Le site de la « forêt de Grésigne » est un massif forestier de 4 027 ha situé en bordure nord-ouest du Tarn. Le Chêne sessile (Quercus petraea) est majoritaire. Géré par l’Office national des forêts, le site est inscrit au réseau Natura 2000 (site FR n° 7300951) depuis 2004. L’intérêt communautaire du site est lié à la présence d’habitats naturels et d’habitats d’espèces patrimoniales, et plus particulièrement à l’exceptionnelle richesse entomologique de la forêt. Avec plus de 2 475 espèces de coléoptères identifiées, elle est classée au troisième rang européen en nombre absolu d’espèces recensées derrière la forêt de Fontainebleau et la réserve de Bialowieza en Pologne.
La forêt de Grésigne appartient à la région naturelle du Ségala. Elle occupe une vaste dépression en forme d’amphithéâtre liée à l’érosion, qui explique la prédominance des expositions de secteur sud.
Géomorphologiquement, elle est principalement composée de roches sédimentaires silicatées datées du permien : le grès constitue les dômes les plus élevés à l’ouest (Montoulieu, 470 m) et à l’est (lac Rond, 370 m) ; les argilites, pélites et pélites gréseuses forment les ondulations de petites collines culminant entre 300 et 350 m d’altitude. La ligne de crête septentrionale, qui s’élève jusqu’à 500 m au nord, est constituée de terrains plus durs appartenant au trias, essentiellement de grès grisâtres. En limite sud et ouest de la forêt, des affleurements calcaires, parfois dolomitiques, sont datés du secondaire.
L’ensemble est drainé par un réseau hydrique en éventail, réuni principalement en deux ruisseaux, le Rô occidental et le Rô oriental, tous deux affluents de l’Aveyron par la Vère.
Climatiquement, le site se situe dans le domaine océanique de type aquitain, avec des influences méditerranéennes et continentales. Ces influences ont un effet localisé marqué suivant l’altitude et l’exposition des versants de la forêt. La pluviosité moyenne est de 838 mm avec de fortes variations interannuelles ; la température varie entre 3,8°C en hiver et 19°C l’été pour une moyenne de 11,8°C. Une forte variabilité est cependant présente suivant l’exposition et l’altitude du versant.
Les sols de la Grésigne appartiennent à trois grands types : les brunnisols (les plus représentés), les luvisols et les calcisols (présents sur une surface limitée).
Les rapports complexes entre la géomorphologie du site, l’influence locale du climat et la pédologie entraînent une diversité de peuplements qui se traduit par la présence d’essences forestières contrastées avec principalement le Chêne sessile et le Charme, mais également le Chêne pubescent, quelques spécimens de Chêne vert ou encore du Hêtre.
Selon la typologie CORINE Biotope, 8 habitats sont présents en forêt de Grésigne, dont 1 d’intérêt communautaire prioritaire, 1 d’intérêt communautaire, 2 d’intérêt patrimonial national et 1 d’intérêt patrimonial régional.
L’habitat d’intérêt communautaire prioritaire DH 91 E0, « Forêt de frêne et d’aulne des ruisselets et des sources » (C.B. 44.31), est localisé en un seul point du site sous la forme d’un peuplement linéaire qui borde le Riou Nègre, ruisseau affluent du Rô oriental. L’habitat, même s’il est marginal pour la forêt (moins de 1 ha), est intéressant pour ses vieilles tiges d’Aulne sur lesquelles se développe une diversité d’organismes saproxyliques spécifiques.
L’habitat d’intérêt communautaire DH 9340, « Forêts supra-méditerranéennes françaises de Chêne vert » (C.B. 45.3), est également localisé en un seul point de la forêt domaniale. Sous la forme de quelques lambeaux situés sur terrain calcaire (moins de 1 ha), il héberge également une faune et une flore spécifiques qui s’additionnent à l’exceptionnelle richesse de la forêt.
Les habitats « Chênaies [et hêtraies-chênaies] ibéro-atlantiques acidiphiles » (C.B. 41.56) et « Chênaies-charmaies [à Chêne sessile et Hêtre] aquitaniennes » (C.B. 41.22) sont majoritairement présents sur les versants frais du dôme de Montoulieu, mais aussi pour le second sur une partie du versant sud du pech Aguset ainsi que localement en bas de pente en exposition fraîche (bordures de ruisseaux). Ils présentent un intérêt patrimonial au moins à l’échelle régionale du fait de la rareté des groupements de Hêtre en zone de plaine sur la région.
