Avec plus de 300 ha, les marais et bois tourbeux de la Calotterie, Attin et la Madelaine-sous-Montreuil constituent la plus vaste ZNIEFF du complexe écologique de la basse vallée de la Canche. Ils s’étendent de part et d’autre du fleuve qui les traverse dans un axe Sud-Est/Nord-Ouest.
Les bois humides à longuement inondables constituent l’essentiel de la végétation terrestre. Les boisements hygrophiles naturels sont composés d’aulnaies ou d’aulnaies-frênaies. De vastes saulaies fangeuses riches en diverses espèces de saules et leurs hybrides occupent des surfaces significatives dans certains secteurs (marais d’Attin). Les marais sont maillés d’un réseau dense de fossés et chenaux aux eaux très claires qui hébergent des herbiers aquatiques de qualité. La Canche reçoit les eaux de la Course au sein de la ZNIEFF à Attin. Quelques milieux ouverts - roselières, cariçaies et prairies humides - ponctuent le marais boisé dans les secteurs de la Basse Flaque à la Calotterie, du Grand Angle à Attin et à l’est du marais de la Grenouillère (les Prés Commandant). Les mégaphorbiaies se développent en bordure des étangs et fossés, ainsi qu’au sein des coupes forestières issues de l’exploitation des peupliers (Marais Saint-Jean).
Les milieux aquatiques sont représentés par les étangs permanents, les mares de chasse ainsi que par les chenaux, fossés de drainage et les cours d’eau (Canche, Course). La topographie du marais permet la présence de dépressions naturelles longuement inondables ponctuées d’îlots d’atterrissement où se développent les saules arbustifs.
La pêche et la chasse sont les principales activités humaines sur ce site. La populiculture a aussi marqué profondément certains secteurs (Marais Saint-Jean).
Sur le plan phytocénotique, 11 à 12 végétations déterminantes de ZNIEFF ont été identifiés sur le site.
Les bois relèvent des aulnaies marécageuses (Alnion glutinosae), des aulnaies-frênaies alluviales (Alnenion glutinoso - incanae) ou encore des saulaies (Salicion cinereae) pour les stades préforestiers. Considérées comme rares au niveau régional, les saulaies marécageuses mésotrophiles (Alno glutinosae-Salicetum cinereae) dominent la partie Sud-Est et le centre de la ZNIEFF (marais d’Attin). L’atterrissement et le drainage font évoluer ces végétations en aulnaie eutrophe à Cirse maraîcher (Cirsio oleracei-Alnetum glutinosae) ou encore en groupement à Fraxinus excelsior et Humulus lupulus sur les marges enrichies des fossés.
Essentiellement localisées sur les bords des fossés, les mégaphorbiaies du Thalictro flavi-Filipendulion ulmariae - et notamment le groupement à Cirsium oleraceum et Filipendula ulmaria - indiquent des sols enrichis.
La roselière à Laîche faux-souchet (Carici pseudocyperi - Rumicion hydrolapathi) est présente sur les zones d’atterrissement à la marge de certaines mares.
Au niveau des herbiers aquatiques, les groupements de l’Hydrocharition morsus-ranae (rare au niveau régional) et le Veronico beccabungae-Callitrichetum platycarpae sont deux habitats déterminants rencontrés dans les fossés aux eaux stagnantes à fluentes.
La flore patrimoniale recensée dans la ZNIEFF comporte 17 espèces déterminantes de ZNIEFF dont 5 protégées au niveau régional.
Dans les aulnaies et saulaies marécageuses, 2 stations de Fougère des marais (Thelypteris palustris), espèce rare et protégée au niveau régional, ont été recensées. Ce recensement pourrait être sous-estimé : cette fougère turficole pousse dans des bois souvent inaccessibles du fait de leur engorgement permanent et ces habitats occupent une superficie significative dans ce marais boisé.
Bien que les milieux ouverts y occupent une superficie réduite, quelques espèces caractéristiques des prairies humides et bas-marais font partie de la liste des espèces patrimoniales du site. Parmi celles-ci, la Laîche à bec (Carex rostrata), rare dans le Nord Pas-de-Calais, ou encore la Véronique à écusson (Veronica scutellata) et la Laîche à épis distants (Carex distans), toutes deux protégées dans la région.
