6210-20 - Pelouses marnicoles subatlantiques

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Étage planitiaire en climat nord-atlantique à subatlantique.
Situations topographiques : pentes faibles à fortes (5-40°) des vallées des plateaux de craie.
Expositions fraîches depuis l’ouest jusqu’à l’est, avec un optimum pour le quart nord-ouest/nord-est.
Roches mères carbonatées : craies marneuses turoniennes, argiles jurassiques oxfordiennes et calloviennes.
Sols squelettiques marneux ou calcaréo-marneux compacts, peu filtrants, très rétentifs en eau, desséchés et craquelés en surface durant les périodes de sécheresse, suintants et collants après les pluies.
Systèmes pastoraux extensifs hérités des traditions de parcours ovin, parfois pâturage bovin herbager semi-extensif ou milieux de substitution (talus routiers, carrières...).
Action souvent intense des lapins, devenue déterminante avec la déprise pastorale, jusqu’à l’arrivée de la myxomatose.

Variabilité

Diversité typologique principale selon les substrats et les climats :
- en climat nord-atlantique à influence maritime sensible et sur craies marneuses : pelouse à Parnassie des marais et Thym précoce [Parnassio palustris-Thymetum praecocis], type très original à caractère submontagnard avec : Parnassie des marais (Parnassia palustris), Euphraise officinale (Euphrasia officinalis), Herminion à un tubercule (Herminium monorchis), Spiranthe d’automne (Spiranthes spiralis), Épipactide des marais (Epipactis palustris), Gymnadénie odorante (Gymnadenia odoratissima), Koelérie pyramidale (Koeleria pyramidata), Thym précoce (Thymus praecox)... ; plusieurs variations géographiques et édaphiques ;
- en climat nord-atlantique et sur argiles jurassiques du Perche : pelouse à Chlore perfoliée et Laîche glauque [Blackstonio perfoliatae-Caricetum flaccae] avec : Silaüm silaüs (Silaum silaus), Orobanche grêle (Orobanche gracilis), Laîche faux panic (Carex panicea), Trèfle porte-fraise (Trifolium fragiferum), Brunelle laciniée (Prunella laciniata), Laîche tomenteuse (Carex tomentosa)... ;
- en climat subatlantique à tendance continentale sur les marnes du Nivernais : pelouse à Chlore perfoliée et Séneçon à feuilles de roquette [Blackstonio perfoliatae-Senecietum erucifolii] avec : Tétragonolobe maritime (Tetragonolobus maritimus), Brunelle à grandes fleurs (Prunella grandiflora), Colchique d’automne (Colchicum autumnale), Odontitès à fleurs dorées (Odontites jaubertianus subsp. chrysanthus)... ; plusieurs variantes notamment en fonction de l’exposition.

Variabilité secondaire importante dans la plupart de ces types, notamment :
- variantes pionnières sur substrats artificialisés (carrières, talus...) dominées par des espèces pionnières spécialisées : Parnassie des marais, Laîche glauque (Carex flacca), Liondent hispide (Leontodon hispidus)... ;
- variante décalcifiée sur argiles jurassiques à Danthonie décombante (Danthonia decumbens), Potentille dressée (Potentilla erecta), Callune vulgaire (Calluna vulgaris)... ;
- variante à chaméphytes en position de prélisière et entretenue par les lapins, à Hélianthème nummulaire (Helianthemum nummularium subsp. nummularium), Épipactis pourpre noirâtre (Epipactis atrorubens) ;
- variante de pelouses encloses pâturées à Pâquerette vivace (Bellis perennis) et Trèfle rampant (Trifolium repens).