L’habitat « Frênaies-chênaies et chênaies-charmaies aquitaniennes » (C.B. 41.22) occupe les fonds de vallons frais en bordure des principaux ruisseaux. Il mérite une attention particulière en Midi-Pyrénées d’autant plus qu’il joue un rôle particulier dans la préservation de l’habitat de l’Écrevisse à pattes blanches.
La forêt de Grésigne possède une faune remarquable dont des espèces d’intérêt communautaire chez les mammifères, les insectes ou encore les crustacés.
En forêt de Grésigne, 20 espèces de chauves-souris (23 espèces sont présentes dans le Tarn, et 26 sont présentes en Midi-Pyrénées sur un total de 34 espèces en France métropolitaine) ont été recensées. Parmi elles, 19 sont d’intérêt communautaire (inscrites en annexe II ou IV de la directive « Habitats »). La Pipistrelle pygmée (Pipistrellus pygmaeus) n’est pas encore intégrée aux listes européennes, car récemment différenciée, mais son intérêt n’en est pas pour autant moins grand.
Malgré le contact de toutes ces espèces au sein de la forêt, aucun site de reproduction ou d’hibernation n’a été identifié sur le massif de la Grésigne. Pour cette raison, elles ne sont pas données comme déterminantes pour le site.
La forêt est composée d’une diversité de peuplement d’âges variables offrant des milieux ouverts ensoleillés pour les peuplements en cours de régénération à des peuplements plus fermés dans les futaies âgées. Cette diversité est un facteur particulièrement favorable au développement d’une multitude d’insectes prédatés par les chauves-souris. La forêt de Grésigne constitue donc une zone de chasse indispensable pour les chauves-souris dont les gîtes sont situés à proximité.
Notons que certaines potentialités d’habitats sont présentes au sein de la zone, à savoir des ponts en pierres, des greniers de maisons forestières et des arbres morts ou creux présents dans la forêt. Avec les nouvelles orientations de gestion décidées depuis l’intégration du site au réseau Natura 2000, la quantité d’arbres morts ou creux va augmenter au sein de toute la forêt. Les potentialités d’accueil d’espèces strictement forestières telles que le Murin de Bechstein (Myotis bechsteini), la Barbastelle (Barbastella barbastellus), le Grand Murin (Myotis myotis) et le Murin à oreilles échancrées (Myotis emarginatus) vont donc croître. Une attention particulière sur le suivi de ces espèces est donc nécessaire.
La diversité structurelle au sein de la forêt (parcelle en régénération, jeune futaie, futaie âgée, taillis...) permet de répondre aux exigences de tout un cortège d’oiseaux forestiers. Le Busard Saint-Martin est un rapace qui niche sur le sol dans les milieux ouverts (coupes forestières, landes, friches...). Le Circaète Jean-le-Blanc, spécialisé dans la chasse des reptiles, et l’Aigle botté sont des rapaces forestiers migrateurs présents durant l’été en Grésigne après un hiver passé en Afrique. Ils restent toutefois dépendants de milieux ouverts pour chasser leurs proies. Le Pic mar représente l’oiseau forestier témoin de la maturité de l’écosystème. Il recherche les chênes dépérissants de gros diamètre. En Grésigne, la population de cette espèce pourrait être de 100 à 200 couples. La Bécasse des bois apprécie quant à elle les milieux forestiers entrecoupés de milieux ouverts (champs, clairières). L’Autour des palombes est forestier, se nourrissant d’oiseaux et de petits mammifères. Il niche dans les vieux arbres, généralement des conifères, présents en Grésigne en raison de plantations effectuées au cours des aménagements précédents.
La présence de ces espèces, pour certaines remarquables au titre de la directive européenne « Oiseaux », a valu la désignation d’une « zone de protection spéciale » dont la forêt de Grésigne constitue le cœur forestier.
La forêt de Grésigne possède une population isolée d’Écrevisse à pattes blanches (Austropotamobius pallipes) qui se maintient dans les petits ruisseaux de la forêt malgré des étiages très sévères certaines années. L’habitat de l’espèce correspond aux cours d’eau bien oxygénés exempts de toute pollution, au sein desquels elle recherche des abris apportés par les sols caillouteux, les blocs ou le bois mort dans l’eau. Inscrit en annexes II et IV de la directive « Habitats », en annexe III de la convention de Berne et protégé nationalement par l’arrêté du 21 juillet 1983, sa préservation constitue un enjeu majeur sur le site d’autant plus qu’elle est généralement en régression dans de nombreuses régions de plaine et dans les larges vallées d’Europe.
