptionnels de la flore régionale ou nationale.

Malgré de récents inventaires, ce site difficile d’accès n’a peut-être pas encore révélé toutes ses richesses floristiques et phytocénotiques. En effet, le potentiel de restauration de végétations et d’espèces turficoles très rares, tant au plan régional que national, demeure très important, plusieurs d’habitats étant par ailleurs d'intérêt européen et inscrits à l'annexe 1 de la Directive Habitats-Faune-Flore.

40 espèces de faune déterminantes ont été inventoriées sur cette ZNIEFF dont trois espèces de Mollusques, trois d’Amphibiens, dix d’Odonates, quatre d’Araignées, une de Papillon « de jour », seize d’Oiseaux et trois de poissons.
Les enjeux faunistiques de ce site sont multiples. D’un point de vue batrachologique, il accueille l’une des deux populations nationales de Grenouille des champs. Découverte en 1999 simultanément avec la population de la tourbière de Vred à l’ouest, elle marque la limite d’aire de répartition la plus occidentale de l’espèce. La reproduction a été confirmée en 2003, puis régulièrement depuis (en 2007 et 2014) et les dernières observations datent de 2020. Du fait de la relative petite taille de ces populations relictuelles, qui ne peuvent pas communiquer d’un site à l’autre, cette espèce est en danger critique d’extinction dans le Nord et le Pas-de-Calais (et « en danger » sur la Liste rouge nationale). Inscrit en annexe II de la Directive Habitats-Faune-Flore, le Triton crêté est néanmoins assez commun dans la région, ce qui confère aux populations du Nord et du Pas-de-Calais une importance particulière en terme de conservation. La grenouille de Lessona est également menacée, le klepton Pelophylax kl. esculentus (Grenouille verte) se substituant à l’espèce parente. Elle est citée ici sous réserve, puisque seules des analyses génétiques permettent de déterminer l’espèce avec certitude.

L’avifaune du site est également remarquable par bien des aspects. La variété et la particularité des habitats présents sur le site lui permettent d'accueillir seize espèces nicheuses déterminantes de ZNIEFF, dont beaucoup d'espèces inféodées aux zones humides. La vaste roselière abrite des fauvettes paludicoles relativement communes (Rousserolle effarvatte, Phragmite des joncs, Bouscarle de Cetti) ou beaucoup plus rares comme la Locustelle luscinioïde. Contactée en 2019 sur le site, cette dernière ne compte sur le Nord et le Pas-de-Calais que quelques sites de nidification localisés, et avec un effectif d’une quinzaine de couples ; elle est donc en danger critique sur la Liste rouge du Nord et du Pas-de-Calais et en danger sur la Liste nationale. La Gorgebleue à miroir et le Bruant des roseaux (celui-ci étant en fort déclin, il est en danger sur la Liste rouge nationale) nichent également dans les végétations herbacées hygrophiles du site. Le Râle d’eau, assez rare et vulnérable dans le Nord et le Pas-de-Calais, est noté sur le site depuis 1984. Il recherche ces zones humides qui présentent une mosaïque de zones dénudées (boues, vases) et de zones de végétations hautes et denses. Le Butor étoilé a lui aussi été recensé à plusieurs reprises comme nicheur sur le site, dont une mention en 2020. Inféodée aux roselières difficilement pénétrables comme le sont celles du site, il préfère habituellement des roselières de plus grande surface et il est remarquable de le rencontrer au sein de la tourbière de Marchiennes. Cette espèce très rare et très localisée dans le Nord et le Pas-de-Calais est en danger critique sur la Liste rouge de cette ancienne région, une petite dizaine de couples seulement étant dénombrés chaque année. Mais les enjeux de conservation dépassent largement l’échelle régionale, puisque le Butor étoilé est vulnérable en France et qu’il est inscrit à l’Annexe 1 de la Directive Oiseaux.
Le site accueille aussi un rapace qui, s’il s’est petit à petit également installé dans les grandes cultures, garde comme habitat de prédilection les roselières (de tous types et de toutes tailles) : le Busard des roseaux. Figurant également sur l’Annexe 1 de la Directive Oiseaux, c’est un oiseau qui ne niche que depuis une cinquantaine d’années dans le Nord et le Pas-de-Calais, où il est encore rare et vulnérable. Les zones en eau permettent également au Canard chipeau de nicher sur le site, la richesse en végétations aquatiques et en herbiers à potamots et nénuphars lui convenant bien. Ce canard rare est en danger sur le Nord et le Pas-de-Calais en raison d’effectifs nicheurs encore très faibles (moins d’une quarantaine de couples estimés en 2019). Enfin, les saulaies et autres végétations arbustives font que l’on retrouve des espèces inféodées à des milieux ouverts ou semi-ouverts pas nécessairement humides : Fauvette grisette, ou Tourterelle des bois. On relève même la présence d’espèce plus forestières comme la Mésange boréale, le Loriot d’Europe et la Bécasse des bois, qui témoignent de la fermeture du milieu, notamment sur les parties est et ouest de la ZNIEFF, ainsi qu'à proximité de la Forêt de Marchiennes au nord du site.
Enfin, il faut mentionner deux espèces présentes sur le site mais dont la nidification n’a pas été établie, le Blongios nain et la Marouette ponctuée. Ces espèces ont déjà niché au niveau de la tourbière de Vred voisine et retrouvent les mêmes habitats favorables sur la tourbière de Marchiennes, il paraît donc important d'avoir une attention particulière à leur présence sur le site, d’autant plus qu’il s’agit d’espèces rares et en danger d’extinction (en danger critique pour la Marouette ponctuée) sur la Liste rouge du Nord et du Pas-de-Calais.

