Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
Étages planitiaire et collinéen.
Climat atlantique atténué de transition, principalement de type ligérien, fortement nuancé par des conditions géomorphologiques locales à affinités montagnardes : vallées profondes à bilan hygrométrique élevé (nébulosité, évapotranspiration), rebords frais des plateaux caussenards.
Situations topographiques variées : pentes raides (déclivité souvent supérieure à 45 °), corniches et vires rocheuses, sommets légèrement déclives (1-3 °) des bordures de causses.
Expositions variées selon les conditions géomorphologiques : chaudes et ensoleillées (sud-ouest à sud-est, avec un optimum au sud) en val de Seine, fraîches (nord-ouest à sud-ouest, avec un optimum à l’ouest) sur les causses du Berry.
Roches mères carbonatées : craies souvent ébouleuses du Crétacé supérieur ; calcaires durs tabulaires (jurassiques ou du Crétacé supérieur pour l’essentiel), rarement calcaires plus tendres crétacés ou ludiens.
Sols squelettiques : rendzines crayeuses initiales à minces, litho-sols d’érosion, les variantes plus mésophiles sur des rendzines plus épaisses ; sols souvent entrecoupés d’affleurements rocheux.
Microtopographie du sol en gradins, associant des phénomènes mécaniques d’érosion (micro-éboulements, arrachements de touffes par gravité, accumulation de graviers calcaires mobiles...) et des processus de fixation biologique par la Seslérie bleuâtre.
Situations peu évolutives à caractère en partie primaire, souvent relictuelles au sein de systèmes pastoraux extensifs hérités des traditions de parcours ovin, parfois milieux de formation récente, exceptionnellement artificialisés (remaniements miniers).
Action complémentaire des lapins très importante, devenue déterminante avec la déprise pastorale, en régression depuis l’arrivée de la myxomatose.
Diversité typologique principale selon les climats et les substrats :
Sur craies de la moyenne vallée de la Seine : pelouse à Astragale de Montpellier et Seslérie bleuâtre [Astragalo monspessulani-Seslerietum caeruleae], avec : Astragale de Montpellier (Astragalus monspessulanus), Petite coronille (Coronilla minima), Fétuque marginée (Festuca marginata subsp. marginata), Hélianthème blanchâtre (Helianthemum oelandicum subsp. incanum)... ; plusieurs variations édaphiques et locales :
- à caractère fortement xérique sur corniches et vires rocheuses de la Seine, à Hélianthème des Apennins (Helianthemum apenninum), Globulaire allongée (Globularia bisnagarica)... [subass. helianthemetosum apennini] ;
- à caractère xérophile atténué et situations plus mésophiles de la Seine, infiltrée d’éléments du Mesobromion erecti, à Laîche glauque (Carex flacca), Boucage saxifrage (Pimpinella saxifraga), Lotier corniculé (Lotus corniculatus)... [subass. caricetosum flaccae] ;
- à caractère méso-xérophile sur les craies de la vallée de l’Eure : Fumana couché (Fumana procumbens), Euphorbe de Séguier (Euphorbia seguieriana)... [subass. fumanetosum procumbentis];
En climat à tendance subatlantique, sur les rebords des causses berrichons : pelouse à Leucanthème à feuilles de graminée et Seslérie bleuâtre [Leucanthemo graminifoliae-Seslerietum albicantis], avec : Leucanthème à feuilles de graminée (Leucanthemum graminifolium), Stipe pennée (Stipa pennata), Anthyllide des montagnes (Anthyllis montana), Laîche humble (Carex humilis), Koelérie du Valais (Koeleria vallesiana), Bugrane striée (Ononis striata), Inule des montagnes (Inula montana)... ; une variante plus mésophile, propre aux expositions les plus froides (nord-ouest à nord-est), est infiltrée d’éléments du Seslerio caeruleae-Mesobromion erecti : Polygale des sols calcaires (Polygala calcarea), Euphraise de Salzbourg (Euphrasia salisburgensis), Violette des rocailles (Viola rupestris), Genêt poilu (Genista pilosa)... ;
En climat thermo-atlantique, deux noyaux isolés dont l’originalité phytosociologique reste à préciser :
- sur les corniches du sommet de la falaise de Gironde, à Meschers-sur-Gironde (17), seslériaies à Leucanthème à feuilles de graminée et Stipe pennée ;
- sur les vires et corniches du Quercy méridional, seslériaies à Anthyllide des montagnes, Lunetière lisse (Biscutella laevigata), Stipe pennée, Leucanthème à feuilles de graminée, Inule à feuilles de spirée (Inula spiraeifolia), Buplèvre fausse renoncule (Bupleurum ranunculoides), Laser de France (Laserpitium gallicum)...
