B4-2 - Sédiments hétérogènes infralittoraux en milieu à salinité variable

Typologie nationale des habitats marins benthiques de la Manche, de la Mer du Nord et de l'Atlantique (NatHab-Atl)

Source de l'ajout à la typologie

L’habitat B4-2 Sédiments hétérogène infralittoraux en milieu à salinité variable était présent dans la version 1 de la typologie (Michez et al., 2013), sous le code et la dénomination M11.02 Sédiments hétérogènes sublittoraux en milieu à salinité variable, décliné en deux sous-habitats : M11.02.01 Sédiments hétérogènes infralittoraux en milieu à salinité variable à Aphelochaeta spp. et Polydora spp. et M11.02.02 Sédiments hétérogènes infralittoraux en milieu à salinité variable à Crepidula fornicata et Mediomastus fragilis.
Il a été maintenu sous cette appellation dans la version 2 de la typologie (Michez et al., 2015) avant d’être modifié dans la version 3 de la typologie (Michez et al., 2019) afin de mieux cibler l’étage benthique. En parallèle, trois sous-habitats ont été ajoutés (B4-2.3 à B4-2.5 ; source de l’ajout : EUNIS 2012).

Facteurs abiotiques

Etage : Infralittoral
Nature du substrat : Sédiments hétérogènes [mélange variable de vases, sables, graviers, coquilles, cailloutis, galets, blocs]
Répartition bathymétrique : 0-40 m environ [Dépend de la pénétration de la lumière, ce qui est très variable selon les sites. S’étend jusqu’où l’intensité lumineuse est compatible avec la vie des macrophytes photophiles]
Hydrodynamisme : Faible à fort
Salinité : Euryhalin
Température : Cyclotherme journalier, bimensuel et saisonnier
Lumière : Système phytal, eaux claires ou turbides
Régime trophique : Mésotrophe à eutrophe

Caractéristiques stationnelles

Sédiments hétérogènes composés de diverses particules sédimentaires (vases, sables fins à grossiers, graviers, cailloutis), de débris coquilliers, de galets et parfois de blocs, dans des proportions plus ou moins variées. Cet habitat est représenté dans les zones relativement abritées des estuaires et des abers ainsi que dans les baies sous influence d’eaux douces. A proximité des embouchures, les éléments grossiers ont été amenés par les courants marins. Dans la partie interne des estuaires, ils sont le résultat du lessivage des rives ou de la désagrégation des versants ou sont liés à des déversements d’origine anthropique. Plus le taux de particules fines est élevé, plus l’endofaune hébergée s’apparente à celle des fonds vaseux ou de sables envasés du même secteur, bien qu’elle reste moins abondante. En aval de l’estuaire, dans des secteurs proches des conditions marines, l’hétérogénéité du substrat permet l’établissement d’une épifaune et d’une endofaune diversifiées. Dans les mêmes secteurs où la turbidité reste assez faible, des macroalgues colonisent les éléments les plus grossiers, ce qui accroît la complexité de l’habitat. Plus en amont, les conditions de faible salinité, la turbidité importante et l’intensité des courants réduisent fortement l’établissement d’une flore et d’une faune benthique dans les fonds infralittoraux.

Variabilité

L’habitat varie selon la combinaison des facteurs suivants :
- la courantologie locale, corrélée à la morphologie du site, au régime tidal (méso-, macro- ou mégatidal), au positionnement dans le système estuarien et à la circulation des masses d’eau ;
- la composition du substrat et sa teneur en matière organique ;
- le gradient de salinité, qui dépend de la marée et du débit du fleuve ;
- la profondeur ;
- l’intensité de la production primaire ;
- la pollution et autres pressions anthropiques.
Les sous habitats de niveau trois sont décrits dans leurs fiches respectives.

Communautés ou espèces caractéristiques

L’habitat B4-2 ne se reconnaît pas par des espèces caractéristiques mais par la bathymétrie et le type de substrat en milieu à salinité variable.

Espèces associées

La liste fournie ne constitue pas une liste exhaustive des espèces associées à cet habitat. Dans le cadre de cette fiche, les espèces associées ont été définies comme les espèces les plus fréquemment citées dans la littérature pour cet habitat.
La liste regroupe les espèces communément retrouvées dans les secteurs polyhalin, mésohalin et oligohalin de cet habitat. Pour le secteur euhalin, se référer à la liste d’espèces associées de l’habitat B4-1 Sédiments hétérogènes infralittoraux, à laquelle peuvent être ajoutées les espèces citées ici.
Des espèces inféodées à d’autres habitats, associés ou en contact, peuvent être retrouvées dans les sédiments hétérogènes infralittoraux, transportés par les flots.
En domaines oligohalin et mésohalin, le type sédimentaire joue un rôle secondaire dans la structuration des peuplements benthiques. On pourra ainsi trouver dans ces secteurs les mêmes espèces quel que soit le type de substrat meuble.

Dynamique temporelle

La granulométrie varie selon les fluctuations saisonnières de l’hydrodynamisme du fleuve et de la mer. Les particules fines s’accumulent davantage sur les fonds lors des mois calmes de la saison estivale, accueillant ainsi une biocénose plus diversifiée et abondante qu’en saison hivernale.
Le printemps et le début de l’été sont les périodes où la couverture algale à la surface du substrat est la plus dense. Ceci est particulièrement observable pour les tapis de Trailliella du sous-habitat B4-2.4 Sédiments hétérogènes infralittoraux en milieu à salinité variable à Bonnemaisonia hamifera en tapis ainsi que pour le sous-habitat B4-2.5 Sédiments hétérogènes infralittoraux en milieu à salinité variable à algues vertes filamenteuses.

