6210-17 - Pelouses calcicoles acidiclines de l'Est

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étage montagnard (jusque vers 1300 m), plus rarement étage collinéen.
Climat à tendance semi-continentale ou précontinental.
Situation topographique peu variée : surtout plateaux (notamment dépressions des plateaux), plus rarement pentes peu accusées, bas de pente, rarement pentes assez fortes (sur marnes, étage montagnard).
Expositions variées, mais plus rarement au sud.
Roches mères : calcaires, marnes.
Sols souvent assez épais, acidifiés, surtout de type brun calcique profond, brun évolué sur limon d’apport tendant vers le sol brun lessivé, sol brun à pellicule calcaire, sol brun polycyclique.
Systèmes pastoraux extensifs liés au pâturage bovin plus rarement ovin ; pelouses fauchées.

Variabilité

Cet habitat est assez répandu dans le quart nord-est ; il s’ensuit une assez grande variabilité, sensible au niveau géographique et au niveau des étages climatiques, mais également en liaison avec le substrat.

Variations de type géographique :
- Jura (étages collinéen et montagnard inférieur) : pelouse à Danthonie décombante et Brachypode penné (Sieglingio decumbentis-Brachypodietum pinnati), avec le Genêt d’Allemagne (Genista germanica), l’Ail élégant (Allium carinatum subsp. pulchellum), l’Orobanche grêle (Orobanche gracilis), la Brunelle laciniée (Prunella laciniata), le Trèfle pourpre (Trifolium rubens) ;
- plateaux jurassiques de Bourgogne (Saône-et-Loire, Côte-d’Or), de Haute-Saône, de Haute-Marne, des Vosges : pelouse à Sécurigère bigarrée et Brachypode penné (Coronillo variae-Brachypodietum pinnati subass. callunetosum vulgaris), très proche du précédent, mais sans l’Ail élégant, l’Orobanche grêle et le Genêt d’Allemagne ;
- Préalpes de Savoie (étage montagnard inférieur) : pelouse à Trèfle rouge et Brome dressé (Trifolio rubentis-Brometum erecti subass. callunetosum vulgaris), avec le Trèfle rouge (Trifolium rubens), la Porcelle maculée (Hypochoeris macula-ta), le Laser à larges feuilles (Laserpitium latifolium) ;
- Jura, étage montagnard (à partir de 800 m) : Pelouse à Renoncule des montagnes et Agrostide capillaire (Ranunculo montani-Agrostietum capillaris), avec en plus des espèces montagnardes dont la Renoncule des montagnes (Ranunculus montanus), le Narcisse à feuilles étroites (Narcissus angustifolius), la Gentiane jaune (Gentiana lutea), la Scabieuse luisante (Scabiosa lucida), la Laîche des montagnes (Carex montana), le Crocus printanier (Crocus vernus), ainsi que la Renoncule tubéreuse (Ranunculus tuberosus).

Principales variations de type édaphique :
- sur sols acidifiés épais, à l’étage montagnard et collinéen du Jura, enrichissement en espèces acidoclines, plusieurs variantes dont une à Filipendule vulgaire (Filipendula vulgaris) et Avoine des prés (Avenula pratensis) ;
- sur marnes fines, à l’étage montagnard supérieur du Jura, variante à Traunsteinera globuleux (Traunsteinera globosa) ;
- sur marnes, à l’étage montagnard inférieur du Jura, avec des espèces du Molinion dont le Gaillet boréal (Galium boreale) et le Pigamon faux-gaillet (Thalictrum simplex subsp. galioides) ;
- sur granites du Morvan, groupement à Trèfle souterrain (Trifolium subterraneum) et Scille d’automne (Scilla autumnalis).

Physionomie, structure

Pelouses denses, en général très recouvrantes, dominées par les hémicryptophytes, surtout Brachypodium pinnatum, Agrostis capillaris et Bromus erectus ; présence de nombreux chaméphytes (différents Genêts, Callune vulgaire).
Parfois une strate arbustive constituée souvent de Prunellier (Prunus spinosa), Noisetier (Corylus avellana), Genévrier commun (Juniperus communis), Aubépines et Rosiers divers.
Diversité floristique assez importante avec deux pics de floraison (avril-juin et août-octobre).

Confusions possibles

Avec des pelouses mésophiles vicariantes dans les régions de contact [Code UE : 6210].
Avec des pelouses marnicoles développées en contact ou à proximité [Code UE : 6210].
Avec des pelouses acidiphiles (Nardion strictae) développées en contact ou à proximité [UE : 6230].
Avec des prairies calcicoles mésophiles pâturées ou fauchées qui dérivent souvent de ces groupements (Code UE : 6510).
Avec des ourlets préforestiers développés à leur contact riches en divers Vicia et Trèfle intermédiaire (Trifolium medium).

Dynamique

Pelouses secondaires résultant de la déforestation.

