6210-15 - Pelouses calcicoles mésophiles de l'Est

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étage montagnard (jusque vers 1300 m), plus rarement étages planitiaire et collinéen.
Climat à tendance semi-continentale ou précontinental.
Situation topographique variée : pentes plus ou moins fortes, souvent en bas de pente, plateaux, très rarement terrasses alluviales.
Expositions variées, mais plus rarement au sud.
Roches mères : calcaires, marnes, plus rarement graviers et sables calcaires alluviaux.
Sols souvent assez épais, souvent sur colluvions, surtout de type brun calcaire, également rendzines colluviales, sol brun calcique, sol brun à pellicule calcaire.
Pelouses fauchées et systèmes pastoraux extensifs liés au pâturage bovin plus rarement ovin (surtout au dix-neuvième siècle).

Variabilité

Cet habitat est largement répandu dans le quart nord-est et de fait assez variable en fonction de la géographie et des étages climatiques, mais aussi en fonction du substrat.

Variations de type géographique :
- Bourgogne, Lorraine, Champagne-Ardenne, Haute-Saône, Jura (étages collinéen et montagnard inférieur), pelouse à Esparcette à feuilles de vesce et Brome dressé (Onobrychido viciifoliae-Brometum erecti), avec souvent l’Esparc ette à feuilles de vesce (Onobrychis viciifolia), la Sauge des prés (Salvia pratensis), la Campanule agglomérée (Campanula glomerata) ;
- Jura, étage montagnard (à partir de 800 m) : pelouse à Gentiane printanière et Brome dressé (Gentiano vernae-Brometum erecti), avec plus de vingt espèces montagnardes dont la Gentiane printanière (Gentiana verna), la Scabieuse luisante (Scabiosa lucida), la Renoncule des montagnes (Ranunculus montanus), la Laîche des montagnes (Carex montana), le Crocus printanier (Crocus vernus), l’Alchémille à tige filiforme (Alchemilla filicaulis) et en abondance l’Avoine des prés (Avenula pratensis) et l’Agrostide capillaire (Agrostis capillaris).

Principales variations de type édaphique :
- sur terrasses alluviales calcaréo-argileuses (vallées de la Meuse, de la Saône, de la Marne et affluents), pelouse à Scabieuse des prés et Brome dressé (Scabioso pratensis-Brometum erecti) avec le Peucédan à feuilles de carvi (Peucedanum carvifolium), la Scabieuse des prés (Scabiosa columbaria subsp. pratensis);
- sur sols moins profonds à l’étage montagnard inférieur du Jura, variante à Centaurée scabieuse (Centaurea scabiosa);
- sur sols moins profonds à l’étage montagnard supérieur du Jura : groupement à Céraiste raide (Cerastium arvense subsp. strictum) et Fétuque lisse (Festuca laevigata), avec la Sarriette des Alpes (Acinos alpinus), apparenté au Gentiano vernae-Brometum erecti, mais plus ouvert ;
- sur marnes humides, à l’étage montagnard du Jura, variante à Parnassie des marais (Parnassia palustris) du Gentiano vernae-Brometum erecti avec l’Herminion à un tubercule (Herminium monorchis).

Physionomie, structure

Pelouses élevées à mi-rases, en général très recouvrantes, dominées par les hémicryptophytes, surtout le Brome dressé.
Parfois une strate arbustive constituée souvent du Noisetier (Corylus avellana), du Frêne (Fraxinus excelsior) et de divers Chèvrefeuilles et Rosiers.
Diversité floristique importante avec deux pics de floraison (avril-juin et août-octobre).

Confusions possibles

Avec des pelouses mésophiles vicariantes dans les régions de contact [Code UE : 6210].
Avec des pelouses marnicoles développées en contact ou à proximité [Code UE : 6210].
Avec des prairies calcicoles mésophiles pâturées ou fauchées qui dérivent souvent de ce groupement [Code UE : 6510].

Dynamique

Végétation secondaire liée à la déforestation, dérivant parfois de pelouses plus oligotrophes par fertilisation modérée.

Spontanée :
Après l’abandon de la fauche ou du pâturage, densification rapide du tapis graminéen (Brachypodium pinnatum, Bromus erectus, Dactylis glomerata), formation d’une litière sèche et dense, réduction de la diversité floristique, passage à la pelouse-ourlet (Coronillo variae-Brachypodietum pinnati, étage collinéen). Ce phénomène est plus rapide que pour les autres pelouses régionales, en liaison avec un sol souvent plus épais.
Parallèlement, implantation de fruticées à Noisetier par noyaux à partir d’arbustes isolés (ou par front lorsque la pelouse côtoie une forêt) ; les feuillus et les résineux (étage montagnard) s’installent à la suite.
À moyen terme on obtient une accrue forestière diversifiée en espèces calcicoles (quelques décennies). Cette dernière évolue soit vers une chênaie pédonculée-frênaie calcicole (étage collinéen), soit vers une hêtraie calcicole (Jura, étage montagnard inférieur), soit vers une hêtraie-sapinière (Jura, étage montagnard supérieur).

