3260-4 - Rivières à Renoncules oligo-mésotrophes à méso-eutrophes, neutres à basiques

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

L’habitat se rencontre aux étages submontagnard (assez rarement), collinéen et planitiaire. Il correspond à deux types géomorphologiques :
- cours d’eau développés sur roches mères calcaires ou marneuses, avec un type particulier sur craie, avec fréquemment une alimentation par résurgences sur roches mères basiques ;
- cours d’eau phréatiques en zone basique à neutre développés sur alluvions (tous les grands fleuves).
Ce sont des cours d’eau de taille moyenne, d’ordres 2 à 5, voire plus (bras morts et annexes des systèmes alluviaux), plutôt courants, permanents.
Les eaux sont oligo-mésotrophes à méso-eutrophes, à pH basique, à richesse variable en nitrates, à teneurs variables en orthophosphates et en ammonium.

Variabilité

Les facteurs de variabilité correspondent au type du cours d’eau, à son hydrodynamisme, à la trophie des eaux et à l’éclairement ; les différences éco-régionales sont peu marquées.

Variations selon l’importance du cours d’eau, son type, et, pour les systèmes alluviaux, la connexion au lit mineur et les possibilités ou non de servir de déversoir de crues
Dans les ruisseaux crayeux, on trouve des groupements à Berle dressée et à Catabrosa aquatique (Catabrosa aquatica), avec des incrustations calcaires fréquentes.
Les ruisseaux sur substrats résistants (durs), comme les ruisseaux phréatiques sont caractérisés par des groupements à Berle, à Groenlandia serrée, à Renoncule lâche et Renoncule aquatique.
Dans les rivières crayeuses, on trouve des groupements à Fausse renoncule flottante, Renoncules aquatique, lâche et divariquée, Ranunculus circinatus (faciès lents) dans ces rivières crayeuses, des incrustations calcaires (dues à l’activité de cyanobactéries) contribuent au colmatage des fonds.
Les rivières sur substrats durs et les rivières phréatiques présentent souvent de forts recouvrements de la forme submergée de la Berle, des Callitriches à fruits aplatis et à angles obtus (Callitriche platycarpa, Callitriche obtusangula).
Souvent, en systèmes alluviaux, les characées marquent les arrivées d’eau phréatique plus oligotrophe. À l’inverse, des « filtrats » provenant du cours principal des cours d’eau souvent plus eutrophes peuvent déterminer une eutrophisation localisée.
Dans les grandes rivières, les Renoncules submergées, les Myriophylles et les Potamots dominent.
Parfois, lorsque le courant est moyennement lent, des situations de proliférations de Renoncules (Fausse renoncule flottante dans le Tarn, mélange de Renoncules, voire de leurs hybrides dans les rivières crayeuses) peuvent être observées.

Variations selon l’importance du courant
En zones courantes, on observe des rhéomorphoses de nombreux taxons et plus de bryophytes.
En systèmes plus lents, les pleustophytes (végétaux libres flottants) sont plus abondantes : Petite lentille d'eau, Lentille d'eau à trois lobes, Spirodèle à plusieurs racines (Lemna minor, Lemna trisulca, Spirodela polyrhiza), et des espèces ancrées lentiques dominent : Myriophylle verticillé (Myriophyllum verticillatum), Potamots luisant (Potamogeton lucens) et nageant (Potamogeton natans), Nénuphar jaune (Nuphar lutea) et Renoncule divariquée ; une variante de rivières lentes à Rubanier simple (Sparganium emersum) est fréquente.

Variations selon le degré trophique (et le pH)
Il existe une variante oligo-mésotrophe à Berle seule ou à Groenlandia serrée.
Trois variantes méso-eutrophes de cours d’eau moyens correspondent à la dominance de la Berle avec pénétration du Callitriche à angle obtus, à la codominance de ces deux espèces, à des groupements à Callitriche à angles obtus et Cresson de fontaine (Nasturtium officinale), avec pénétration des Potamots (autres que le Potamot coloré) et de la Zannichellie (Zannichellia palustris). La bryophyte Amblystegium riparium est fréquente, dès que le milieu physique permet son développement.
Une variante neutrophile associant la Renoncule peltée (Ranunculus peltatus) et le Callitriche en crochet (Callitriche hamulata) et des espèces basiclines a été décrite.
Une variante méso-eutrophe existe dans les cours d’eau plus importants avec les Potamots perfolié (Potamogeton perfoliatus) et crépu (Potamogeton crispus), la Sagittaire à feuilles en flèche (Sagittaria sagittifolia) et la Lentille gibbeuse (Lemna gibba).