Physionomie, structure

Pelouses rases à mi-hautes, d’aspect général divers suivant les types, mais souvent marqué par la Laîche glauque (Carex flac-ca) associée à des graminées (physionomie typique de festuçaies-cariçaies ou de bromaies-cariçaies marnicoles).
Tapis herbacé légèrement ouvert dans ces aspects typiques à plus ou moins fermé (recouvrement moyen de 90-95 %) ; structure biologique et architecturale avec une domination des hémicryptophytes (75 %), une participation réduite en biomasse mais diversifiée des géophytes (10-15 % environ, variable selon les années) et des Gentianacées (Blackstonia, Centaurium, Gentianella) et Scrophulariacées (Euphrasia, Rhinanthus) à vie courte (5-10 %).
Souvent associées à des formations hautes (pelouses-ourlets) au sein de complexes structuraux mosaïqués, dont la physionomie caractéristique est donnée par le Brachypode penné (Brachypodium pinnatum) et diverses hautes herbes mésohygrophiles comme la Succise des prés (Succisa pratensis), le Séneçon à feuilles de roquette, l’Inule à feuilles de saule (Inula salicina), la Fétuque faux roseau (Festuca arundinacea), le Peucédan des cerfs (Peucedanum cervaria)...
Après abandon pastoral ou en cas de sous-pâturage, piquetage arbustif progressif et avancée de lisières forestières aboutissant à des structures verticales complexes de « pré-bois ».
Strate herbacée typiquement associée à un voile de Genévrier commun (Juniperus communis) dans les anciens parcours extensifs [« Formations de Juniperus communis sur landes ou pelouses calcaires », Code UE : 5130].
Diversité floristique importante associée à deux pics principaux de floraison printanier (mai-juin) et tardi-estival/automnal (août-septembre).

Confusions possibles

Avec des pelouses marnicoles nord-atlantiques vicariantes du Gentianello amarellae-Avenulion pratensis [Code UE : 6210].
Avec des pelouses marnicoles subatlantiques à subcontinentales vicariantes du Tetragonolobo maritimi-Mesobromenion erecti [Code UE : 6210].
Avec des prés mésohygrophiles oligotrophes basophiles du Molinienon caeruleae [Code UE : 6410] en contact topographique inférieur (bas de pente) ou latéral (suintements).
Avec des pelouses-ourlets mésophiles fraîches résultant de l’abandon pastoral et de la dynamique de recolonisation préforestière, généralement dominés par le Brachypode penné (Brachypodium pinnatum) et diverses hautes herbes mésohygrophiles constituant les faciès typiques à Brachypode penné [Trifolion medii ; Code UE : 6210].
Avec des prairies marnicoles mésophiles pâturées (Thymo pulegiodis-Cynosurenion cristati) ou fauchées (Centaureo jaceae-Arrhenatherenion elatioris) [Code UE : 6510].

Dynamique

Spontanée :
Végétations secondaires issues de déforestations historiques anciennes, inscrites dans des potentialités de forêts neutro-calcicoles du Carpinion betuli.
Phases dynamiques internes au niveau des pelouses elles-mêmes : phase pionnière souvent riches en plantes des bas-marais alcalins (Parnassie des marais, Épipactide des marais...), phase optimale à structure pelousaire horizontale ouverte et présentant donc une niche de régénération fonctionnelle des espèces à vie courte, phase de fermeture de la pelouse avec perte de la niche de régénération, phase de vieillissement avec élévation du tapis végétal et extension d’espèces d’ourlet (en particulier le Brachypode penné, la Succise des prés).
Après abandon pastoral, processus dynamiques de reconstitution forestière de vitesse variable et pouvant présenter des seuils dynamiques prolongés (comme les pelouses-ourlets à Brachypode penné et Succise des prés).
Principales étapes dynamiques : densification par colonisation et extension rapide du Brachypode penné (et souvent d’autres plantes mésohygrophiles de taille élevée), piquetage arbustif et/ou arboré progressif aboutissant à la formation de fourrés coalescents ou de complexe préforestier de type « pré-bois » (mêlant pelouses, ourlets, fourrés et couvert arboré, manteaux forestiers) aboutissant rapidement à la constitution de jeunes forêts diversifiées en essences calcicoles.

Liée à la gestion :
Par intensification du pâturage, généralement accompagnée d’amendements accrus (situation classique en enclos herbager, plutôt avec des bovins ou des équins), passage d’abord à des variantes piétinées à Pâquerette et Trèfle rampant, puis à des prairies calcicoles pâturées plus fertiles.
Boisement artificiel fréquent (résineux : Pin d’Autriche généralement, parfois feuillus) conduisant à une dégradation et une destruction progressive des pelouses.

Habitats associés ou en contact

Voile de Genévrier commun (Juniperus communis) sur pelouses calcicoles [Code UE : 5130].
Pelouses-ourlets et ourlets marnicoles subatlantiques à Brachypode penné (Brachypodium pinnatum) et mésohygrophytes divers, certaines communes avec les mégaphorbiaies et présentant des variations parallèles aux pelouses associées (plusieurs types généralement bien caractérisés) [Trifolion medii ; Code UE : 6210].
Manteaux arbustifs préforestiers calcicoles à Tamier commun (Tamus communis), Viorne lantane (Viburnum lantana), divers rosiers (Rosa pl. sp.) (plusieurs types).
Forêts calcicoles nord-atlantiques à subatlantiques à essences variées [Carpinion betuli] ; plusieurs types, dont un bien distinct en relation avec la pelouse à Parnassie des marais et Thym précoce : Hêtraie-Acéraie champêtre submontagnarde à Mercuriale vivace (Mercurialis perennis) et Actée en épi (Actaea spicata) [Code UE : 9130].

