Corylo avellanae-Fraxinenalia excelsioris (Rameau, Mansion & Dumé 1989) Renaux, Timbal, Gauberville, Thébaud, Bardat, Lalanne, J.-M. Royer & Seytre 2019

Prodrome des végétations de France décliné (PVF2)

Synécologie

Végétation arborées de recolonisation postpastorales, se substituant aux forêts des Fagenalia sylvaticae Rameau ex R. Boeuf & J.-M. Royer in R. Boeuf 2014, des Carpino betuli-Fagenalia sylvaticae (Scamoni & H. Passarge 1959) R. Boeuf & J.-M. Royer in R. Boeuf 2014 voire des Luzulo luzuloides-Fagetalia sylvaticae Scamoni & H. Passarge 1959, en particulier suite à usage agricole intensif ayant modifié durablement le sol. Distinct des sylvofaciès décrits pour les différentes associations, puisque la flore est trop éloignée des végétations climaciques vers lesquelles elles doivent normalement tendre progressivement. Pour l’heure, même si ce type de végétation de reconquête est fréquent sur le terrain, peu de syntaxon ont été décrit de manière valide. Ce sous-ordre marque la transition avec la sous-classe des Geranio robertiani-Fraxinenea excelsioris, avec lequel il présente des affinités florisiques fortes, tout en s’en distinguant d’un point de vu dynamique et écologique. S’observe dans différents contextes de déprise agricole ou pastorale, où la trace du passé cultural demeure évidente dans la composition floristique et les caractéristiques écologiques. Les effets de l’agriculture (fertilisation par apport extérieur ou les déjections du bétail, chaulage, épierrement, labour, tassement, irrigation, etc.) perdurent en effet pendant des siècles dans les forêts récentes, parfois plus de 1500 ans après abandon des terres. Dans les sols des zones anciennement cultivées, pâturées intensivement ou habitées, les analyses de sol mettent en évidence des pH plus élevés (surtout en contexte acide), des teneurs en carbone organique plus faibles, ainsi que des taux de nitrate et de phosphore assimilables par les plantes plus élevés (Dambrine et al. 2007 ; Dupouey et al. 2002a ; Jussy et al. 2002 ; Koerner et al. 1997 ; Koerner et al. 1999). Dans certains cas, en lien avec des taux de calcium, de magnésium et de potassium élevés, les taux de saturation en base sont plus importants sur les anciennes cultures et prés amendés (Burger 2007). Toutes ces modifications peuvent influencer directement la flore, en favorisant des espèces nitrophiles et phosphorophiles. Les formes d’humus et leur maturation en forêt ancienne pourraient aussi avoir un rôle important sur la flore. Les caractéristiques physiques des sols sont également durablement modifiées. Cet ordre n’intègre pas toutes les forêts récentes. Même si des différences perdurent, la flore et notamment le cortège dendrologique convergeant progressivement vers celles des végétations forestières « climaciques », et un humus forestier se reconstitue. Ne sont concernées que les végétations structurées par les essences pionnières et postpionnières, à flore herbacée composée d’espèces nitratophiles et héliophiles à hémisciaphiles. Les peuplements issus de recolonisation voire de plantation (ou semis) suffisamment ancien pour avoir permis le retour d’une partie de la flore forestière constitueraient des syntaxons (sous-associations ou variantes à décrire) au sein des Carpino betuli-Fagenalia sylvaticae et des Fagenalia sylvaticae, même si les espèces de forêts anciennes y demeurent rares.

Nom cité du syntaxon

Corylo avellanae-Fraxinenalia excelsioris Rameau, Mansion & Dumé 1989 (Flore forestière française guide écologique illustré. 1 Plaines et collines : 1766) subord. nov. hoc loco.

Synonymes

Corylo avellanae-Fraxinenalia excelsioris Rameau, Mansion & Dumé 1989 nom. inval. (art. 3b).

Type nomenclatural

Typus subordinis : Astrantio-Corylion avellanae H. Passarge 1978.