L’Antaxie cévenole (Antaxius sorrezensis) est une sauterelle endémique du sud du Massif central. Elle habite la strate arbustive de milieux fermés. Très peu de données sont disponibles pour cette espèce, notamment en raison de ses mœurs nocturnes.
Le Leptyphante alutacius (Palludiphantes alutacius) est une araignée cavernicole vivant dans les grottes et les cavités d’arbres. Bien que localisée (moins d’une dizaine de localités sont connues en Midi-Pyrénées), cette espèce est très commune en Grésigne dans les cavités d’arbres.
La forêt de Grésigne est caractérisée par une exceptionnelle faune entomologique dépendante d’habitats remarquables liés au bois mort et aux vieux arbres. Plus particulièrement, elle est reconnue internationalement pour sa richesse en coléoptères avec plus de 2 475 espèces recensées. Parmi elles, 76 sont déterminantes ZNIEFF en Midi-Pyrénées, et 3 sont inscrites en annexe II de la directive « Habitats ». Plus particulièrement, c’est la présence du Taupin violacé (Limoniscus violaceus), l’une des espèces les plus menacées de la directive « Habitats », qui a motivé le classement en site Natura 2000 de la forêt de Grésigne.
Les organismes saproxyliques sont définis comme les espèces qui dépendent, pendant une partie de leur cycle de vie, du bois mort ou mourant d’arbres moribonds ou morts ? debout ou à terre ?, ou de champignons du bois, ou de la présence d’autres organismes saproxyliques. Ils sont caractérisés par des exigences vis-à-vis d’un type de pièce de bois (branche morte, tronc au sol, chandelle, souche...), d’un stade de décomposition du bois (bois mort frais, bois décomposé par les champignons, bois pourris, terreau...), de son ensoleillement, de son essence... Pour exemple, suivant l’humidité des bois cariés (décomposés par les champignons), on trouve le taupin Lacon querceus sur les troncs encore debout et plutôt secs alors que le lucane Aesalus scarabaeoides se trouve dans les grumes de gros volumes au sol humide. Le cortège d’espèces présent au sein d’une cavité d’arbre dépend de la position de cette dernière sur le tronc : au sol dans des cavités très sèches avec de la carie rouge, on trouve le taupin Podeonius acuticornis, dans les cavités basses humides le taupin Limoniscus violaceus, et dans les cavités hautes ensoleillées les taupins du genre Brachygonus. Dans les racines des gros chênes, on trouve le longicorne Akimerus schaefferi, sur les grosses chandelles de Hêtre le bupreste Dicerca berolinensis, et sur les gros bois de pins morts au sol le longicorne Ergates faber.
Certaines de ces espèces, souvent parmi les plus exigeantes, sont caractérisées par le fait d’avoir de faibles capacités de dispersion. Cela implique de faibles chances pour leurs populations de coloniser de nouveaux sites. En ce sens, elles sont témoins de la continuité de la présence d’habitats forestiers sur le site. C’est d’ailleurs l’histoire forestière de la Grésigne qui explique l’absence d’une cétoine d’intérêt communautaire : le Pique-prune (Osmoderma eremita). La forêt fut conduite en taillis de chêne pendant plusieurs générations pour fournir du charbon aux populations locales et aux souffleurs de verre. Cette gestion a entraîné la disparition de gros arbres à cavités hautes ensoleillées, conduisant à l’extinction des populations de Pique prune. Même si de gros arbres potentiellement favorables pour l’espèce étaient présents aujourd’hui, ils ne pourraient pas être colonisés à nouveau car aucune population n’est présente à portée de vol. Cette même gestion a cependant favorisé la présence de cavités à la base des arbres, et permis le maintien des populations de Taupin violacé (Limoniscus violaceus), même au cours des périodes d’exploitation les plus sévères.
Pour résumer, l’exceptionnelle richesse observée en coléoptères saproxyliques peut s’expliquer par deux principaux facteurs : la diversité des types de bois mort et des essences présentes, et la continuité de l’histoire forestière du site.
L’espèce la plus emblématique parmi la faune de la Grésigne est certainement le Taupin violacé. Il se développe dans les cavités basses d’arbres feuillus. C’est la complexité des facteurs qui interviennent dans la création d’un habitat répondant à ses exigences écologiques qui explique sa rareté et son statut européen.