Variations selon l’éclairement
Dans les milieux éclairés, il y a dominance des phanérogames aquatiques et/ou pénétration des hélophytes et amphiphytes des cressonnières et roselières.
Dans les milieux ombragés, les phanérogames forment des herbiers moins denses et les bryophytes se développent sur substrats grossiers.

Physionomie, structure

La végétation est dominée par des phanérogames, avec assez peu de développement de bryophytes. Ces groupements sont souvent très recouvrants, avec des formes de courant des Potamots, de la Berle et des amphiphytes. Des différences de végétalisation selon les faciès d’écoulement sont assez visibles. Deux physionomies assez différentes correspondent à la dominance de la Berle ou des Renoncules et des Potamots.
Quatre strates végétales peuvent coexister :
- la strate basse couchée est souvent absente ou très restreinte, hormis dans les zones amont, très courantes ou ombragées ;
- la strate submergée est très développée lorsque l’éclairement est suffisant ;
- une strate flottante constituée des feuilles flottantes des Renoncules, des Callitriches, du Rubanier simple, de la Sagittaire, du Nénuphar jaune, des Potamots, des Lentilles ;
- une strate émergée correspond aux formes émergées des hélophytes amphibies (Sagittaire, Rubanier, Berle) et aux hélophytes transgressifs des cressonnières et des roselières.

Confusions possibles

Les confusions ne sont possibles qu’au sein de l’habitat générique en raison du continuum trophique existant dans les réseaux hydrographiques. La confusion concerne :
- les milieux oligotrophes (habitat 3260-2), surtout lorsqu’ils sont peu recouvrants et que Chara hispida et le Potamot coloré y sont rares et la Berle dressée bien développée ;
- les groupements eutrophes développés dans les mêmes conditions hydrologiques (habitat 3260-5) dominés par le Callitriche à angles obtus, la Zannichellie des marais, les Élodées (Elodea canadensis et Elodea callitrichoides) et les Cératophylles (Ceratophyllum demersum et C. submersum), ainsi que par les groupements d’algues filamenteuses eutrophes (Cladophora sp., Stigeoclonium sp., Hydrodyction reticulatum).
- les milieux eutrophes d’aval (habitat 3260-4), caractérisés par la Renoncule flottante (Ranunculus fluitans) et le Potamot pectiné (Potamogeton pectinatus). L’habitat 3260-4 est caractérisé par l’absence ou la rareté de Myriophyllum spicatum et de Potamogeton pectinatus, P. lucens et P. crispus.

Dynamique

Spontanée :
Normalement, l’habitat est assez stable en variations interannuelles, car régulé par le cycle hydrologique annuel. En revanche, le cycle saisonnier est très marqué, déterminé par celui des Renoncules.
Normalement, l’habitat est assez stable lorsque l’alimentation phréatique est régulière ou lorsque l’habitat correspond au cours d’eau principal ou y est régulièrement connecté.
En cas de déconnexion du cours principal, ou de baisse importante du niveau d’eau, les groupements mésotrophes peuvent être remplacés par des groupements eutrophes.
Naturellement, la possibilité de piégeage de sédiments et de colonisation par les hélophytes (Rubaniers, Berle et Roseaux) dans les zones les moins profondes peut entraîner des changements localisés mais parfois importants de la morphologie du lit et l’exondation.
En conditions éclairées, l’absence d’entretien physique du milieu peut se traduire par un envahissement par des hélophytes (Rubaniers, Laiches et Roseaux). La colonisation ligneuse des berges ou un contexte forestier peuvent induire la création d’embâcles et la régression, voire la disparition des groupements de l’habitat.
Il existe des relations dynamiques en fonction des différents facteurs (qualité de l’eau, éclairement, profondeur, vitesse de courant, importance relative du cours d’eau) entre les groupements de ce type d’habitat et les groupements stagnophiles (potamophiles) et/ou eutrophes qui leur succèdent vers l’aval, ainsi qu’avec les groupements des marges.