Physionomie

Peuplements dominés par les pionnières et les postpionnières, notamment le Frêne commun (Fraxinus excelsior), le Frêne oxyphylle (Fraxinus angustifolia), l’hybride de ces deux espèces, l’Érable sycomore (Acer pseudoplatanus), le Tremble (Populus tremula), l’Orme champêtre (Ulmus minor), le Pin sylvestre (Pinus sylvestris), etc., voire dans une des alliances le Robinier faux-accacia (Robinia pseudoacacia). Strate herbacée très recouvrante, nitroclinophile à nitrophile, présentant l’aspect d’un ourlet prairial. La flore est caractérisée par la présence des espèces des stades antérieurs, qui peuvent subsister un temps en forêt (dette d’extinction). En outre, de nombreuses espèces hémisciaphiles pourront subsister longtemps sous le couvert, notamment les nitratophiles différentielles des Geranio robertiani-Fraxinenea excelsioris (Scamoni & H. Passarge 1959, H. Passarge 1968 (Alliaria petiolata, Galium aparine, Geranium robertianum, Geum urbanum, Sambucus nigra, Urtica dioica…).

Remarques

Deux alliances peuvent être retenues pour le moment. Elles pourraient être complétées par d’autres, dont le Polysticho setiferi-Corylion avellanae (Vanden Berghen 1969) O. Bolòs 1973 (Pirineos 108: 65) 1973 nom. illeg., qui correspondrait à des phases pionnières et transitoires des forêts non acidiphiles du sud-ouest, voire de l’Ouest de la France, constituées par des essences pionnières et nomades, avec une physionomie (dominance de Corylus avellana) et une composition floristique rappelant celles des forêts d’éboulis et de ravin des Aceretalia pseudoplatani Moor 1976. La définition écologique et floristique de ce syntaxon ne semble pas claire, Rivas-Martinez et al. (2002) le mettant en synomymie avec le Pumonario longifoliae-Quercion roboris Rivas Mart. et al. 2002. Dans l’EVC, Mucina et al. (2016) ont retenu pour ces végétations d’autres choix que les nôtres. D’une part, une classe autonome des Robinietea Jurko ex Hadač et Sofron 1980 est retenue pour les végétations rudérales anthropogènes (avec notamment le Chelidonio majoris-Robinion pseudoacaciae Hadac & Sofron ex Vítková in Chytrý 2013), mais celle-ci rassemble à la fois des fourrés et des végétations arborées. D’autres part, l’Astrantio-Corylion avellanae Passarge 1978 est versé dans les fourrés des Crataego-Prunetea Tüxen 1962 nom. conserv. propos. in Mucina et al 2016. Il nous semble préférable d’un point de vue structural et floristique de placer au sein des Carpino betuli-Fagetea sylvaticae les végétations forestières anthropogènes et secondaires, dans la même logique que celle qui avait présidé à la création des Betulo pendulae-Populetalia tremulae Rivas-Martínez et Costa 2002. Par ailleurs, nous n’avons pas repris l’ordre des Betulo pendulae-Populetalia tremulae Rivas-Martínez et Costa 2002 du fait de son hétérogénéité floristique, écologique et syndynamique (il comporte aussi des boulaies de climax édaphique des Sphagno- Betuletalia Lohmeyer & Tüxen in Scamoni & H. Passarge 1959 et des boulaies pionnières acidiphiles des Lonicera periclymeni-Betuletalia pubescentis Willner & Mucina in Willner et al. 2016, traitées dans les Quercetea robori-petraeae Braun-Blanq. & Tüxen ex Braun-Blanq., Roussine & Nègre 1952). Quoi qu’il en soit, même si les choix des différents auteurs peuvent diverger et que les connaissances sont encore lacunaires sur ce type de végétation, il semble aujourd’hui indispensable de faire une place à part entière dans le synsystème phytosociologique à ces forêts secondaires, non seulement celles structurées par les essences pionnières et postpionnières autochtones, mais aussi par des espèces exotiques comme Robinia pseudoacacia.

Bibliographie

 Renaux B., Timbal J., Gauberville C., Thébaud G., Bardat J., Lalanne A., Royer J.-M. & Seytre L., 2019. Contribution au Prodrome des végétations de France : les Carpino betuli-Fagetea sylvaticae Jakucs 1967. Doc. phytosoc., série 3, 11 : 1-423. (Source)