6210-19 - Pelouses calcicoles mésophiles acidiclines du Massif central et des Pyrénées

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étages collinéen supérieur à montagnard (750-1300 m), avec un optimum vers 1000-1100 m.
Climat subatlantique montagnard, marqué par une pluviosité accentuée (1000 à 1200 mm de précipitations annuelles).
Situations topographiques : pentes très variables, nulles à fortes (0-30°) et de forme diverse.
Expositions variables selon les types, avec une préférence marquée pour les orientations chaudes à tempérées (ouest à sud-est) aux altitudes supérieures, et aux situations d’ubac à des altitudes plus basses.
Roches mères volcaniques surtout ultrabasiques à basiques (basaltes, leucobasaltes, trachyandésites), parfois acides (trachytes), de nature physique variable (laves, blocs, lapillis de cône ou provenant de saupoudrage, cendres), rarement roches cristallines.
Sols peu évolués, caractérisés sur les substrats volcaniques par les processus d’andosolisation, depuis les andosols jusqu’aux sols bruns andiques ; ces sols sont plus ou moins profonds, à texture sablo-limoneuse et à teneur assez élevée en matière organique, à pH légèrement acide (6 environ) mais bien pourvus en bases échangeables et rétentifs en eau ; humus de type mull, légèrement acidifié ; l’acidification est accentuée ici par un lessivage pluvial important.
Milieux secondaires hérités des traditions de parcours pastoraux extensifs et, dans certains secteurs, régulièrement soumis en eau ; dans certaines conditions (pentes raides exposées au midi), le caractère subprimaire des pelouses n’est pas impossible.

Variabilité

Diversité typologique principale selon les substrats et les bioclimats, pouvant être scindée en :

Un ensemble de pelouses acidiclines du Massif central, encore imparfaitement connues en dehors des édifices volcaniques des Puys d’Auvergne, comprenant :
- sur pentes fortes et ensoleillées de la chaîne des Puys et sur matériaux volcaniques trachy-andésitiques et basaltiques : pelouse à Œillet de Montpellier et Brachypode penné [Brachypodio pinnati-Dianthetum monspessulani], avec : Œillet de Montpellier (Dianthus monspessulanus), Épiaire officinale (Stachys officinalis), Gentiane jaune (Gentiana lutea), Hélianthème nummulaire (Helianthemum nummularium), Avoine des prés (Avenula pratensis), Violette jaune (Viola lutea)… ; plusieurs variantes :
xéro-thermophile sur pentes fortes aux expositions chaudes et colonisant les substrats les plus basiques [subass. typicum] ;
acidiphile et prairiale, dans des conditions thermiques plus fraîches, faisant la transition avec pelouse à Renoncule bulbeuse et Brachypode penné [subass. leucanthemetosum vulgaris] ;
psychrophile des pentes froides en adret sur substrats plus acides (trachytes), à caractère landicole, avec la Myrtille [subass. vaccinietosum myrtilli] ;
- sur pentes faibles et substrats basaltiques ou cristallins : pelouse à Épiaire officinale et Gaillet vrai [Stachyo officinalis-Galietum verii], proche de la pelouse précédente mais sans Œillet de Montpellier, avec : Campanule agglomérée (Campanula glomerata), Rhinanthe crête-de-coq (Rhinanthus minor), Œillet des forêts (Dianthus sylvaticus)… Sur pentes d’ubac des substrats volcaniques secs et filtrants (lapillis basaltiques), dans les régions au climat d’abri plus chaud : pelouse à Renoncule bulbeuse et Brachypode penné [Ranunculo bulbosi-Brachypodietum pinnati], à caractère mésophile marqué (sols profonds), très hétérogène sur le plan floristique avec, outre une forte représentation des espèces acidiclines et prairiales, un cortège développé :
de plantes des pelouses et nardaies acidiphiles : Alchémille en éventail (Alchemilla flabellata), Nard raide (Nardus stricta), Violette jaune (Viola lutea), Potentille dressée (Potentilla erecta), Canche flexueuse (Deschampsia flexuosa)… ;
d’espèces des landes : Genêt sagitté (Genista sagittalis), Genêt poilu (Genista pilosa), Callune (Calluna vulgaris), parfois la Myrtille (Vaccinium myrtillus).

Des pelouses sur matériaux cristallins à l’étage montagnard des secteurs humides des Pyrénées orientales ; non étudiées encore en France, elles doivent probablement être proches de la pelouse à Genêt sagitté et Agrostis capillaire [Chamaespartio sagittalis-Agrostietum tenuis], décrite des Pyrénées catalanes à proximité de la frontière française.