Liée aux activités humaines :
- Entretien physique du milieu
Le nettoyage des berges, éclairant le lit, peut favoriser des proliférations de Renoncules.
Le curage crée une ouverture dans le tapis végétal, reprend des sédiments et le phosphore qu’ils contiennent. Cela se traduit par une prolifération algale, puis une recolonisation parfois rapide et proliférante de Renoncules. Des communautés eutrophes peuvent s’installer, et, en cas de qualité d’eau limite, perdurer ; si la qualité d’eau est correcte, un retour vers des groupements mésotrophes (optimaux) est possible.
Le faucardage entraîne des alternances de réduction drastique des recouvrements, des proliférations algales, une recolonisation végétale ; réalisé au printemps, le faucardage relance la crois- sance des Renoncules.
- Modifications hydrauliques
La coupure des annexes hydrauliques du cours principal du fleuve peut avoir un effet positif (maintien de conditions plus oligotrophes). Toutefois, dans la majorité des cas, le confinement se traduit par une eutrophisation importante, accrue par une sédimentation souvent accélérée d’origine essentiellement biogène.
L’enfoncement de la nappe phréatique (lié aux pompages ou au surcreusement du lit mineur) se traduit par une moindre hydraulicité des rivières phréatiques et une régression des communautés aquatiques des annexes hydrauliques.
Les barrages altèrent les conditions d’écoulement en créant des retenues d’où disparaîtront les espèces rhéophiles : on a transformation de groupements du Ranunculion aquatilis et du Batrachion fluitantis en groupements du Nymphaeion albae et du Potamion pectinati. Par ailleurs, en écrêtant les crues, ils limitent leurs effets abrasifs et peuvent ainsi favoriser des proliférations végétales d’espèces opportunistes, comme Ranunculus penicillatus subsp. pseudofluitans dans le Tarn. Enfin, dans les zones d’éclusée, les barrages modifient la qualité de l’eau et sont sources d’eutrophisation.
- Altérations de la qualité de l’eau
Les échanges nappe-rivières étant importants, l’eutrophisation est fréquente. Elle se traduit par une élimination des espèces mésotrophes et l’intrusion d’espèces eutrophes (Ranunculus fluitans, Myriophyllum spicatum et surtout Potamogeton pectinatus). Il y a possibilité de réversibilité pour retrouver les groupements mésotrophes ou méso-eutrophes, lorsqu’il y a amélioration de la qualité de l’eau par traitement des rejets ponctuels ou par décapage des sédiments eutrophes.

Habitats associés ou en contact

Habitats associés :
Rivières à Truites (Cor. 24.12) et ruisseaux pro-parte (Cor. 24.11), mais aussi zones à Ombre, voire à Barbeau (Cor. 24.13 et 24.14).

Habitats en contact :
Ces groupements succèdent aux groupements oligotrophes d’amont (habitat 3260-2) et sont remplacés vers l’aval par les groupements eutrophes, avec élimination des petites Renoncules et de la Berle (habitat 3260-4) ; en cas de forte eutrophisation, ils sont remplacés par les groupements eutrophes amont et médians (habitat 3260-5).
Biefs dominés par des éléments du Nymphaeion albae (Cor. 22.431) et du Potamion pectinati (UE 3150).
Herbiers frangeants des cressonnières et glycériaies, groupements à Myosotis des marais (Myosotis gr. scorpioides), groupements à Ache nodiflore (Apium nodiflorum) (Cor. 53.4) ; roselières et cariçaies (phalaridaies, cariçaies à Laiche terminée en bec, Carex rostrata, et Laiche paniculée, Carex paniculata, Cor. 53.14, 53.16, 53.214, 53.216).
Prairies humides eutrophes (Cor. 37.2) et prairies à grandes herbes (Cor. 37.1).
Mégaphorbiaies eutrophes (UE 6430).
Forêts alluviales (surtout pour les rivières phréatiques) : saulaies blanches (UE 91E0*), peupleraies noires (UE 91E0*), peupleraies blanches (UE 92A0), aulnaies-frênaies (UE 91E0*), forêts mixtes des grands fleuves (UE 91F0).

Répartition géographique

Tous les massifs calcaires, marneux ou crayeux. Cet habitat existe sous une forme appauvrie essentiellement développée sur radiers et zones courantes dans certains cours d’eau marneux ou argileux. Il est bien développé dans les systèmes alluviaux du Rhin, du Rhône et de ses affluents, et localement de la Loire.

Valeur écologique et biologique

Habitat typique de rivières calcaires moyennement enrichies et des rivières phréatiques, il constituerait des linéaires importants, sous sa forme appauvrie.
Les espèces phanérogamiques sont assez communes, quoiqu’en forte régression (nombreuses Renoncules, certaines characées), notamment dans le nord-ouest de la France (où Ranunculus penicillatus subsp. pseudofluitans est protégée). Les cortèges bryophytiques restent à bien décrire, de même que les végétations de characées.
Ce sont des zones préférentielles de reproduction de la Truite fario (Salmo trutta fario) (pour les communautés amont), et, dans les milieux un peu plus importants, des zones de reproduction de la Truite de mer (Salmo trutta trutta) et du Saumon atlantique pour lesquels il existe des plans de restauration. Ce sont aussi des zones de reproduction du Brochet (Esox lucius) dans les bras morts alluviaux.
Enfin, il faut souligner l’importance des phénomènes de dénitrification et d’épuration dans les « champs d’inondation fonctionnels » et la nappe alluviale.