Les mégaphorbiaies permettent la présence du Scirpe des bois (Scirpus sylvaticus) (protection régionale).
Les végétations aquatiques des fossés et des mares hébergent plusieurs espèces patrimoniales : Renoncules aquatiques [notamment la Renoncule divariquée (Ranunuculus circinatus), rare au niveau régional] et hydrophytes flottants comme la Morène aquatique (Hydrocharis morsus-ranae) et des lentilles d’eau peu communes ou assez rares dans la région (Spirodela polyrhiza, Wolffia arrhiza). Les marges de plans d’eau à exondation estivale peuvent pour leur part accueillir des espèces pionnières spécifiques comme l’Œnanthe aquatique (Œnanthe aquatica), et la Rorippe à petites fleurs (Rorippa palustris).
Enfin, l’ambiance aéro-hygrophile du marais favorise le développement de la végétation épiphytique, en particulier les Bryophytes (mousses et hépatiques). La diversité spécifique est aussi liée à la présence de biotopes de grand intérêt sur le plan de la morphologie et de la structuration verticale (HAUGUEL & WATTEZ, 2010) : plusieurs dizaines de taxons ont ainsi été recensés dans le marais d’Attin, parmi lesquels Orthotrichum rivulare (Turner) et Scleropodium cespitans (Wilson ex Müll.Hal.), deux espèces nouvelles pour la région Nord Pas-de-Calais, ainsi que d’autres taxons remarquables comme Oxyrrhynchium speciosum (Brid. Warnst), Microlejeunea ulicina (Taylor) A.Evans) et Metzgeria temperata (Kuwah.).
Quinze espèces animales déterminantes de ZNIEFF ont été recensées (dans les marais et bois tourbeux de la Calotterie, Attin et la Madelaine-sous-Montreuil).
L’avifaune patrimoniale s’illustre par la présence d’espèces inféodées aux marais : la Bouscarle de Cetti (Cettia cetti) est assez largement répartie, illustrant la prédominance des saulaies et bois humides. Plus localisées, les zones ouvertes (roselières) accueillent le Phragmite des joncs (Acrocephalus schoenobaenus). Pour leur part, les bassins de lagunage de la sucrerie d’Attin accueillent occasionnellement la nidification d’espèces telles que l’Avocette élégante (Recurvirostra avocetta), l’Echasse blanche (Himantopus himantopus) et le Goéland argenté (Larus argentatus).
Reptiles et Batraciens sont représentés par deux espèces déterminantes de ZNIEFF : La Couleuvre à collier (Natrix natrix) et la Rainette arboricole (Hyla arborea). Cette dernière est surtout localisée dans les pâtures au nord du Marais Saint-Jean (Nord-Ouest de la ZNIEFF) : des chanteurs sont entendus chaque année en période nuptiale autour de certaines mares. Ailleurs, les observations sont moins fréquentes (les Prés Commandant, l’Enclave de la Calotterie)
Avec 8 espèces déterminantes de ZNIEFF, les insectes illustrent aussi l’intérêt écologique de ces marais et bois tourbeux. Quatre espèces d’Odonates (dont 3 assez rares au niveau régional) dont l’Aeschne affine (Aeschna affinis), une espèce très disséminée dans la région (GODIN et al., 2003), et 3 espèces d’Orthoptères, dont le Criquet ensanglanté (Stethophyma grossum), assez rare dans le Nord Pas-de-Calais. Inféodées aux milieux humides ouverts, ces 3 espèces sont localisées aux prairies et cariçaies au sein de la ZNIEFF.
Enfin, le Petit nacré (Issoria lathonia), un Lépidoptère assez rare dans la région, complète la liste des insectes déterminants de ZNIEFF.
Les marais de la Calotterie, Attin et la Madelaine-sous-Montreuil constituent sans doute l’un des plus vastes espaces tourbeux boisés inondables du Pas-de-Calais dont la végétation forestière n’a pas été ou peu modifiée. Ce vaste marais est largement fréquenté par les chasseurs et pêcheurs. Certains aménagements liés à ces activités (mares de chasse, étangs de pêche) ont un impact significatif sur les milieux et les espèces : artificialisation, rudéralisation, perturbation des habitats, modifications du fonctionnement hydrologique naturel. Le piétinement des berges de la Canche et des bords de fossés empêche le déploiement de communautés végétales remarquables de mégaphorbiaies.