Répartition géographique

Pelouse à Parnassie des marais et Thym précoce : aire restreinte localisée aux régions occidentales du plateau picardo-normand (vallées de Seine-Maritime, cuesta du Bray, stations isolés dans la Somme et dans le Pas-de-Calais).
Pelouse à Chlore perfoliée et Laîche glauque : Perche, plaines jurassiques normandes, et ponctuellement ailleurs dans le nord-ouest du Maine au Cotentin.
Pelouse à Chlore perfoliée et Séneçon à feuilles de roquette : coteaux du Nivernais.

Valeur écologique et biologique

Tous les types de pelouses marnicoles sont relictuels et en voie de forte régression ; deux types très localisées et en voie de disparition, et généralement réduits à un petit nombre de sites de surface restreinte : pelouse à Parnassie des marais et Thym précoce, pelouse à Chlore perfoliée et Laîche glauque.
Diversité floristique importante comportant diverses populations isolées d’espèces végétales hygrophiles des bas-marais alcalins, certaines représentées par des écotypes originaux comme la Parnassie des marais ; diversité entomologique très élevée, notamment dans les complexes structuraux mélangeant pelouses et pelouses-ourlets.
Diversité orchidologique exceptionnelle présentant un intérêt patrimonial majeur (nombre d’espèces, taille et variabilité des populations) ; autres intérêts orchidologiques : espèce rare à l’échelle nationale (Herminion à un tubercule) ou constituant une représentation presque complète de la diversité d’un genre comme les Gymnadénies (Gymnadenia conopsea subsp. conopsea, subsp. densiflora, G. odoratissima, G. x-intermedia).
Paysages des pelouses à Genévrier et richesse de la faune associée.
Plante protégée au niveau national : Odontitès à fleurs dorées (Odontites jaubertianus subsp. chrysanthus).
Nombreuses espèces protégées régionalement.
Espèces de l’annexe II de la directive « Habitats » :
Damier de la succise (Euphydryas aurinia) dont les populations sont généralement bien représentées au niveau de ces pelouses et pelouses-ourlets.

États de conservation

États à privilégier :
Pelouse rase à mi-rase ouverte, c’est-à-dire présentant un tapis végétal avec de micro-ouvertures constituant la niche de régénération ; cette structure est obtenue par un pâturage extensif sans amendement, préférentiellement par des ovins.
Selon la conduite pastorale, on peut aboutir soit à une structure homogène du tapis végétal, soit à une structure mélangée de phases dynamiques de pelouses et de pelouses-ourlets.
Maintien de faciès à chaméphytes associé aux populations de lapin, en situation de prélisière.
Superposition à la pelouse d’un voile de Genévrier, associé aux pratiques pastorales.
Autres états observables :
Pelouses fermées à graminées et hautes herbes hygrophiles.
Phases densifiées à Brachypode penné, typiques des pelouses vieillies ou incendiées.
Pelouses rases pâturées par bovins.
Pelouses fauchées avec fauche estivale ou automnale.

Tendances et menaces

Disparition spatiale continue depuis le début du XXe siècle avec accélération très forte depuis 1960 ayant pour causes principales l’abandon pastoral et la reconstitution de boisements (en moins d’un demi-siècle dans certains cas), la transformation agricole en prairie intensive (plus rarement en culture), l’ouverture et l’extension de carrières (pour l’amendement généralement)...
Menaces fortes d’extinction totale pour les trois types de pelouses dont le maintien souvent précaire s’insère dans le cadre d’exploitation agricole herbagère semi-intensive par bovins en Picardie occidentale et Haute-Normandie, ou dans le cadre de gestion conservatoire et agri-environnementale (régions Picardie et Haute-Normandie).

Potentialités intrinsèques de production

Systèmes pastoraux extensifs ovins, parfois pâturage bovin herbager semi-extensif.

Axes de recherche

Absence de données.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 2. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 487 p. + cédérom. (Source)