8130-8 - Éboulis carbonatés alpins à Pensée de Lapeyrouse, des Pyrénées

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Habitat de l’étage alpin, colonisant les pierriers formés d’éléments fins silico-basophiles (schistes, calcschistes, granodiorites), pouvant se rencontrer à toute exposition, avec une légère préférence pour les soulanes.
Les pierriers sont assez mobiles, de pente moyenne, et restent longtemps enneigés, jusqu’au début de l’été en général.
Le microclimat régnant au sein de l’habitat est rude, très contrasté, en dehors de la longue période d’enneigement au cours de laquelle une protection est assurée par le manteau neigeux. L’habitat est le siège de phénomènes de cryoturbation et parfois de gélifluxion.
Des fractions fines constituant une matrice située à faible profondeur sous les débris rocheux facilitent la germination et l’enracinement des plantes, notamment des espèces annuelles.

Variabilité

L’habitat correspond à l’association à Pensée de Lapeyrouse [Violetum diversifoliae], avec : Gaillet à racines chevelues (Galium cometerrhizon), Alysson diffus (Alyssum diffusum), Androsace de Vitaliano (Androsace vitaliana), Céraiste des Alpes (Cerastium alpinum), Véronique nummulaire (Veronica nummularia)…
Une sous-association au caractère basophile plus accusé que celui de la sous-association typique a été reconnue : la sous-association à Pavot de Lapeyrouse (Papaver alpinum subsp. lapeyrousianum) [papaveretosum lapeyrousiani], riche en Ibéris spatulé (Iberis spathulata) notamment.

Physionomie, structure

Végétation basse au recouvrement moyen d’environ 40 %, atteignant 60 % au maximum.
La flore est dominée par des hémicryptophytes (la majorité des espèces) et des géophytes [comme la Renoncule à feuilles de parnassie (Ranunculus parnassifolius)], mais présente également comme thérophyte l’Ibéris spatulé.
Étant donné l’écologie particulière de l’habitat, les espèces se montrent très nettement spécialisées face aux contraintes du milieu (nature, granulométrie, mobilité, microclimat, phénomènes cryonivaux…). On y rencontre des espèces de pierriers stables longtemps enneigés : Pritzelago des Alpes (Pritzelago alpina), Saxifrage à feuilles opposées (Saxifraga oppositifolia)…, des espèces de pierriers plus mobiles : Ibéris spatulé, Linaire des Alpes (Linaria alpina), Renoncules à feuilles de parnassie… . Ces espèces lithophiles présentent diverses stratégies leur permettant de résister aux contraintes imposées par les mouvements se produisant au sein des pierriers. L’organisation morphologique et anatomique de leur système végétatif (notamment souterrain) permet à ces espèces lithophiles de suivre et de subir ou non, le mouvement des pierriers, d’où les diverses stratégies distinguées :
- stratégie migratrice : lithophytes migrateurs par allongement (Pavot de Lapeyrouse), lithophytes migrateurs par allongement et régénération [Gaillet à racines chevelues, Céraiste des Pyrénées (Cerastium pyrenaicum)], lithophytes indépendants [Ibéris spatulé, Galéopsis des Pyrénées (Galeopsis pyrenaica), Renoncule à feuilles de parnassie, Pensée de Lapeyrouse] ;
- stratégie sédentaire : lithophytes à système souterrain stabilisateur (Véronique nummulaire), lithophytes édificatrices à système aérien stabilisateur (Saxifrage à feuilles opposées, Androsace de Vitaliano).

Confusions possibles

Les éboulis siliceux alpins des Pyrénées à Séneçon à feuilles blanches (Senecio leucophyllus) [Senecionetum leucophylli, Senecionion leucophylli ; Code UE : 8130].
Les éboulis carbonatés subalpins et alpins à éléments fins, des Pyrénées, à Ibéris spatulé et Renoncule à feuilles de Parnassie [Iberidion spathulatae ; Code UE : 8130].
Les éboulis calcaires à Ancolie des Pyrénées (Aquilegia pyre- naica) et Dioscorée des Pyrénées (Borderea pyrenaica) [Aquilegio pyrenaicae-Bordereetum pyrenaicae ; Code UE : 8130], des Pyrénées centrales.
Les éboulis calcaires à Ancolie hirsutissime (Aquilegia viscosa subsp. hirsutissima) et Xatartie scabre (Xatartia scabra) [Aquilegio hirsutissimae-Xatardietum scabrae ; Code UE : 8130], des Pyrénées orientales.
Les éboulis calcaires à Linaire des Alpes et Minuartie à feuilles de céraiste (Minuartia cerastiifolia) [Linario alpinae-Minuartietum cerastifoliae ; Code UE : 8130].
Les éboulis carbonatés subalpins et alpins à éléments mobiles moyens à grossiers, des Pyrénées, à Crépide naine (Crepis pygmaea) [Crepidetum pygmaeae ; Code UE : 8130], d’écologie différente.

