ZNIEFF 930012351
PLATEAU D'ALBION

(n° régional : 84100116)

Commentaires généraux

Description de la zone

Entre le mont Ventoux à l’ouest, la montagne de Lure à l’est et les monts de Vaucluse au sud, s’étend un vaste plateau, le plateau d’Albion, compris entre 800 et 1 000 m environ, aux paysages austères et sauvages. L’assise géologique est composée de calcaires compacts à faciès urgonien qui datent du Crétacé, ce qui a permis la mise en place d’un modelé karstique avec lapiaz, avens et dolines. Ces dernières, très nombreuses et souvent de surfaces importantes, ont accumulé des argiles de décarbonation issues de la décomposition, sous l’effet de l’eau, des calcaires compacts.
Le climat y est très rude avec des précipitations neigeuses non négligeables, des vents violents et froids en provenance du mont Ventoux, une aridité et une sécheresse prononcées. L’eau de pluie s’infiltre très vite dans les nombreuses fissures du plateau qui ne dispose d’aucun réseau hydrographique superficiel.

La végétation, entièrement située dans l’étage supraméditerranéen et à la base de l’étage montagnard méditerranéen, offre une mosaïque de formations végétales dont la biodiversité est encore accentuée par la présence d’une flore calcicole sur les étendues karstiques aux sols squelettiques et calcifuge dans les dolines. La couverture forestière y est importante et les feuillus (taillis de chêne pubescent et de chêne sessile, hêtre, tremble, bouleau), y alternent avec les résineux (pin sylvestre, pin maritime). La végétation calcifuge y tient une place non négligeable avec lande à sarothame et à callune, et châtaigneraies. Mais c’est aussi un pays où des agrosystèmes se maintiennent toujours (céréales, lavande et élevage ovin).

Flore et habitats naturels

Si l’altitude apporte à cet ensemble une flore silicicole d’affinité montagnarde et tempérée, des éléments importants de flore calcicole méditerranéo montagnarde s’y maintiennent toujours avec la formation à Genista pulchella subsp. villarsiana (genêt de Villars) à la Combe Légère et à Marquisan. Dans les landes de la sarothamnaie, et au Grand Bois de Saint Christol en particulier, la flore calcifuge s’exprime pleinement avec Ventenata dubia (venténate douteuse) et Bupleurum gerardii (buplèvre de Gérard), alors que près de la doline de la Jeannette on rencontre Trifolium scabrum subsp. lucanicum (trèfle de Lucanie) et Cistus laurifolius subsp. laurifolius (ciste à feuilles de laurier). Cette dernière doline qui, à la faveur de la présence d’une forte concentration d’argile de décarbonation est en eau une bonne partie de l’année, possède, cas unique sur le plateau d’Albion, une flore hygrophile calcifuge avec Elatine alsinastrum (élatine verticillée). Au bois du Défens au nord de Sault existe la très rare Danthonia alpina (danthonie des Alpes). Des milieux ouverts hébergent encore Sideritis montana (crapaudine des montagnes) ou Polygonum bellardii (renouée de Bellardi) près de la Grande Partie.

Dans ce vaste ensemble, les agrosystèmes tiennent encore une très grande place car ils permettent à l’homme de se maintenir sur ces terres très rudes. Dans les lavandaies, on retrouve régulièrement Salvia aethiopis (sauge d’Ethiopie). Mais la biodiversité se concentre surtout dans les agrosystèmes à céréales. C’est l’existence d’une agriculture traditionnelle de type extensif, utilisant des façons culturales appropriées et s’interdisant l’emploi de désherbants à cause de la présence de troupeaux qui a permis la conservation d’une flore messicole avec entre autres : Adonis flammea (adonis rouge feu), Asperula arvensis (aspérule des champs), Camelina microcarpa (caméline à petits fruits), Gagea villosa (gagée velue), Galium tricornutum (gaillet à trois pointes), Polycnemum majus (grand polycnémum), Bupleurum rotundifolium (buplèvre à feuilles rondes), Agrostemma githago (nielle des blés), Androsace maxima (androsace à grand calice), Veronica triphyllos (véronique à trois feuilles) et Vaccaria hispanica (vachère). Ces espèces annuelles dont le pouvoir de germination reste actif pendant plusieurs années, peuvent s’effacer et réapparaître au gré des changements de culture, si on leur en laisse néanmoins la possibilité.

