8110-6 - Éboulis siliceux montagnards à subalpins frais des Pyrénées

Liste hiérarchisée et descriptifs des habitats des Cahiers d'habitats

Caractéristiques stationnelles

Habitat des étages montagnard et subalpin (pouvant atteindre la base de l’étage alpin), colonisant les pierriers siliceux (granitiques, schisteux, volcaniques) composés d’éléments moyens à grossiers.
Ces pierriers peuvent correspondre à des éboulis fixés ou peu mobiles, à des chaos de blocs sur pentes herbeuses ou landes à Rhododendron ferrugineux (Rhododendron ferrugineum), à des dépôts morainiques ou à des couloirs rocheux, de pente faible à forte.
L’habitat semble indifférent à l’exposition du site, mais son microclimat reste presque constamment frais (ombrage des blocs, enneigement en général prolongé) et relativement humide, les végétaux étant surtout localisés au fond des puits (humus acide) formés entre les blocs.

Variabilité

Cet habitat est connu sur l’ensemble de son aire, sous la forme relativement homogène d’une association à Cryptogramme crispée (Cryptogramma crispa) et Dryoptéris des montagnes (Dryopteris oreades) [Cryptogrammo crispae-Dryopteridetum oreadis].
Sa composition floristique s’enrichit en espèces orophiles [Séneçon des Pyrénées (Senecio pyrenaicus), Saxifrage faux géranium (Saxifraga geranioides)] avec l’altitude et en endémiques régionales en fonction de la répartition (Saxifrage faux géranium, par exemple, dans la partie orientale des Pyrénées).

Physionomie, structure

Végétation très ouverte, de faible recouvrement, dominée par des fougères préférentiellement silicicoles et plutôt sciaphiles : Cryptogramme crispée, Dryoptéris des montagnes, Dryoptéris étalé (Dryopteris expansa), Cystoptéris fragile (Cystopteris fragilis), Phégoptéris vulgaire (Phegopteris connectilis), Polystic en lance (Polystichum lonchitis), Fougère femelle (Athyrium filix-femina), Athyrium alpestre (Athyrium distentifolium), Gymnocarpium dryoptéris (Gymnocarpium dryopteris).
La flore phanérogamique, peu diversifiée, est composée essentiellement d’hémicryptophytes.
Étant donné l’écologie particulière de l’habitat, les espèces se montrent très nettement spécialisées face aux contraintes du milieu (nature, granulométrie, mobilité, microclimat…). Ces espèces lithophytes présentent diverses stratégies leur permettant de résister aux contraintes imposées par les mouvements éventuels se produisant au sein des pierriers et entraînant des traumatismes. L’organisation morphologique et anatomique de leur système végétatif (notamment souterrain) leur permet de suivre et de subir, ou non, le mouvement des pierriers, d’où les diverses stratégies distinguées :
- stratégie migratrice : lithophytes migrateurs par allongement : Rumex à écussons (Rumex scutatus), Crépide naine (Crepis pygmaea), Pâturin du Mont Cenis (Poa cenisia) ; lithophyte migrateur par multiplication végétative : Doronic à grandes fleurs (Doronicum grandiflorum); lithophyte migrateur à système racinaire adhérant fortement au substrat : Séneçon des Pyrénées ;
- stratégie sédentaire : lithophytes stabilisateurs : Pâturin glauque (Poa glauca), Saxifrage faux-géranium.
Les végétaux sont souvent peu visibles du fait qu’ils s’insinuent et s’abritent au fond des puits ménagés entre les blocs, recherchant fraîcheur et poches d’humus.

Confusions possibles

Avec les éboulis siliceux subalpins des stations sèches [Galeopsion pyrenaicae ; Code UE : 8110].
Avec les éboulis siliceux subalpins et alpins thermophiles à Oxyria à deux styles (Oxyria digyna) et Doronic des Pyrénées (Doronicum grandiflorum subsp. pyrenaicum) [Oxyrio digynae-Doronicetum pyrenaici ; Code UE : 8130].
Avec les éboulis siliceux des Pyrénées à Cryptogramme crispé et Pâturin du Mont Cenis [Allosuro crispi-Poetum fontquerii ; Code UE : 8130].
Avec les éboulis calcaires montagnards et subalpins, des situa- tions fraîches, à éléments moyens et gros [Dryopteridion submontanae ; Code UE : 8120].

