Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats
L’habitat est situé principalement à l’étage subalpin, mais parfois aussi à l’étage montagnard supérieur ou à la base de l’étage alpin (de 1400-1600 m à 2200-2400 m d’altitude).
Ces végétations colonisent les cheminées fraîches ou les couloirs ombragés, découpés dans de grandes falaises, avec des pentes fortes (de 30 à 70°), longtemps enneigés (environ 6 à 8 mois par an). Il s’agit donc de groupements végétaux plutôt sciaphiles.
Le substrat est toujours siliceux (à l’exception d’un site calcaire dans le massif montagneux de Bavella, la « Punta di Furnellu »), constitué de rocailles entre lesquelles subsiste généralement peu de sol. Il s’agit souvent d’éboulis pentus mais stabilisés, généralement établis entre des parois rocheuses relativement proches (couloirs étroits). Dans les combes un peu plus larges où se développe l’association à Renouée des Alpes et Luzule de Sieber, le sol peut être plus épais (de 20 à 50 cm) et présente un seul horizon (brun foncé où dominent les éléments fins) entre la litière et la roche mère.
Les couloirs rocheux et humides sont occupés par des groupements végétaux différents selon leur topographie et leur exposition.
L’association à Valériane à feuilles rondes et Adénostyle de Briquet [Valeriano rotundifoliae-Adenostyletum briquetii] se développe dans les couloirs étroits, surtout en ubac, plus rarement dans les couloirs ombragés d’adret (revers nord, ouest et est).
Deux sous-associations ont été distinguées :
- la sous-association adenostyletosum, qui ressemble le plus à une véritable mégaphorbiaie, présentant le plus fort recouvrement végétal, est la plus répandue en Corse ; elle est par exemple bien individualisée dans les parties supérieures ou les bords les plus ombragés des ravins de certains versants orientaux du massif de Bavella (sud de la Corse) ;
- la sous-association cryptogrammetosum crispae qui correspond à des substrats plus rocailleux, plus ou moins fixés, souvent un peu moins ombragés que pour la précédente ; elle ressemble encore moins à une véritable mégaphorbiaie. Cette sous-association comporte des plantes d’éboulis et n’est différenciée qu’à partir de 1800 m d’altitude ; on peut la trouver jusqu’à la base de l’étage alpin (2400-2500 m sur les adrets) où elle fait alors la transition vers les groupements d’éboulis.
Ces deux sous-associations sont souvent juxtaposées : la sous-association adenostyletosum occupe la position la plus ombragée et se trouve confinée au plus haut des couloirs, généralement dans une cheminée ou à proximité, tandis que la sous-association cryptogrammetosum occupe les rocailles des niveaux moyen ou inférieur du couloir.
L’association à Renouée des Alpes et Luzule de Sieber [Polygono alpini-Luzuletum sieberi] est plus localisée, on la trouve également dans certains couloirs d’ubac, mais plus larges et moins ombragés que ceux où s’installe le groupement précédent.
La végétation est constituée de plantes herbacées d’assez grande taille (pouvant dépasser un mètre), souvent pourvues de grandes feuilles et de fleurs nombreuses, diversement colorées et bien voyantes. Cependant, les grandes espèces y sont en nombre très limité et offrent un développement réduit relativement aux mégaphorbiaies des Pyrénées ou des Alpes, la strate arbustive se limitant à quelques jeunes pieds d’Aulne odorant. Le groupement à Renouée des Alpes et Luzule de Sieber se présente comme une formation herbacée plus basse (de 30 à 50 (100) cm de hauteur) que celle à Valériane à feuilles rondes et Adénostyle de Briquet.
Le recouvrement est souvent fort : entre 20 et 70% pour l’association à Valériane à feuilles rondes et Adénostyle de Briquet et 80 à 100% pour l’association à Renouée des Alpes et Luzule de Sieber.
Les surfaces occupées par ces groupements de hautes herbes ne dépassent guère la centaine de mètres carrés ; l’association à Renouée des Alpes et Luzule de Sieber est souvent réduite à des lisières herbacées bordant les aulnaies odorantes.
Des confusions sont possibles avec :
- les broussailles corses d’Aulne odorant (Cor. 31.612) : ces aulnaies, qui font également partie du Cymbalarion hepaticifoliae, possèdent un cortège floristique assez semblable à celui des communautés corses à Cymbalaria ; cependant elles représentent les faciès buissonnants et non les végétations « herbacées » (seules concernées ici) des communautés de hautes herbes des Mulgedio-Aconitetea ; elles sont donc physionomiquement très différentes des groupements à Cymbalaria ;
- les communautés corses du Doronicion corsici (habitat 6430-12) : il s’agit cependant de formations riveraines de torrents ou de ruisseaux de montagne, plutôt que de végétations de couloirs rocheux.