La gestion des niveaux d’eau dans le marais (drainage) doit prendre en compte la nécessité de préserver les caractéristiques qualités écologiques du marais qui permettent l’expression des végétations patrimoniales.
Par ailleurs, le curage des fossés, excessif, dégrade les herbiers aquatiques tandis que le dépôt des boues et vases sur les berges favorise le processus d’eutrophisation des mégaphorbiaies (développement d’espèces banales nitrophiles). Le curage devrait être limité aux seules opérations nécessaires à la sécurité des personnes et des biens légaux.
Les opérations de renforcement de digues au bord du fleuve sont à proscrire afin de préserver la capacité de stockage des crues des zones humides riveraines.
Les végétations naturelles du marais ont été localement affectées par d’importants dépôts d’alluvions lors des crues récentes de la Canche (1988, 1995 et 2001).
Des surfaces ont été plantées en peupliers localement (Marais Saint-Jean) mais la populiculture est surtout limitée à des implantations linéaires dans les autres secteurs.
Quelques équipements lourds pouvant générer des pollutions accidentelles ou des nuisances sont implantées dans la ZNIEFF : bassins de lagunage de la sucrerie d’Attin, station d’épuration de Montreuil-sur-Mer. Il existe aussi un projet d’extension de la zone commerciale d’Attin au détriment d’une zone humide périphérique (la Paix Faite).
Le mitage touristique a dégradé sensiblement certaines parties du marais (Marais Saint-Jean, la Canteraine, sud du Marais de la Grenouillère) au travers de la création de terrains de loisirs privatifs fortement artificialisés (création de plans d’eau, remblais, implantation de cabanons et mobil-homes, artificialisation de la végétation, dépôts de déchets).
Par ailleurs, les impacts d’une course pédestre « off road » de création récente doivent faire l’objet d’une attention renforcée afin de préserver les milieux terrestres et aquatiques les plus sensibles aux dégradations induites par le piétinement de milliers de concurrents et spectateurs.
L’extension de certaines espèces végétales invasives introduites ou naturalisées [Buddleia (Buddleja davidii), Renouée du Japon (Fallopia spp.), Balsamine géante (Impatiens glandulifera), Berce du Caucase (Heracleum mantegazzianun)] devrait être contrôlée.
Enfin, parmi les espèces animales introduites, des populations férales de Bernache du Canada et de Cygne tuberculé sont installées sur les étangs et se reproduisent sur le site à Attin et à La Madeleine-sous-Montreuil (BELET et al., 2008). Leur impact sur l’évolution des milieux est à considérer.
Le périmètre de la ZNIEFF couvre la majeure partie des zones humides boisées du lit majeur de la Canche (rive droite et rive gauche) en aval de Montreuil-sur-Mer. L’actualisation des données impose une extension significative du périmètre de la ZNIEFF de première génération pour intégrer plusieurs secteurs qui ont révélé un intérêt patrimonial à différents titres :
· au nord-ouest, légère extension pour intégrer une zone de prairies humides abritant une population de Rainette arboricole Hyla arborea et plusieurs stations de Renoncules aquatiques Ranunculus s.g. Batrachium ;
· Au centre, le nouveau périmètre annexe un secteur de prairies, mégaphorbiaies et boisements hygrophiles dans un méandre de la Canche (le Grand Angle et l’Enclave de la Calotterie). Cette zone présente notamment des stations d’Œnanthe fistuleuse Œnanthe fistulosa et deux espèces d’orthoptères déterminantes, ainsi qu’une saulaie turficole à Fougère des marais Thelypteris palustris (Alno glutinosae-Salicetum cinereae) ;
· Une large extension à l’est du périmètre initial de la ZNIEFF permet d’intégrer les bassins de lagunage de la sucrerie d’Attin (intérêt avifaunisitique : nidification d’espèces patrimoniales déterminantes), ainsi que des saulaies marécageuses (Alno glutinosae-Salicetum cinereae), des aulnaies et des espèces végétales aquatiques (Hydrocharis morsus-ranae, Ranunuculus circinatus), en concordance avec le reste de la ZNIEFF La nouvelle limite orientale de la ZNIEFF coïncide avec la route nationale RN 1 à Neuville-sous-Montreuil.