Liée à la gestion :
Passage à des prairies calcicoles pâturées plus fertiles (Cynosurion cristati) par intensification du pâturage, généralement accompagnée d’amendements accrus.
Passage à la prairie fauchée mésophile à Fromental élevé (Arrhenatherum elatius) ou à Trisète jaunâtre [Dauco carotae-Arrhenatheretum elatioris, Polygono bistortae-Trisetion flavescentis] par la fauche et la fertilisation accrue.

Habitats associés ou en contact

Pelouses mésoxérophiles (Teucrio montani-Mesobromenion erecti) et acidoclines (Chamaespartio sagittalis-Agrostidenion capillaris).
Pelouses acidophiles, à l’étage montagnard (Nardion strictae).
Pelouses-ourlets à Sécurigère bigarrée (Securigera varia), à Vesces diverses et Brachypode penné (Brachypodium pinnatum).
Manteaux arbustifs préforestiers à Noisetier (Corylus avellana), Frêne (Fraxinus excelsior), Chèvrefeuilles (Lonicera) et Rosiers (Rosa) divers (dont Rosa vogesiaca) (plusieurs variantes).
Chênaies pédonculées-frênaies calcicoles. Hêtraies et hêtraies-sapinières calcicoles (Jura). Prairies de fauche calcicoles (Arrhenatherion elatioris). Prairies pâturées calcicoles (Cynosurion cristati).

Répartition géographique

Chaîne du Jura : étages collinéen et montagnard. Plateaux jurassiques et triasiques du nord-est de la France depuis les Ardennes et la Moselle jusqu’à la Côte d’Or ; présence probable dans l’Yonne et la Nièvre. Vallée de la Saône. Ardenne calcaire (calcaires primaires). Calestienne (extrémité orientale du département du Nord). Présence possible : vallée du Rhin.

Valeur écologique et biologique

Habitat encore bien représenté dans la chaîne du Jura avec des surfaces significatives dans le montagnard supérieur (par exemple le mont-d’or).
Habitat très rare et presque disparu à l’étage planitiaire et à l’étage collinéen sauf en Lorraine ; ces pelouses occupant des sols fertiles à assez fertiles, elles ont été valorisées en premier lors de la reconquête agricole des années 50.
Diversité floristique très élevée avec une grande richesse en Orchidées, certaines peu communes comme Herminium monorchis, Ophrys apifera var. friburgensis, Ophrys apifera subsp. botteronii.
Richesse régionale maximale avec les pelouses marnicoles.
Microtaxons : Scabieuse des prés (Scabiosa columbaria subsp. pratensis).
Diversité entomologique très forte (grande variété des Orthoptères, des Rhopalocères).

États de conservation

États à privilégier :
Pelouse mi-rase à élevée ; cette structure est obtenue par un pâturage extensif bovin (plus rarement moutons ou chevaux, sauf chevaux lourds), sans fertilisation ni amendement complémentaires (Jura).
Pelouse élevée fauchée, ni fertilisée, ni amendée de façon complémentaire.
Pelouse mi-rase à élevée piquetée de broussailles (pré-bois), étage montagnard supérieur ; cette structure est obtenue par un pâturage intermittent.

Tendances et menaces

L’habitat est actuellement quasi disparu sauf dans les Ardennes et surtout dans le Jura où il se maintient relativement bien.
Habitat autrefois répandu dans le Nord-Est, en réduction spatiale continue depuis le milieu du siècle avec une très forte accélération vers 1955 : surtout mise en culture (parfois liée aux remembrements), également utilisation intensifiée avec des fertilisants (transformation en prairie plus luxuriante), plus rarement, sauf dans le Jura, reforestation naturelle après abandon.
Utilisation pour les loisirs : pique-nique avec feux, moto verte, véhicules tout terrain.

Potentialités intrinsèques de production

Il s’agit d’une pelouse maigre, dominée par le Brome dressé ou éventuellement le Brachypode, et qui peut être pâturée et non uniquement fauchée. La pâture se pratique à des altitudes plus importantes que celles de la fauche.
Les rendements fourragers sont faibles.
Cette pelouse est liée à l’application de pratiques culturales extensives ou peut provenir de l’amélioration d’autres groupements aux valeurs fourragères moindres.

Axes de recherche

Effet des fauches sur le Brachypode.
Impacts du pâturage par un troupeau mixte sur l’ensemble de l’année dans un objectif de remise en état d’un milieu embroussaillé.
Examiner les différences d’impact sur l’habitat, selon les espèces qui pâturent.
Étudier la période optimale de la fauche par rapport au maintien de la biodiversité.
Réfléchir à des indicateurs botaniques permettant de fixer des repères pour la période de fauche, fixer des dates dans un cahier des charges étant trop aléatoire d’une année à l’autre.
Seuils de fertilisation induisant un changement d’habitat, à préciser, à l’échelle du site.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 2. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 487 p. + cédérom. (Source)