Variabilité secondaire importante dans la plupart de ces types, notamment :
- variantes édaphiques en fonction de l’épaisseur des sols et de la proximité plus ou moins marquée des affleurements rocheux (enrichissement en espèces des dalles calcaires) ;
- variantes dynamiques et structurales : pelouses pionnières riches en chaméphytes crassulescents, pelouses à chaméphytes suffrutescents des pointements rocheux, pelouses ourlifiées en position de prélisière entretenue par les lapins.
Pelouses rases à mi-hautes, d’aspect général fortement marqué par la Seslérie bleuâtre (Sesleria caerulea) (physionomie typique de seslériaies de pente en gradins) ; cet aspect peut localement être accentué par le piétinement des moutons (causses du Berry) :
-tapis herbacé fortement ouvert (60 % environ de recouvrement moyen) dans ses aspects typiques xérophiles, à plus ou moins fermé dans les variantes plus mésophiles ; structure biologique relativement variable selon les types avec en général une part des hémicryptophytes relativement minorée (55-65 %) et une bonne participation des chaméphytes (15-30 %) ; thérophytes absents ou presque sur craies, discrets (± 4 %) sur calcaires durs ; géophytes fortement représentés dans la pelouse à Astragale de Montpellier et Seslérie bleuâtre ;
-présence extensive de plantes associées habituellement aux ourlets préforestiers et se comportant ici comme des espèces de pelouses : Séséli libanotide (Seseli libanotis), Phalangère rameuse (Anthericum ramosum), Buplèvre en faux (Bupleurum falcatum)... ;
-en cas de disparition des populations de lapin ou après abandon pastoral, piquetage arbustif progressif très lent et avancée de lisières forestières aboutissant à des structures verticales complexes de « pré-bois » ;
-diversité floristique importante associée à un pic principal de floraison au printemps (mai-juin), aspects estival et automnal relativement ternes.
Avec des pelouses xérophiles thermophiles à caractère plus méditerranéen [Xerobromenion erecti, Code UE : 6210*].
Avec des pelouses méso-xérophiles à Seslérie bleuâtre des mésoclimats froids développées en contact sur pentes fraîches ou en situations moins xériques [Seslerio caeruleae-Mesobromenion erecti, Code UE : 6210*].
Pour certains faciès pionniers des corniches rocheuses, avec des végétations pionnières de dalles calcaires [Alysso alyssoidis-Sedion albi, Code UE : 6110*].
Avec, en vallée de Seine, des phases de stabilisation d’éboulis calcaires à Violette de Rouen et Gaillet à tige grêle (Violo hispidae-Galietum gracilicaulis) [Leontodontion hyoseroidis, Code UE : 8160].
Avec des ourlets calcicoles préforestiers développés en lisière et des pelouses-ourlets résultant de l’abandon pastoral et de la dynamique de recolonisation préforestière, généralement dominés par le Brachypode penné (Brachypodium gr. pinnatum) et constituant les faciès typiques à Brachypode penné du Geranion sanguinei [Code UE : 6210*].
Spontanée :
Végétations à caractère primaire marqué mais instable à moyen ou long terme (au moins partiellement), plus rarement d’origine secondaire ; en vallée de Seine, il s’agit d’installations premières sur des milieux neufs consécutifs aux phénomènes d’érosion naturelle des falaises de la Seine associés jadis au fonctionnement hydraulique de la vallée. Cette installation y est précédée habituellement par une phase initiale d’éboulis sur les pentes raides ou de dalles sur les corniches de craies indurées.
Rôle très important des lapins dans le maintien et la stabilisation de ces habitats.
Dynamique progressive très lente inscrite généralement dans des potentialités de chênaies pubescentes, souvent en limite des vraies chênaies pubescentes du Quercion pubescenti-sessiliflorae [Code Corine : 41.711], et des hêtraies calcicoles thermophiles enrichies en éléments des chênaies pubescentes et relevant du Cephalanthero rubrae-Fagion sylvaticae [Code UE : 9150].
Après régression des populations de lapin ou abandon pastoral, reconstitution forestière très lente sur les sols les moins épais et dans les situations les plus chaudes, mais pouvant être accélérée par la proximité immédiate de noyaux pelousaires à dynamique plus rapide (associés à des situations plus mésophiles : expositions plus fraîches, substrats colluvionnés...) ; l’ombrage et l’accumulation trophique qui accompagnent la maturation arbustive et préforestière de ces noyaux dynamiques, influencent alors considérablement l’évolution des pelouses xérophiles en contact et l’extension de plantes d’ourlet en leur sein.
Dynamique préforestière complexe associant des phénomènes de densification de la strate herbacée et d’embroussaillement progressif largement intriqués dans le temps et l’espace.
Liée à la gestion :
Rôle probablement marginal actuellement et peu connu.
Communautés pionnières de dalles de l’Alysso alyssoidis-Sedion albi [Code UE : 6110*] à Orpin blanc (Sedum album), Orpin âcre (Sedum acre)...
