6170-11 - Pelouses calcicoles orophiles méso-xérophiles du Jura et des Alpes sur sols décalcifiés en surface

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étage subalpin (1300-1700 m dans le Jura), seul massif où l’habitat ait été à ce jour clairement identifié.
Pentes faibles (voire nulles) à moyennes (30° maximum), préférentiellement aux expositions chaudes, mais pouvant aussi se rencontrer en ubacs.
Substrat calcaire ou marno-calcaire.
Sol de type rendzine brunifiée, riche en terre fine en surface, plus ou moins acide et décalcifiée (pH 5-6,3, représentatif d’un mull mésotrophe), devenant graveleux et caillouteux en profondeur.
Microclimat édaphique marqué par le maintien d’une relative humidité en période estivale (au moins en profondeur).
En général soumis au pâturage.

Variabilité

Principalement en rapport avec le degré d’acidité du sol, conditionnant deux types principaux dans le Jura :
- sur sol faiblement acide (pH 5,9-6,3) : pelouse à Alchémille à folioles soudées et Seslérie bleuâtre [Alchemillo conjunctae-Seslerietum caeruleae], avec la Laîche toujours verte (Carex sempervirens);
- sur sol plus acide (pH 5-5,5) : pelouse à Plantain noirâtre et Laîche toujours verte [Plantagini atratae-Caricetum sempervirentis], avec l’Œillet de Montpellier (Dianthus hyssopifolius).

Ces types offrent eux-mêmes une forte variabilité (en particulier selon l’altitude, le degré d’humidité, l’impact pastoral) sous forme de sous-associations, variantes ou faciès divers :
- au sein de l’Alchemillo conjunctae-Seslerietum caeruleae : pelouses à l’état optimal, à Brunelle vulgaire (Prunella vulgaris) [subass. prunelletosum vulgaris], pouvant, sous l’effet du pâturage, présenter une variante plus eutrophe à Céraiste vulgaire (Cerastium fontanum subsp. vulgare) ; pelouses des zones culminales (vers 1700 m), souvent sur replats en bordure de falaises, à Buplèvre fausse renoncule (Bupleurum ranunculoides) [subass. bupleuretosum ranunculoidis] ; pelouses à caractère plus anthropisé (tendance prairiale), souvent aux altitudes inférieures (au-dessous de 1500 m), à Euphorbe verruqueuse (Euphorbia flavicoma subsp. verrucosa) [subass. euphorbietosum verrucosae];
- au sein du Plantagini atratae-Caricetum sempervirentis : faciès sec à Lin purgatif (Linum catharticum) ; faciès plus frais à Fétuque noirâtre (Festuca nigrescens).

Physionomie, structure

Pelouses denses et le plus souvent fermées (recouvrement compris entre 80 et 100 %).
Disposition en gradins inexistante ou très faiblement marquée.
Composition floristique relativement riche et diversifiée, à large prédominance d’hémicryptophytes (Graminées cespiteuses principalement et Légumineuses).
Présence éventuelle de ligneux bas, chaméphytes [essentiellement des Éricacées : Myrtille (Vaccinium myrtillus), Airelle rouge (Vaccinium vitis-idaea)] ou nanophanérophytes [Alisier nain (Sorbus chamaemespilus), Genévrier nain (Juniperus sibirica)] ainsi que de rares représentants arborés, alors à l’état très disséminé (Épicéa, Picea abies).

Confusions possibles

Éventuellement, pour les stations les plus fraîches, avec les pelouses orophiles méso-hygrophiles à Laîche ferrugineuse (Carex ferruginea)[Caricetum ferrugineae ; Caricion ferugineae, code UE : 6170], mais ces dernières s’en différencient par un caractère prairial nettement marqué, dû à l’abondance en espèces de plus grande dimension (ex. : Pulsatille des Alpes, Pulsatilla alpina ; Anémone à feuilles de narcisse, Anemone narcissifolia ; etc.).