Le site a présenté des intérêts forts en matière d’ichtyofaune, certaines espèces menacées ayant été détectées sur le site au cours des années 1990 : la Bouvière, le Brochet (classé vulnérable sur la Liste rouge nationale) et l’Anguille d’Europe (classée en danger critique). Cependant, aucune donnée récente ne permet de confirmer ou d’actualiser ces connaissances. La loche d’étang est également potentiellement présente sur le site, les milieux aquatiques du territoire, de par leur spécificité (faible pente, courant benthique, présence de sédiments organiques et présence de végétations), sont très favorables à cette espèce en matière d’habitats.
Le site a également une importante responsabilité pour l’arachnofaune puisqu’il abrite la seule population connue de Dolomedes plantarius du Nord et du Pas-de-Calais. Cette araignée, très rare, en danger critique d’extinction dans le Nord et le Pas-de-Calais et vulnérable à l’échelle mondiale, a besoin de zones humides de bonne qualité pour se développer et présente de faibles capacités de dispersion. En effet, les végétations herbacées bordant les mares ouvertes lui permettent de construire sa toile « pouponnière » destinée à accueillir les juvéniles fraichement éclos, d’après la liste rouge (GON, 2018). Pirata piscatorius est quant à elle rare et en danger et Rugathodes instabilis vulnérable et peu commune dans le Nord et le Pas-de-Calais. Les tourbières constituent également l’habitat de prédilection de ces deux espèces menacées.

Concernant les Mollusques, la Planorbine cloisonnée (Segmentina nitida) est une espèce qui subit un déclin, notamment en Grande-Bretagne et qui est par conséquent potentiellement menacée. Elle fréquente les milieux aquatiques permanents comportant de nombreux massifs d’hydrophytes (Cucherat, 2003). La Massue costulée (Macrogastra plicatula plicatula) se situe dans les milieux boisés humides sur substrats calcaires de type saulaies (Cucherat, 2003). Enfin, la Veloutée rouge (Pseudotrichia rubiginosa) vit dans les débris végétaux à proximité des cours d’eau ou dans les bois humides (Cucherat, 2003).
 
La tourbière de Marchienne est aussi un site exceptionnel pour les Odonates avec ses dix espèces déterminantes. Parmi elles, en plus de la Cordulie à deux taches (Somatochlora flavomaculata), trois espèces de leucorrhines très rares à exceptionnelles ont été observées : la Leucorrhine rubiconde (Leucorrhinia rubiconda), la Leucorrhine à large queue (Leucorrhinia caudalis) et la Leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis). Ces trois espèces n’ont pas fait l’objet d’évaluation dans la liste rouge du Nord et du Pas-de-Calais car aucune population n’y était connue lors de son élaboration. Un individu de Leucorrhine à large queue néonate a été observé sur le site en 2014, démontrant une reproduction de l’espèce probable sur le site ou à faible distance du site. La larve de cette libellule est sensible à la présence de poissons, principaux prédateurs, et se développe principalement dans les tourbières ou autre plans d’eau acides en milieu boisé. Des comportements territoriaux de Leucorrhine à gros thorax, Leucorrhine ribiconde et Cordulie à deux taches ont été observés sur la ZNIEFF en 2018-2019, rendant la reproduction de ces espèces possible sur le site mais à préciser. En revanche, l’observation de plusieurs individus d’Aeschne printanière (Brachytron pratense), peu commune et quasi menacée dans le Nord et le Pas-de-Calais, montre l’établissement d’une population. Des dizaines d’individus d’Agrion joli (Coenagrion pulchellum), assez commun et quasi menacé, sont vus chaque année, attestant d’une population abondante et pérenne sur le site. L’Aeschne isocèle (Aeshna isoceles), assez rare dans la région, est mentionnée régulièrement. Des comportements territoriaux ainsi que de ponte (en présence de onze individus) en 2017 laissent supposer qu’une population est également bien établie sur cette ZNIEFF.
 

Périmètre centré sur la Grande tourbière, avec extension en 2009 aux parcelles marécageuses voisines (étangs, prairies et bois tourbeux). Cette extension permet d’inclure la totalité de la population connue de Grenouille des champs.
La ZNIEFF est ceinturée à l'est et au nord par la commune de Marchiennes, à l'ouest par une voie verte et au sud par la D47.