Pelouses xérophiles thermophiles à caractère plus méditerranéen (Xerobromenion erecti) développées en contact sur les plateaux caussenards [Code UE : 6210*].
Pelouses méso-xérophiles à Seslérie bleuâtre des mésoclimats froids développées en contact sur pentes fraîches [Seslerio caeruleae-Mesobromenion erecti, Code UE : 6210*].
Pelouses-ourlets et ourlets xérophiles thermophiles à flore diversifiée [Geranion sanguinei, Code UE : 6210*] ; plusieurs types encore peu étudiés ; dans la vallée de la Seine, ourlet thermophile proche du Geranio sanguinei-Rubietum peregrinae à Petit pigamon (Thalictrum minus), Campanule à feuilles de pêcher (Campanula persicifolia), Grémil pourpre bleu (Lithospermum purpureocaeruleum)...
Manteaux arbustifs préforestiers calcicoles épars à Viorne lantane (Viburnum lantana), Amélanchier d’Emberger (Amelanchier ovalis subsp. embergeri), Prunier mahaleb (Prunus mahaleb)... (plusieurs types) [Berberidion vulgaris, Code Corine : 31.812].
Hêtraies thermo-calcicoles submontagnardes, enrichies en espèces des chênaies pubescentes, à Grémil pourpre bleu (Lithospermum purpureocaeruleum), Chêne pubescent [Quercus humilis (= pubescens)], etc. (plusieurs types) [Code UE : 9150], passant localement à des chênaies pubescentes thermophiles à Garance voyageuse (Rubia peregrina) [Quercion pubescenti-sessiliflorae, Code Corine : 41.711].
Pelouse à Astragale de Montpellier et Seslérie bleuâtre : vallées de la Seine, entre Mantes (95) et Vernon (27), et de l’Eure (environs de Ménilles, 27).
Pelouse à Leucanthème à feuilles de graminée et Seslérie bleuâtre : bordures des causses berrichons, avec une aire réduite aux causses de Dun-sur-Auron et de La Chapelle-SaintUrsin/Morthomiers (18).
Noyaux thermo-atlantiques : falaises de Gironde à Mescherssur-Gironde (17), Quercy méridional (canyon de l’Alzou, environs de Lalbenque, vallée de Vers...) ; présence éventuelle dans le Périgord et en Charente.
Tous les types de pelouses sont relictuels, réduits à un petit nombre de sites de surface restreinte ; tous sont en voie de disparition et d’importance patrimoniale majeure en tant qu’éléments isolés aux étages planitiaire et collinéen des pelouses du Seslerio caeruleae-Xerobromenion erecti.
Diversité et originalité floristique importantes, comportant diverses populations isolées d’espèces végétales et représentées probablement par des génotypes originaux dont une microendémique, aujourd’hui disparue de cet habitat : la Lunetière controversée (Biscutella controversa) ; une subendémique : Leucanthème à feuilles de graminée (Leucanthemum graminifolium) ; diversité entomologique encore peu étudiée, mais probablement très élevée.
Nombreuses plantes protégées régionalement.
Plusieurs Reptiles de l’annexe IV de la directive « Habitats » : Lézard des souches (Lacerta agilis), Lézard vert (Lacerta viridis), Lézard des murailles (Podarcis muralis).
États à privilégier :
Pelouse rase à mi-rase ouverte, c’est-à-dire présentant un tapis végétal avec de micro-ouvertures constituant la niche de régénération ; cette structure est obtenue par la pérennité de processus érosifs qui limite le vieillissement du tapis végétal et qui sont favorablement associés à l’action des lapins et au pâturage extensif sans amendement, préférentiellement par des ovins.
Maintien de faciès à chaméphytes soit en situation de prélisière, soit en situation d’affleurement rocheux.
Autres états observables :
Phases densifiées à Brachypode penné, typiques des pelouses vieillies ou incendiées.
Régression spatiale lente depuis le début du XXe siècle avec accélération très forte depuis 1970 ayant pour causes principales l’extension urbaine et industrielle (Berry, côte de Gironde) et, à un moindre degré, l’abandon pastoral et la reconstitution de boisements...
Menaces fortes d’extinction pour les types de pelouses très localisés du Berry et de la côte de Gironde, maintien précaire de la pelouse à Astragale de Montpellier et Seslérie bleuâtre en dehors des sites d’intervention conservatoires.
Pâturage ovin, caprin et bovins en extensif.
Outre leur valeur économique, ces pelouses ont une valeur organisationnelle sur l’exploitation, en offrant des degrés de liberté supplémentaires dans la gestion du troupeau.
Attrait paysager.
Impact du feu sur l’entomofaune et la pérennité de l’habitat, à réaliser sur de petites surfaces de pelouses.
Bensettiti F., Boullet V., Chavaudret-Laborie C. & Deniaud J. (coord.), 2005. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 4 - Habitats agropastoraux. Volume 2. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 487 p. + cédérom. (Source)