Dynamique

Cet habitat semble présenter en général un caractère permanent. Des stades bien fixés et mal exposés peuvent évoluer vers la lande à Rhododendron ferrugineux (Code UE : 4060), des stades bien exposés vers les pelouses à Gispet (Festuca eskia) (Code UE : 6140).

Habitats associés ou en contact

La végétation chasmophytique des pentes rocheuses sous-type siliceux [Code UE : 8220].
Les pelouses pyrénéennes siliceuses à Gispet [Code UE : 6140].
Les pelouses à Fétuque paniculée (Festuca paniculata) [Code Corine : 36.331].
Les formations herbeuses à Nord raide (Nardus stricta) [Code UE : 6230*].
Les landes subalpines à Genévrier nain (Juniperus sibirica) [Juniperion nanae, Code UE : 4060].
Les landes à Rhododendron ferrugineux [Rhododendro ferruginei-Vaccinion myrtilli ; Code UE : 4060].
Les pinèdes à Pin sylvestre (Pinus sylvestris) [Code Corine : 42.56].
Les hêtraies et hêtraies-sapinières [Code Corine : 41.12 et 43.12].
Les pinèdes à Pin à crochet (Pinus uncinata) [Code UE : 9430].

Répartition géographique

Association à Cryptogramme crispée et Dryoptéris des montagnes dans toutes les Pyrénées siliceuses.

Valeur écologique et biologique

Habitat endémique des Pyrénées et montagnes ibériques dont la valeur écologique et biologique est due aux conditions très particulières du milieu, aux espèces spécialisées qu’il renferme et à la présence d’espèces endémiques : Séneçon des Pyrénées, Saxifrage faux-géranium, Chardon fausse carline (ce dernier devenant indifférent à la nature du substrat dans les Pyrénées-Orientales).
Il constitue le biotope de prédilection de mammifères comme le Campagnol des neiges (Chionomys nivalis) et l’Hermine (Mustela hermina), et de certaines espèces d’oiseaux protégées comme l’Accenteur alpin (Prunelle collaris), le Rouge-queue noir (Phoenicurus ochruros).
Une lacune persiste dans la connaissance de la faune invertébrée associée à ce type d’habitat (faune cavernicole et du milieu souterrain superficiel notamment).

États de conservation

États à privilégier :
Stade optimal de l’habitat.

Autres états observables :
Phases initiales et stades évoluant vers des pelouses ou des landes.

Tendances et menaces

L’habitat, assez fréquent, n’apparaît pas globalement menacé dans les Pyrénées. Toutefois des menaces de destruction directe (créations de pistes et routes, aménagement et extension de domaines skiables, piétinement et pâturage intensifs par les troupeaux, érosion…) et indirecte (pollution par des détritus jetés dans les pierriers, dégradation de sites ombragés pouvant servir de reposoir aux troupeaux, changement climatique global éventuel…) existent.

Axes de recherche

Affiner la typologie syntaxonomique des habitats et en préciser la répartition géographique.
Étudier la faune invertébrée associée.
Il serait intéressant de faire un suivi à long terme de ces habitats afin de connaître leur évolution éventuelle lors d’un changement climatique global.

Fiche du cahier d'habitats (format pdf)
Bibliographie

 Bensettiti F., Herard-Logereau K., Van Es J. & Balmain C. (coord.), 2004. « Cahiers d’habitats » Natura 2000. Connaissance et gestion des habitats et des espèces d’intérêt communautaire. Tome 5 - Habitats rocheux. MEDD/MAAPAR/MNHN. Éd. La Documentation française, Paris, 381 p. + cédérom. (Source)