Spontanée :
Le plus souvent, ces communautés, et en particulier l’association à Valériane à feuilles rondes et Adénostyle de Briquet (dans sa sous-association adenostyletosum), constituent dans les couloirs rocheux et étroits ou dans les cheminées à pente assez faible, des groupements pionniers et permanents, qui ne semblent pas pouvoir être remplacés par d’autres associations dans ce genre de stations fraîches aux substrats relativement fixés. En effet, malgré la présence de quelques individus d’Aulne odorant dans ces groupements, le développement d’aulnaies odorantes ne semble pas pouvoir se réaliser dans les stations trop ombragées, ni au-dessus de 2100 m d’altitude.
À plus haute altitude (entre 2000 et environ 2400 m), à la base de l’étage alpin, dans les corridors ombragés où le substrat est moins fixé, le groupement des couloirs rocailleux frais (le Valeriano-Adenostyletum représenté alors par la sous-association cryptogrammetosum) peut être précédé par le groupement d’éboulis d’ubac à Doronic à grandes fleurs et Oxyria à deux styles (Doronico grandiflori-Oxyrietum digynae). Ensuite, l’évolution par consolidation du substrat peut conduire à l’élimination des espèces d’éboulis et la sous-association adenostyletosum (groupement physionomiquement plus proche des mégaphorbiaies) s’installe alors.
En revanche, le groupement de couloirs frais et larges à Renouée des Alpes et Luzule de Sieber peut être considéré comme une forme de transition entre des pelouses subalpines et alpines d’ubac (Geo montani-Phleetum brachystachyi) et les aulnaies odorantes (Alnetum suaveolentis) qui, dans ces stations plus ensoleillées, semblent mieux se développer.
Liée aux activités humaines :
Cet habitat ne fait l’objet d’aucune activité anthropique.
À l’étage subalpin, ces communautés sont souvent associées aux divers habitats suivants, avec lesquels elles présentent de grandes affinités floristiques :
- broussailles corses d’Aulne odorant (Alnetum suaveolentis) (Cor. 31.612) ;
- sapinières à Sapin pectiné et Valériane à feuilles rondes (Valeriano-Abietetum) (Cor. 42.1) ;
- fruticées naines à Myrtille et Lycopode sélagine (Huperzio selaginis-Caricetum ornithopodae) (UE 6170).
À l’étage alpin, elles peuvent être en contact avec :
- les éboulis siliceux de l’étage montagnard à nival (Doronico-Oxyrietum, ordre des Androcetalia alpinae) (UE 8110) ;
- les pelouses acidiphiles alticoles des ubacs de Corse (Geo-Phleetum, ordre des Saginetalia piliferae) (UE 6170).
Ces communautés sont présentes ponctuellement, sur de petites superficies, dans tous les grands massifs montagneux de Corse, depuis le Cinto au nord jusqu’à Bavella au sud, à l’exception du groupement à Renouée des Alpes et Luzule de Sieber qui est plus localisé. Ce dernier n’a en effet été observé pour l’instant que dans les massifs de l’Incudine (sur 5 km le long de la crête de Punta di Bocca d’Oru à Punta della Capella d’Isolacciu), du Monte d’Oro (Punta Migliarellu) et du Monte Rotondo (Punta Muratello), mais il est probable qu’il soit aussi présent ailleurs.
Endémiques de Corse, ces communautés d’altitude sont composées de nombreuses plantes particulières à l’île, comme l’Adénostyle de Briquet, la Linaire à feuilles d’hépatique, l’Aulne odorant, l’Ancolie de Bernard, etc., ou la Valériane à feuilles rondes (espèce endémique de Corse et des Alpes occidentales).
La Luzule de Sieber est très rare à l’échelle de la Corse ; on ne la rencontre presque que dans cette formation végétale où elle est cependant assez abondante.
Tous les états de l’habitat sont à privilégier.
Aucune menace ne semble peser sur cet habitat qui se rencontre principalement dans les endroits les plus inaccessibles des hautes montagnes (ravins et couloirs rocheux…).
D’un point de vue foncier, de par l’altitude à laquelle se développent ces formations, les stations se situent généralement sur des terrains communaux, qui ne semblent guère avoir été modifiés par l’homme.
Aucune.
Il serait intéressant d’entreprendre des inventaires des espèces animales (invertébrés, batraciens…) hébergées par ce type d’habitat et de préciser leur répartition en son sein, ce qui permettrait notamment de comprendre le rôle de ces milieux pour la faune montagnarde de l’île (en particulier pour les invertébrés).
Bensettiti F., Gaudillat V. & Haury J. (coord.), 2002. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 3 - Habitats humides. MATE/MAP/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 457 p. + cédérom. (Source)