Variabilité secondaire de type dynamique, en relation avec :
- les pelouses-ourlets à Brachypode penné (Brachypodium pinnatum agg.) et diverses herbacées hautes : Knautie d’Auvergne (Knautia arvernensis), Gaillet dressé (Galium mollugo subsp. erectum), Clinopode vulgaire (Clinopodium vulgare), Vesce orobe (Vicia orobus), Laser à larges feuilles (Laserpitium latifolium)… ;
- les communautés à caractère landicole dominées par le Genêt poilu, le Genêt sagitté, la Callune ou encore la Myrtille.

Physionomie, structure

Pelouses rases à mi-hautes de structure variable en fonction des conditions de sécheresse et de pâturage, présentant de nombreux faciès soit pelousaires, soit postpastoraux de landes ouvertes riches en chaméphytes ou de brachypodiaies plus ou moins denses.
Tapis herbacé peu ouvert à fermé dans ces aspects typiques ; structure biologique dominée par les hémicryptophytes dans les stades pelousaires, avec une participation variable des chaméphytes qui peut néanmoins devenir dominante dans les stades landicoles ; les thérophytes sont très peu représentées et plutôt par des hémi-parasites (Rhinanthus).
Les graminées (notamment le Brachypode penné, l’Avoine des prés, l’Agrostide capillaire) impriment fréquemment l’architecture pelousaire et contribuent à donner un aspect de « prairie herbeuse ».
Pelouses insérées dans des complexes structuraux mosaïqués avec des formations herbacées hautes (pelouses-ourlets) à Brachypode penné, des landes à Genêt poilu et Callune vulgaire.
Strate herbacée parfois associée à un voile de Genévrier commun (Juniperus communis) dans les anciens parcours extensifs [« Formations de Juniperus communis sur landes ou pelouses calcaires », Code UE : 5130].
Flore à caractère bivalent associant un groupe d’espèces acidiphiles et un groupe d’espèces neutro-basophiles.
Diversité floristique peu élevée ; floraisons essentiellement estivales, souvent discrètes contribuant à l’aspect général assez terne des pelouses, à l’exception des faciès colorés à Œillet de Montpellier ou des stades postpastoraux.

Confusions possibles

Avec des pelouses subatlantiques xériques acidoclines sur basaltes et granites (Dactylorhizo sambucinae-Saxifragenion granulatae) avec lesquelles existent des transitions altitudinales [Code UE : 6210].
Avec des pelouses acidiclines subatlantiques [Violion caninae ; Code UE : 6230].
Avec des pelouses-ourlets méso-xérophiles résultant de l’abandon pastoral et de la dynamique de recolonisation préforestière, généralement dominés par le Brachypode penné (Brachypodium pinnatum agg.) [Trifolion medii ; Code UE : 6210].

Dynamique

Spontanée :
Végétations secondaires inscrites dans des potentialités de hêtraies et hêtraies-sapinières montagnardes à caractère atlantique à Scille lis-jacinthe (Scilla lilio-hyacinthus) [Fagenion sylvaticae ; Code Corine : 41.144].
Phases dynamiques internes au niveau des pelouses elles-mêmes : phase mature à strate pelousaire horizontale plus ou moins ouverte et présentant donc une niche de régénération fonctionnelle des espèces à vie courte, phase de fermeture de la pelouse avec perte de la niche de régénération, phase de vieillissement avec élévation du tapis végétal et extension d’espèces d’ourlet (en particulier le Brachypode penné) ou de lande.
Après abandon pastoral, reconstitution forestière de vitesse variable, pouvant présenter des seuils dynamiques plus ou moins prolongés (comme les landes à Genêt poilu et Callune, les pelouses-ourlets à Brachypode penné) ; les incendies ont également contribué à maintenir ou rajeunir de tels seuils.
Principales étapes dynamiques observées, mais ne se succédant pas forcément : densification par colonisation et extension du Brachypode penné, constitution de faciès landicoles plus ou moins épars à Genêt poilu, Genêt sagitté, Callune, Myrtille…, voile pionnier de Cytise à balais (Cytisus scoparius), piquetage arbustif et/ou arboré progressif d’essences héliophiles, surtout le Noisetier (Corylus avellana) et le Bouleau verruqueux (Betula pendula) ; cette dernière étape aboutit à la formation de fourrés coalescents ou de complexe préforestier où apparaît une génération pionnière de Hêtre.

Liée à la gestion :
La pratique répétée des incendies favorise le Brachypode penné et l’extension des brachypodiaies denses.
Avec un pâturage extensif, l’habitat présente une multitude de stades dynamiques et participe à un complexe pastoral du type pelouses/pelouses-ourlets/landes/cytisaies/fourrés pionniers.