Spontanée :
Après l’abandon de la fauche ou du pâturage, densification rapide du tapis graminéen (Brachypodium pinnatum, Bromus erectus, Agrostis capillaris) et des chaméphytes (Calluna vulgaris, divers Genista), formation d’une litière sèche et dense, réduction de la diversité floristique, passage à la pelouse-ourlet mosaïquée avec la lande basse. Ce phénomène est plus rapide que pour les autres pelouses régionales, en liaison avec un sol souvent plus épais.
Parallèlement, implantation de fruticées à Noisetier, Aubépines et Prunellier par noyaux à partir des arbustes isolés (ou par front lorsque la pelouse côtoie une forêt). Les feuillus et les résineux (étage montagnard) s’installent à la suite.
À moyen terme, on obtient une accrue forestière diversifiée en espèces (quelques décennies). Cette dernière évolue soit vers une chênaie sessiliflore-(hêtraie)-charmaie acidicline (étage collinéen), soit vers une hêtraie acidicline (Jura, étage montagnard inférieur), soit vers une hêtraie-sapinière acidicline (Jura, étage montagnard supérieur).

Liée à la gestion :
Passage à des prairies acidiclines pâturées plus fertiles (Cynosurion cristati) par intensification du pâturage, généralement accompagnée d’amendements accrus.
Passage à la prairie fauchée mésophile à Fromental élevé ou à Trisète jaunâtre (Arrhenatherion elatioris, Polygono bistortae-Trisetion flavescentis) par la fauchaison et la fertilisation accrue.

Habitats associés ou en contact

Pelouses mésoxérophiles (Teucrio montani-Mesobromenion erecti) et mésophiles (Eu-Mesobromenion erecti) ; pelouses acidiphiles, à l’étage montagnard (Nardion strictae).
Landes basses à Genêts, à Callune, à Myrtille.
Pelouses-ourlets à Vesces diverses, Laser à larges feuilles (Laserpitium latifolium), Trèfle intermédiaire (Trifolium medium), Brachypode penné (Brachypodium pinnatum), ce dernier très abondant ; manteaux arbustifs préforestiers à Prunellier (Prunus spinosa), Noisetier (Corylus avellana), Genévrier commun (Juniperus communis), Aubépines (Crataegus) et Rosiers (Rosa) divers (plusieurs variantes).
Chênaies-(hêtraies)-charmaies acidiclines.
Hêtraies et hêtraies-sapinières acidiclines (Jura).
Prairies de fauche calcicoles (Arrhenatherion elatioris, Polygono bistortae-Trisetion flavescentis).
Prairies pâturées calcicoles (Cynosurion cristati).

Répartition géographique

Chaîne du Jura : étages collinéen et montagnard.
Plateaux jurassiques du nord-est de la France depuis la Lorraine jusqu’à la Saône-et-Loire ; présence probable dans l’Yonne et la Nièvre.
Ardenne calcaire (calcaires de l’ère primaire).
Morvan.
Préalpes de Savoie (Grande Chartreuse).

Valeur écologique et biologique

Habitat encore bien représenté dans la chaîne du Jura avec des surfaces significatives dans le montagnard supérieur (par exemple, les régions de Pontarlier et de Morez).
Habitat très rare et presque disparu à l’étage collinéen ; ces pelouses occupant des sols assez profonds, elles ont été valorisées à l’étage collinéen en premier lors de la reconquête agricole des années 50.
Diversité entomologique élevée (grande variété des Orthoptères, des Rhopalocères).

États de conservation

États à privilégier :
Pelouse dense ; cette structure est obtenue par un pâturage extensif bovin (plus rarement moutons ou chevaux, à l’exception des chevaux lourds), sans fertilisation ni amendement complémentaires.
Pelouse élevée piquetée de broussailles (pré-bois).
Pelouse élevée fauchée, ni fertilisée, ni amendée de façon complémentaire (situation maintenant exceptionnelle).

Tendances et menaces

Habitat est actuellement quasi disparu, excepté dans les Ardennes, la Lorraine et surtout dans le Jura où il se maintient relativement bien.
Habitat autrefois répandu dans le Nord-Est, en réduction spatiale continue depuis le milieu du siècle avec une très forte accélération vers 1955 : surtout mises en culture (parfois en liaison avec les remembrements), utilisation intensifiée avec des fertilisants (transformation en prairie plus luxuriante), enrésinements, plus rarement reforestation naturelle après abandon.
Utilisation pour les loisirs : pique-nique avec feux, moto verte, véhicules tout terrain.

Potentialités intrinsèques de production

Pelouses denses dominées par les hémicryptophytes (Brachypode penné, Agrostide vulgaire, Brome dressé) et avec la présence de chaméphytes (Genêts, Callune).
Elles offrent une bonne qualité de fourrage (richesse en oligoéléments et azote fourni par les petites légumineuses), maintenue par une utilisation régulière (fauche ou pâturage) et qui se dégrade après abandon.
Elles sont généralement pâturées de manière extensive par des bovins, plus rarement ovins, mais peuvent également être fauchées.

Axes de recherche

Effet des fauches sur le Brachypode.
Impacts du pâturage par un troupeau mixte sur l’ensemble de l’année dans un objectif de remise en état d’un milieu embroussaillé.
Examiner les différences d’impact sur l’habitat, selon les espèces qui pâturent.
Étudier la période optimale de la fauche par rapport au maintien de la biodiversité.
Réfléchir à des indicateurs botaniques permettant de fixer des repères pour la période de fauche, fixer des dates dans un cahier des charges étant trop aléatoire d’une année à l’autre.
Seuils de fertilisation induisant un changement d’habitat, à préciser, à l’échelle du site.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 2. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 487 p. + cédérom. (Source)