Dynamique

Cet habitat provient de la colonisation de pierriers de schistes et de calcschistes à éléments fins, enrichis en fractions terreuses fines. Il est relativement permanent tant qu’un équilibre s’établit entre les processus géomorphologiques (mobilité, phénomènes cryonivaux…) remaniant le milieu et la colonisation par les espèces végétales lithophiles spécialisées.
Les stations les moins mobiles permettent une colonisation de l’habitat par des espèces (glumales essentiellement) de pelouses rocailleuses, comme la Fétuque de Gautier (Festuca gautieri), l’Avoine des montagnes (Helictotrichon sedenense), le Gispet (Festuca eskia), espèces sociales entrant en concurrence avec les espèces lithophiles de l’habitat, pouvant à terme permettre l’installation d’un stade de pelouse [Codes UE : 6140 ; 6170].

Habitats associés ou en contact

Végétation chasmophytique des pentes rocheuses calcaires [Code UE : 8110].
Pelouses écorchées à Fétuque de Gautier [Festucion scopariae ; Code UE : 6170].
Pelouses pyrénéennes siliceuses à Gispet [Code UE : 6140].
Pelouses acidophiles à Nard (Nardus stricta) [Nardion strictae, Code UE : 6230*].
Pelouses calcaires à Élyne queue de souris (Kobresia myosuroides) [Code UE : 6170].
Pelouses calcaires mésophiles climaciques à Laîche courbe (Carex curvula) [Code Corine : 36.341].
Pelouses silicicoles alpines du Festucion supinae [Code Corine : 36.34].

Répartition géographique

Habitat endémique des Pyrénées centrales et orientales : des Hautes-Pyrénées aux Pyrénées-Orientales.

Valeur écologique et biologique

Habitat endémique de grande valeur écologique et biologique par les conditions très particulières du milieu et le nombre d’espèces spécialisées (voir types biologiques et stratégies dans le paragraphe « Physionomie, structure ») qu’il renferme. De nombreuses espèces, considérées comme relictes tertiaires et dont certaines sont de souche méditerranéenne, s’y sont adaptées et ont évolué isolément. Ainsi, le cortège floristique compte un fort pourcentage d’espèces endémiques : des Pyrénées, comme l’Ibéris spatulé, la Pensée de Lapeyrouse ; des Pyrénées-Orientales, comme le Pavot de Lapeyrouse, le Galéopsis des Pyrénées ; pyrénéo-cantabrique, comme la Véronique nummulaire, et pyrénéo-corse, comme le Gaillet à racines chevelues.
Une lacune persiste dans la connaissance de la faune associée à ce type d’habitat (faune du milieu souterrain superficiel notamment).

États de conservation

États à privilégier :
Stade optimal de l’habitat.

Autres états observables :
Stades appauvris et stades en voie de colonisation par des espèces pelousaires.

Tendances et menaces

L’habitat, bien que rare et n’occupant que des surfaces réduites, n’apparaît pas globalement très menacé dans les Pyrénées. Toutefois des menaces de destruction directe (créations de pistes, aménagement et extension de domaines skiables, piétinement et pâturage par les troupeaux, piétinement et bouleversement lors de randonnées, érosion…) et indirecte (dynamique naturelle faisant évoluer l’habitat vers des stades de pelouses, changement climatique global éventuel…) existent.

Axes de recherche

Réaliser l’étude systématique fine de plusieurs taxons de ces habitats ; préciser la répartition géographique de l’habitat. Réaliser les inventaires de la faune associée à cet habitat.
Il serait intéressant de faire un suivi à long terme de ces habitats afin de connaître leur évolution éventuelle lors d’un changement climatique global.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Herard-Logereau K., Van Es J. & Balmain C. (coord.), 2004. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 5 - Habitats rocheux. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 381 p. + cédérom. (Source)