États de conservation

États à privilégier :
Les états à privilégier correspondent à des phytocénoses relativement courantes, avec des Renoncules en strate dominante, quelques bryophytes en strate dominée, et des populations de Berle pas trop envahissantes.

Autres états observables :
Il existe des phases pionnières de colonisation naturelle après crues importantes ou de recolonisation en cas d’entretien (curage « doux » de fossés, restauration de l’écoulement après enlèvement d’embâcle) : faciès à algues filamenteuses, à Renoncule divariquée ou à Groenlandia serrée.
L’envahissement par les amphiphytes, comme la Berle, lorsque l’assèchement est important, peut entraîner la disparition du groupement typique.
Dans les stades en voie d’eutrophisation, on observe des proliférations algales et/ou l’apparition du Callitriche à angles obtus, des Potamots crépu et pectiné et de la Renoncule flottante.

Tendances et menaces

Tendances évolutives :
Cet habitat est assez bien représenté. Il semble se dégrader néanmoins fortement dans certaines régions, avec une régression des Renoncules et une progression des communautés hélophytiques et algales.
L’évolution de l’habitat vers l’aval correspond naturellement à l’apparition de groupements (méso-)eutrophes.

Menaces potentielles :
Les menaces semblent assez importantes, bien que ces végétations aient une forte stabilité interne (notamment par rapport aux nitrates), ce qui a été observé en Grande-Bretagne.
Les ruptures de débit dues à des excès de pompage constituent une menace importante.
De fortes sédimentations défavoriseraient ces communautés (érosion des berges et des versants).
L’eutrophisation, et notamment l’enrichissement en orthophosphates, est le risque majeur de régression de ces communautés, avec une élimination des espèces oligotrophes ou mésotrophes, et notamment une régression des Renoncules aquatique, en cheveu et en pinceau, au-delà d’un certain seuil, et le remplacement par des espèces polluo-tolérantes. Cette régression est patente dans les zones d’agriculture intensive (Ried, zones alluviales du Rhône et de la Loire, Picardie). L’eutrophisation est également imputable aux rejets domestiques, aux piscicultures, aux débordements des cours d’eau principaux, plus eutrophes, et parfois à des pollutions minières (sel des mines des Potasses d’Alsace sur le Rhin).
Des proliférations algales peuvent intervenir lors des éclairages brutaux de la rivière ou lorsqu’il y a des travaux physiques dans le lit : curage, recalibrage.
L’aménagement physique du lit (canalisation), ne permettant plus une épuration des eaux au travers de la nappe alluviale, est un facteur de régression de l’habitat.
Les introductions d’espèces allochtones proliférantes peuvent déséquilibrer la communauté (surtout pour les faciès lents) : Myriophylle du Brésil (Myriophyllum aquaticum), Jussies (Ludwigia spp.), Élodée dense (Egeria densa). Les Élodées (Elodea canadensis, E. nuttallii, E. callitrichoides) sont des colonisateurs potentiels de ces milieux mésotrophes.

Potentialités intrinsèques de production

Faibles potentialités : pêche professionnelle réduite, mais halieutisme important, notamment dans les rivières à Saumon et Truite de mer.
Zones d’implantation des piscicultures. Ressources en eau.

Axes de recherche

La typologie et la distribution de ces communautés restent à préciser. En raison des différences de fonctionnement, il pourrait s’avérer nécessaire de bien distinguer les communautés à déterminisme phréatique alluvial de celles qui correspondent à des cours d’eau calcaires ou crayeux, et notamment leurs communautés de bryophytes.
Comme pour les phytocénoses acidiclines, des recherches cognitives restent à entreprendre sur la distribution exacte des différentes Renoncules et de leurs hydrides et sur le déterminisme comparé de leur distribution. Un état des lieux des populations et un examen des causes de régression des Renoncules sont à réaliser rapidement.
Le rôle exact des macrophytes dans le concrétionnement calcaire reste à élucider, celui des cyanobactéries est à quantifier.
Pour établir l’état trophique de l’habitat, il faudra :
- préciser les indices macrophytiques ;
- établir les rôles respectifs du milieu physique et de la qualité de l’eau dans la distribution des phytocénoses.
Pour une gestion conservatoire, des expérimentations sont à entreprendre pour quantifier l’effet exact du nettoyage des cours d’eau sur les composantes biotiques et abiotiques de l’habitat.
Le déterminisme et les modes de gestion des proliférations végétales restent à étudier.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)