Habitats pouvant être associés ou en contact

L’habitat B4-2 peut potentiellement être en contact avec les habitats suivants (liste non-exhaustive) :
- En contact supérieur avec les habitats médiolittoraux :
- A1-5 Roches ou blocs médiolittoraux avec fucales en milieu à salinité variable
- A3-3 Sédiments grossiers médiolittoraux en milieu à salinité variable
- A4-2 Sédiments hétérogènes envasés médiolittoraux en milieu à salinité variable
- A5-5 Sables médiolittoraux en milieu à salinité variable
- A6-3 Vases médiolittorales en milieu à salinité variable de la slikke
- A5-6.2 Herbiers à Zostera noltei sur sables médiolittoraux en milieu à salinité variable
- A6-4.2 Herbiers à Zostera noltei sur vases médiolittorales en milieu à salinité variable
- En contact de même niveau ou en association avec :
- B1-8 Roches ou blocs infralittoraux en milieu à salinité variable
- B3-3 Sables grossiers et graviers infralittoraux en milieu à salinité variable
- B5-4 Sables mobiles infralittoraux en milieu à salinité variable
- B6-4 Vases infralittorales en milieu à salinité variable
- B5-5 Herbiers à Zostera marina sur sables infralittoraux
- B5-6 Herbiers à Ruppia maritima sur sables infralittoraux
- En contact inférieur avec les habitats circalittoraux :
- C1-8 Roches ou blocs circalittoraux en milieu à salinité variable

Confusions possibles

L’habitat peut être confondu avec les habitats de substrat plus homogène présentant une proportion de particules sédimentaires distinctes insuffisante pour les qualifier en substrat hétérogène. Cela peut être le cas des habitats B5-4 Sables mobiles infralittoraux en milieu à salinité variable et B6-4 Vases infralittorales en milieu à salinité variable comprenant seulement quelques éléments grossiers, ou de l’habitat B3-3 Sables grossiers et graviers infralittoraux en milieu à salinité variable avec une fraction de particules plus fines insuffisante pour l’établissement d’espèces inféodées aux sables fins à envasés dans les domaines euhalin et polyhalin. Tous ces habitats peuvent accueillir une faune similaire, voire identique, en domaines mésohalin et oligohalin. Des analyses bio-sédimentaires complètes en laboratoire permettent de les distinguer.
Une confusion d’ordre altitudinale peut avoir lieu avec l’habitat A4-2 Sédiments hétérogènes envasés médiolittoraux en milieu à salinité variable. Le relevé des coordonnées GPS couplé aux cartes marines permet de faire la distinction.
Pour ces mêmes facteurs bathymétrique et granulométrique, les habitats A5-5 Sables médiolittoraux en milieu à salinité variable, A6-3 Vases médiolittorales en milieu à salinité variable de la slikke et A3-3 Sédiments grossiers médiolittoraux en milieu à salinité variable peuvent également porter à confusion.

Répartition géographique

L’habitat a été jusqu’ici peu recensé sur la façade Manche – Mer du Nord – Atlantique. En Bretagne, il est présent dans la partie euhaline de l’estuaire du Trieux, à la sortie des abers de la rade de Brest et à l’embouchure des rivières du Golfe du Morbihan. Dans l’estuaire de la Gironde, il est visible sous forme de taches localisées dans tous les secteurs halins.

Fonctions écologiques

Cet habitat joue différentes fonctions écosystémiques selon la composition du substrat. Les sédiments hétérogènes caractérisés par une faune endogée représentent une zone de nourrissage pour les poissons démersaux et benthiques carnivores. Ceux colonisés par des macroalgues fixées attirent des consommateurs primaires tels que les gastéropodes brouteurs ou les oursins et forment un espace multidimensionnel accroissant la complexité de l’habitat.
Plus les sédiments sont hétérogènes, plus la biocénose benthique est diversifiée et attire une variété de prédateurs.

Statut de conservation

Au titre de la DHFF (92/43/CEE), l’habitat B4-2 peut être inclus dans le HIC 1110 « Bancs de sable à faible couverture permanente d'eau marine », sous réserve de limite haute du HIC au-dessus de 20m de profondeur, de continuité sédimentaire et des communautés associées depuis la zone moins profonde. L’habitat B4-2 peut également correspondre à l’HIC 1130 « Estuaires », à l’HIC 1150 « Lagunes côtières » ou à l’HIC 1160 « Grandes criques et baies peu profondes » sous réserve de respect des critères d'identification géomorphologiques et de délimitation physiographiques de l'HIC. Il peut également correspondre à l’HIC 8330 « Grottes marines » sous réserve de respect des critères d’identification de l’HIC (notamment de seuil de taille).

Tendance évolutive

Pour la flore comme pour la faune benthique, le changement global pourrait avoir des conséquences néfastes sur la reproduction et la croissance des espèces sensibles locales et pourrait favoriser le développement des espèces opportunistes acclimatées à des eaux plus chaudes.
Les phénomènes d’eutrophisation liés aux apports en nitrates des versants pourraient être de plus en plus fréquents avec l’élévation de la température, favorisant ainsi la colonisation des algues vertes opportunistes au détriment d’autres espèces, voire l’asphyxie totale de certains milieux (Bajjouk et al., 2015 ; Dion et al., 2009).

Auteur(s)

Latry L., Blanchet H.

Date de rédaction

2020

Bibliography

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