Habitats associés ou en contact

Voile de Genévrier commun (Juniperus communis) sur pelouses calcicoles [Code UE : 5130].
Pelouses acidiclines subatlantiques [Violion caninae ; Code UE : 6230].
Pelouses-ourlets et ourlets acidiclines méso-xérophiles (Trifolion medii), généralement à dominante de Brachypode penné (plusieurs types) [Code UE : 6210].
Landes subatlantiques collinéennes à montagnardes [Vaccinio myrtilli-Genistetalia pilosae ; Code UE : 4030].
Pré-manteaux pionniers (cytisaies) à Cytise à balais (Cytisetea scopario-striati).
Manteaux arbustifs préforestiers montagnards, riches en Noisetier [Berberidion vulgaris ; Code Corine : 31.812 et 31.8C].
Hêtraies et hêtraies-sapinières montagnardes à Scille lis-jacinthe [Fagenion sylvaticae ; Code Corine : 41.144].

Répartition géographique

De manière générale, aire restant à préciser dans le Massif central et les Pyrénées.
Pelouse à Œillet de Montpellier et Brachypode penné : chaîne des Puys d’Auvergne, principalement dans la zone centrale de la chaîne.
Pelouse à Épiaire officinale et Gaillet vrai : aire à préciser dans le Massif central, indiquée des monts Dore, des plateaux du Cézalier et de Bourg-Lastic, en Artense et en Margeride.
Pelouse à Renoncule bulbeuse et Brachypode penné : partie méridionale de la chaîne des Puys, monts Dores, Devés.
Aire pyrénéenne probablement restreinte aux secteurs montagnards humides des Pyrénées orientales.

Valeur écologique et biologique

Tous les types de pelouses ont une aire plus ou moins restreinte, en particulier celles strictement associées aux matériaux volcaniques ; tous sont en voie de régression et constituent des communautés très originales.
Cortèges floristiques mixtes associant des plantes des sols acides et plantes des sols basiques, comprenant des plantes rares en France et extrêmement localisées, en particulier des espèces continentales ou méditerranéennes en limite d’aire : Armoise champêtre, Œillet deltoïde, Buffonie paniculée (Buffonia paniculata), Ail jaune (Allium flavum), Hélianthème en ombelle (Halimium umbellatum)…
Plusieurs espèces rares au niveau régional en Auvergne.

États de conservation

États à privilégier :
Pelouse mi-rase à mi-haute plus ou moins ouverte ; cette structure est largement favorisée par une conduite pastorale adaptée.
Selon les modalités pastorales, on peut aboutir soit à une structure homogène du tapis végétal, soit à une structure mélangée de phases dynamiques complémentaires.
Maintien éventuel de faciès à chaméphytes (faciès à Genêt poilu, Genêt sagitté, Callune…) en situation de seuil dynamique à caractère landicole.
Autres états observables :
Variantes prairiales en conditions plus intensives de pâturage.
Phases densifiées à Brachypode penné, typiques des pelouses vieillies ou incendiées.

Tendances et menaces

Disparition spatiale accélérée depuis 1960 ayant pour causes principales la déprise pastorale (mais cette évolution peut être localement moins sensible), la reconstitution spontanée de boisements, les plantations forestières (enrésinements massifs en Pins, Épicéa…).
Vieillissement du tapis herbacé et perte de diversité floristique suite au développement des espèces sociales (Brachypode penné, Genêt poilu, Callune).

Potentialités intrinsèques de production

Ces pelouses sont généralement pâturées de manière extensive par des bovins et plus rarement par des ovins, mais peuvent également être fauchées ; en fonction de l’exposition plus ou moins ensoleillée, de la topographie et de la nature du substrat, ces habitats présentent un aspect de pelouses herbacées plus ou moins hautes et où prédominent des espèces différentes à caractère prairial ou landicole dont la diversité floristique offre une bonne qualité de fourrage ; la déprise pastorale favorise l’embroussaillement et certaines pelouses sont transformées en plantations forestières de Pins, Epicéa et Hêtre.

Axes de recherche

Effet des fauches sur le Brachypode.
Impacts du pâturage par un troupeau mixte sur l’ensemble de l’année dans un objectif de remise en état d’un milieu embroussaillé.
Examiner les différences d’impact sur l’habitat, selon les espèces qui pâturent.
Étudier la période optimale de la fauche par rapport au maintien de la biodiversité.
Réfléchir à des indicateurs botaniques permettant de fixer des repères pour la période de fauche, fixer des dates dans un cahier des charges étant trop aléatoire d’une année à l’autre.
Seuils de fertilisation induisant un changement d’habitat, à préciser, à l’échelle du site.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 2. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 487 p. + cédérom. (Source)