Faune

Cette zone offre un intérêt faunistique très élevé avec pas moins de 37 espèces animales patrimoniales recensées dont 5 espèces déterminantes. 

Elle renferme notamment un cortège avien nicheur très varié et mixte. Les espèces de milieux ouverts sont nombreuses, souvent  associées au maintien d’une agriculture extensive traditionnelle: le Circaète Jean–le-blanc, Busard cendré, dont au moins 7 à 8 couples nichent localement, Caille des blés, Oedicnème criard, présent avec plusieurs couples reproducteurs, Petit-duc scops (plusieurs couples nicheurs), Chevêche d’Athéna, Guêpier d’Europe, Huppe fasciée, particulièrement abondante dans cette zone, Cochevis huppé, Pie grièche à tête rousse, Pie grièche écorcheur, Pie grièche à tête rousse, Pie grièche méridionale, Pipit rousseline, Fauvette orphée, Fauvette grisette, Alouette lulu, Fauvette orphée, Bruant fou, Bruant ortolan, Bruant proyer, et Moineau soulcie. L’Outarde canepetière qui présentait autrefois de bonnes densités sur le site n’est plus présente depuis 2008. Les espèces forestières  sont représentées par les espèces suivantes : Bondrée apivore, Autour des palombes, Faucon hobereau, Bécasse des bois, Torcol fourmilier, Pic épeichette, Pic noir. Chez les rapaces, le Grand duc d’Europe niche encore dans ce secteur et l’Aigle royal utilise ce secteur comme zone de chasse (c’est également une zone de dispersion des aigles immatures). 

Cette zone présente également un réel intérêt du point de vue mammalogique : on y rencontre le Cerf élaphe, grand ruminant remarquable, aujourd’hui plutôt forestier, en expansion géographique et numérique en France et en région PACA, présent jusqu’à 2 500 m et diverses chauves-souris telles que le Grand Rhinolophe, espèce déterminante et menacée, en diminution partout en France, plutôt thermophile mais présent jusqu’à au moins 2 200 m d’altitude, chassant dans les bocages et les paysages karstiques riches en broussailles, pelouses, pâtures et prairies, souvent proches de l’eau courante ou stagnante, de grottes et d’habitations, le Petit Rhinolophe, espèce remarquable en régression marquée, plutôt thermophile et anthropophile et la Noctule de Leisler, espèce remarquable forestière relativement fréquente. 

En ce qui concerne l’herpétofaune locale, mentionnons la présence du Pélodyte ponctué, espèce remarquable ouest-européenne d'affinité méridionale, accompagné de trois espèces de reptiles remarquables, le Seps strié (Chalcides striatus), espèce à répartition Franco-Ibérique qui fréquente les garrigues, les pelouses et les friches de Provence, sous les pierres et autres gîtes favorables, la Couleuvre verte et jaune (Hierophis viridiflavus), espèce à répartition majoritairement Franco-Italienne qui privilégie les fourrés et les friches et la Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus), espèce du sud de la France, de la péninsule Ibérique et du Maghreb qui affectionne les garrigues ouvertes et les milieux karstiques bien exposés.

L’entomofaune n’est représentée que par l’Alexanor (Papilio alexanor), espèce déterminante de lépidoptère, protégée au niveau européen, rare et dont l’aire de répartition est morcelée, inféodée aux éboulis et pentes rocailleuses jusqu’à 1700 m d’altitude où croît sa plante hôte locale Ptychotis saxifraga.

Commentaires sur la délimitation

Répartition et agencement des habitats : la mosaïque boisements/agrosystèmes ainsi que les parcours ovins occupent la totalité de cette zone, permettant ainsi de définir les contours de cette ZNIEFF.

Cette démarche se justifie par le fonctionnement et les relations existant entre ces différents écosystèmes : il existe une complémentarité entre les milieux ouverts, terrain de chasse privilégié pour l’avifaune nichant dans les milieux plus fermés.

La climatologie ainsi que les contraintes du milieu physique et plus particulièrement l’analyse géomorphologique confortent la définition du pourtour de la zone.

L’ancienne base de missiles du plateau d’Albion ainsi que les villages ont été exclus du site