Dynamique

Spontanée :
Évolution potentielle vers une reforestation progressive (réimplantation spontanée de l’Épicéa), par l’intermédiaire d’une lande à Éricacées, dont les éléments précurseurs (Myrtille, Airelle rouge) sont déjà présents à l’état plus ou moins disséminé dans diverses stations (cf. « Physionomie, structure »).

Liée à la gestion :
En règle générale, dynamique naturelle contrariée par le pâturage conférant à ces pelouses un caractère quasi permanent.
Sous l’effet de ce facteur, tendance à une lente évolution vers les nardaies [Nardion strictae, code UE : 6230*], principalement dans les micro-dépressions.

Habitats associés ou en contact

Rochers à Potentille caulescente (Potentilla caulescens) [Potentillion caulescentis, code UE : 8210].
Éboulis à Rumex à écussons (Rumex scutatus) [Scrophularion juratensis, code UE : 8120].
Divers autres types de pelouses orophiles méso-xérophiles à Seslérie bleuâtre [Drabo aizoidis-Seslerienion et Seslerienion caeruleae, code UE : 6170].
Divers types de pelouses orophiles mésophiles à Pulsatille des Alpes et Anémone à feuilles de narcisse [Caricion ferrugineae, code UE : 6170].
Pelouses acidiphiles à Nard raide (Nardus stricta) [Nardion strictae, code UE : 6230*].
Landes à Éricacées [Rhododendro ferruginei-Vaccinietalia microphylli, code UE : 4060] et pessières [code UE : 9410].

Répartition géographique

Haut Jura, principalement secteur occidental : chaîne du Reculet-Crêt de la Neige.
Vraisemblablement Alpes du nord, mais sous des types encore non décrits (à rechercher).

Valeur écologique et biologique

Habitat assurant la transition à la fois vers les pelouses mésophiles acidiclines du Mesobromion erecti [code UE : 6210*] et du Caricion ferrugineae [code UE : 6170], ainsi qu’avec celles acidiphiles du Nardion strictae [code UE : 6230*], d’où une composition floristique riche et diversifiée.
Susceptible d’abriter des stations de l’Œillet superbe (Dianthus superbus), espèce protégée au plan national (présente en Suisse dans ce type d’habitat : mont Tendre).
Relativement riche en orchidées protégées (convention de Washington) : Gymnadénie moucheron (Gymnadenia conopsea), Orchis globuleux (Traunsteinera globosa), Coeloglosse verdâtre (Coeloglossum viride).
Diverses espèces à cueillette susceptible d’être réglementée : Œillet de Montpellier, Lis martagon (Lilium martagon), Gentiane jaune (Gentiana lutea).

États de conservation

États à privilégier :
Pelouses à l’état fermé et optimal, aux altitudes moyennes (1 500-1 600 m), en stations chaudes et suffisamment pentues (pentes supérieures à 15°), soumises à un pâturage modéré.
Autres états observables :
Stade pionnier ouvert (particulièrement pour les pelouses à Plantain brunâtre et Laîche toujours verte), au recouvrement souvent inférieur à 50 %, s’apparentant aux pelouses sur litho-sols du Drabo aizoidis-Seslerienion caeruleae [code UE : 6170], avec la Drave faux aïzoon (Draba aizoides), la Joubarbe des toits (Sempervivum tectorum) et nombreux Orpins (genre Sedum).

Tendances et menaces

Type d’habitat non menacé dans les conditions actuelles, compte tenu du maintien d’une pression pastorale modérée.
Sa transformation pourrait résulter, soit de la cessation du pâturage (évolution à l’état de lande et stades préforestiers), soit au contraire de son intensification (évolution vers les nardaies).

Potentialités intrinsèques de production

Malgré la grande diversité des espèces qui composent le tapis végétal (Graminées et Légumineuses), la valeur pastorale reste relativement faible.

Axes de recherche

Les références en matière de gestion sur cet habitat sont rares : l’impact du pâturage sur cet habitat serait une piste de recherche intéressante à envisager.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 1. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 445 p. + cédérom. (Source)