Les cavités d’arbres commencent à se former sur un tronc suite à une blessure, à l’affaiblissement ou au dépérissement de l’arbre. L’action des champignons lignicoles pionniers dans la dégradation du bois est le point de départ de la formation de la cavité. Le bois, au fur et à mesure de sa dégradation, va devenir favorable à différents cortèges successifs : les xylophages primaires (bois dépérissant) puis secondaires (bois mort frais) précèdent l’activité des saproxylophages (bois mort dégradé). Le résultat final de saproxylation du bois produit un terreau qui n’est pas encore favorable au Taupin violacé. Ce terreau va devoir se mélanger au sol et être enrichi par les restes d’insectes et de petits mammifères (cadavres, déjections...). Enfin, l’humidité ambiante dans la cavité et dans le terreau jouera un rôle essentiel pour le bon déroulement du développement des populations de l’espèce.
En protégeant l’habitat final favorable au Taupin violacé, on protège l’ensemble des espèces et des processus qui ont participé à son évolution. La présence du Taupin violacé témoigne de la maturité de son habitat, de la continuité forestière du site et du bon fonctionnement des processus dynamiques de dégradation du bois qui interviennent au sein des écosystèmes forestiers.
Parmi les autres organismes forestiers, notons le champignon Hericium clathroides qui se développe sur les grosses grumes de bois mort au sol ou debout. Il est considéré comme indicateur d’habitats de vieilles forêts matures.
La Coronelle girondine (Coronella girondica) est un serpent appréciant les endroits secs et rocailleux où elle se nourrit de lézards au crépuscule. Sa présence en forêt de Grésigne témoigne d’habitats originaux localement, fortement marqués par les influences méditerranéennes.
Le cycle de vie des amphibiens est composé d’un état larvaire aquatique et d’un état adulte terrestre. Ce cycle de vie en deux phases majeures implique que les individus réalisent plusieurs migrations durant leur existence pour passer d’un milieu favorable à l’autre. Ainsi, l’adulte migre vers ses quartiers d’été à la fin de l’hiver, puis vers ses quartiers d’hiver à l’automne. À la fin de l’hiver suivant, il réalise une dernière migration pour trouver un site de reproduction et un écosystème favorables au développement de ses têtards.
La forêt de Grésigne est riche en petits cours d’eau oxygénés au sein desquels les bois morts créent de multiples micro-habitats. Elle dispose d’un petit lac (lac Rond) dont l’eau est assez saumâtre et pauvre en poissons. Les précipitations créent également de nombreux petits plans d’eau temporaires dans les ornières des engins forestiers, les bauges des sangliers ou tout autre petite dépression (créée par exemple par la chute d’un arbre). Cette diversité d’habitats aquatiques est favorable au développement des larves de plusieurs espèces déterminantes ZNIEFF parmi lesquelles 5 sont inscrites en annexe IV de la directive « Habitats » : le Crapaud calamite (Bufo calamita), l’Alyte accoucheur (Alytes obstetricans), la Grenouille agile (Rana dalmatina), la Rainette méridionale (Hyla meridionalis) et le Triton marbré (Triturus marmoratus). Pour exemple, le Crapaud calamite apprécie les milieux aquatiques avec une faible lame d’eau et une bonne exposition, au sein desquels il y aura peu de prédateurs et une température se réchauffant rapidement.
La Grésigne constitue également un massif peu fragmenté par les infrastructures humaines, favorisant ainsi le bon déroulement des migrations. Elle propose une mosaïque d’habitats ouverts à fermés suivant les stades d’évolution des peuplements favorables à la diversité des amphibiens recensés. L’Alyte accoucheur ou la Rainette méridionale, par exemple, affectionnent les milieux ouverts ensoleillés alors que la Grenouille agile préfère les milieux forestiers.
La forêt de Grésigne est faunistiquement très riche. Cette richesse est due à la fois à la diversité géomorphologique, pédologique et climatique du site qui entraîne des milieux très contrastés, d’influence continentale (plutôt frais et humides avec de nombreux milieux aquatiques permanents ou temporaires) à méditerranéenne (chauds, secs et caillouteux). Cette diversité se traduit par la présence additionnelle de faune et de flore biogéographiquement différentes. La diversité structurelle de la forêt (coupes, éclaircies, futaies) permet de répondre aux exigences de nombreuses espèces en fournissant un lieu de chasse, d’alimentation ou de reproduction ensoleillé et fleuri.
L’état de conservation du site, malgré une gestion sylvicole passée intensive, est remarquable. La présence d’organismes saproxyliques variés traduit le bon fonctionnement des processus dynamiques de dégradation du bois de la forêt et la continuité forestière dans le temps.
La délimitation de la ZNIEFF suit les contours du massif de la forêt de Grésigne.